Le Next40 et le FrenchTech120, un "accélérateur de business" pour les startups

Alors que le gouvernement s'apprête à annoncer la deuxième promotion du Next40 -classement regroupant les 40 plus belles pépites de la tech française- et du French Tech 120 -le même principe étendu à environ 80 startups de plus-, La Tribune fait le bilan sur la première promotion.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

D'ici à la fin de la semaine -sauf nouveau retard lié à la crise du Covid-19, le secrétaire d'Etat à la Transition numérique, Cédric O, et la directrice de la Mission French Tech, Kat Borlongan, devraient annoncer la nouvelle promotion du Next40 et du French Tech 120, le classement des "meilleures" startups de la tech hexagonale. Les sélectionnés bénéficieront pendant un an de l'étiquette officieuse de "champion de la French Tech", et surtout de l'accompagnement sur-mesure qui va avec, par les services de l'Etat.

L'objectif : simplifier la vie des startups sélectionnées et les aider à surmonter le plus rapidement possible tous les défis qu'elles rencontrent sur le chemin de leur hyper-croissance : recrutements des talents, relations avec l'administration, accès aux marchés internationaux... Pour cela, elles bénéficient d'un "accès prioritaire" aux services de l'Etat grâce à la création d'une cinquantaine de Correspondants French Tech au sein des administrations et des services publics, dont la mission est de répondre "rapidement" au problème rencontré : étude de marché pour l'internationalisation, obtention de Visas pour les employés internationaux, conseil sur la levée de fonds, adaptation de la cotation bancaire, mises en relations avec l'appareil d'Etat et le réseau de Bercy et de Bpifrance auprès des grands groupes...

Lire aussi : A quoi sert le French Tech 120 et qui sont les startups sélectionnées ?

Un "accélérateur de business" grâce au réseau

Mais alors que la première promotion s'achève, le programme s'est-il révélé utile ? Les retours d'expérience recueillis par La Tribune sont unanimes. Au pire, figurer dans ces classements "n'apporte pas grand-chose mais ne fait pas de mal", notamment pour les entreprises BtoC (qui vendent directement au consommateur). Au mieux, et c'est plutôt l'écho entendu par La Tribune, c'est "un net accélérateur de business", comme l'explique Erwan Keraudy, le CEO de la startup CybelAngel, spécialisée dans la détection précoce des fuites de données des grands groupes et membre du French Tech 120 :

"En terme de réseau, c'est extraordinaire, surtout quand on est une entreprise BtoB -qui vend aux entreprises- qui a besoin d'accéder au top management, voire au Pdg, des grands groupes. Le Next40 et le French Tech 120 incarnent aux yeux du Cac40 le meilleur de la tech française. Donc quand les patrons s'intéressent à des enjeux de transformation numérique, ils demandent directement à Bpifrance ou au ministère des Finances, qui parlent de nous et nous font une introduction. Et inversement, si j'ai besoin d'entrer en contact avec un membre du Codir d'un grand groupe, quelqu'un du programme connaît forcément la personne que je veux approcher et me fait gagner beaucoup de temps".

Même son de cloche pour Anna Keroullé, la directrice de la marque et des contenus de Aircall, startup spécialisée dans la téléphonie dans le cloud pour les entreprises. "La sélection dans le French Tech 120 apporte une vraie reconnaissance, par l'Etat, à l'international et auprès du secteur privé. Mais le plus utile a été les contacts noués avec les autres boîtes, car nous sommes devenus un écosystème solidaire", affirme-t-elle. Un Slack a ainsi été créé, regroupant un bon nombre de dirigeants des startups du programme.

"Les retours et les conseils ont été utiles sur des enjeux d'hyper-croissance, de recrutement et d'internationalisation, indique-t-elle en évoquant un "écosystème solidaire, qui se superpose aux réseaux habituels". "On a aussi eu des opportunités business indirectes grâce à ce Slack, avec par exemple quelqu'un qui nous propose une prise de parole dans un événement, ou une mise en relation avec un prospect, et cela débouche in fine sur du business".

Lire aussi : Que font les startups du Next40, les fleurons de la French Tech ?

L'accès direct aux services de l'Etat, principale plus-value pour beaucoup de startups

D'après la Mission French Tech, le volet financement de l'accompagnement proposé par le programme a été le plus plébiscité par les entrepreneurs. L'association de plusieurs partenaires publics (Bpifrance, la Direction générale des finances publiques -DGFIP-, la Banque de France et la Banque européenne d'investissement) et la mise en place d'un accompagnement renforcé ont permis d'aiguiller les entreprises dans la tempête du Covid-19, notamment pour les orienter vers les dispositifs d'aide mis en place comme le PGE et le chômage partiel.

D'après Bercy, 55% des entreprises ont sollicité l'accompagnement de la Banque de France, principalement pour demander une révision de leur cotation Banque de France, et 54% ont sollicité la DGFIP pour "sécuriser leurs situations fiscales", parfois confuses à cause de leur hyper-croissance. Une situation vécue par Erwan Keraudy, le CEO de CybelAngel. "On a sollicité l'administration fiscale au sujet d'un plan d'incentives en actions pour nos employés car la réglementation était floue pour nous. On craignait de s'engouffrer dans une machine infernale, mais grâce au French Tech 120 on a eu un accès simplifié et on est tombés sur des gens familiers avec nos problématiques et très efficaces, je n'en revenais pas", raconte-t-il.

L'expérience avec l'administration française, d'ordinaire perçue comme un cauchemar par les entreprises, a aussi tourné à la bonne surprise pour Samir Medjebar, le directeur technique de la medtech Bioserenity, sélectionnée dans le Next40 :

"Le Next40 a été une excellente porte d'entrée vers les bonnes personnes dans l'appareil d'Etat. Le soutien de Bercy a été crucial pour nous permettre de collaborer avec la direction générale de l'Armée, qui est une entité très complexe et difficile à appréhender, dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 dans le Grand-Est, à laquelle nous avons participé".

Pour Samir Medjebar, le Next40 a également apporté une crédibilité supplémentaire à son entreprise, notamment à l'international. Mais aussi pour signer des contrats avec le secteur public en France, par exemple avec le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville. "L'un des problèmes des startups dans la santé c'est de surmonter les réticences du secteur public. Dans ce cadre la crédibilité et le gage de sérieux apportés par le Next40 ont changé la donne pour nous", affirme le dirigeant.

Autre aide précieuse du programme : l'accès au financement. "Plusieurs entreprises ont sollicité des fonds d'investissement sélectionnés dans le cadre de l'initiative "Tibi", qui a permis de mobiliser 6 milliards d'euros des investisseurs institutionnels (Caisse des dépôts, Bpifrance, EDF, fonds de pension public etc.) pour financer des levées de fonds pour les startups late stage, encore trop peu courantes en France", relève le secrétariat d'Etat au Numérique. A l'en croire, le Next40 et le French Tech 120 auraient donc contribué à l'explosion du verrou des grosses levées de fonds en France en 2020, avec, pour la première fois, près de dix "méga-levées" d'au moins 100 millions d'euros.

"Il y a un côté marketing assumé, mais derrière la com' il y a du fond", résume Erwan Keraudy. Les startups sélectionnées dans le Next40 et le French Tech 120 ont parfois été sollicitées, par l'Elysée ou Bercy, sur des problématiques liées à leur secteur. A l'image de cet atelier de travail à l'Elysée sur le thème des enjeux de cybersécurité, en présence des conseillers d'Emmanuel Macron, et de cette réunion à Bercy sur la modernisation de l'Etat.

Lire aussi : Les startups françaises ont levé 5 milliards d'euros en 2020... comme l'an dernier

Les places sont chères pour la promotion 2021

Pour la promotion 2021, dont l'annonce a été maintes fois repoussée en raison de la crise sanitaire, les critères demeurent globalement les mêmes. Les licornes -startups valorisées au moins un milliard d'euros- et les startups qui ont levé plus de 100 millions d'euros en capital-risque au cours des trois dernières années, intègrent directement le Next40.

Seront donc sélectionnées d'office au moins une vingtaine de startups, contre sept l'an dernier : Doctolib, BlaBlaCar, Deezer, Meero, Ynsect, ManoMano, Voodoo, HR Path, iAdvize, ContentSquare, Mirakl, EcoVadis, Sendinblue, Back Market, Qonto, Kineis ou encore Aledia et Swile, entre autres.

Pour intégrer le Next40, il faudra avoir un modèle économique validé par les investisseurs (sur la base du classement des levées de fonds de ces trois dernières années) et par les clients, avec un chiffre d'affaires d'au moins 5 millions d'euros et une croissance annuelle d'au moins 30%.

Les critères sont plus souples pour intégrer le French Tech 120. Les startups qui réalisent un chiffre d'affaires entre 5 et 10 millions d'euros devront afficher une croissance d'au moins 20% par an sur les trois dernières années, ou avoir levé au moins 20 millions d'euros depuis 2018.

"40 entreprises du FT120 seront sélectionnées sur un critère de levées de fonds, sans aucune condition de chiffre d'affaires : l'objectif est de cibler les startups deeptech et/ou avec des projets industriels, qui doivent passer par une importante phase de R&D avant la commercialisation", a indiqué Cédric O, le secrétaire d'Etat à la Transition numérique, dans une conférence de presse en novembre dernier.

En complément de la sélection sur des critères de performance économique, le process de sélection prévoit un critère régional destiné à assurer la représentation d'au moins deux startups par région dans le programme : une sur levée de fonds ; une sur la croissance. "L'objectif est d'assurer un équilibre territorial et de soutenir la dynamique des écosystèmes territoriaux", précise Cédric O.

Lire aussi : FT120, Next40 : l'illusion de grandeur de la French Tech

Toujours pas de critères sociaux et environnementaux

Quid de la notion d'impact sociétal et environnemental ? L'an dernier, le fait de baser les critères de sélection uniquement sur la performance économique -chiffre d'affaires, levées de fonds-, avait suscité de nombreuses critiques et alimenté la perception  négative de la "startup nation" qui ne soucie guère de son impact sur le monde.

D'après nos informations, l'ajout de "contreparties" à la sélection dans le Next40 ou le French Tech 120 a bien été débattue cette année. Mais au final, aucun critère d'impact sociétal ou environnemental positif n'a été retenu.

"C'était un champ de mines dans le sens où on ne sait pas encore bien mesurer l'impact avec des critères précis, fiables et universels. Beaucoup de startups ont aussi un impact fort sans forcément qu'on sache le quantifier. Or, nous voulions que la sélection soit claire, compréhensible et indiscutable, indique Kat Borlongan, la directrice de la Mission French Tech, à La Tribune. Qui tempère : "Etre sélectionné pour le Next40 ou le French Tech 120 vient toutefois avec des responsabilités morales, c'est comme être dans l'équipe de France de football de la tech. Le message envoyé est clair qu'on compte sur ces champions pour tirer l'écosystème vers le haut à tous les niveaux".

Dans la même veine, la question de la parité femmes/hommes n'a pas pu non plus être intégrée dans les critères. Pour une bonne raison : garantir la mixité dans ces classements est impossible en raison de la sous-représentation des femmes dans la tech et dans les levées de fonds. Ainsi, d'après le baromètre de l'association Sista avec KPMG, les startups dirigées par des femmes n'ont levé que 2% du montant total des levées de fonds depuis 2008... Sur la même période, les startups fondées par des femmes ne représentent que 5% des startups créées, tandis que les équipes mixtes ne pèsent que 10% du total. Autrement dit, les startups dirigées exclusivement par des hommes représentent 85% des startups françaises, ainsi que toutes les licornes et la quasi-totalité de la première promotion du French Tech 120.

Lire aussi : Ÿnsect, Mirakl, Sendinblue, ManoMano, Doctolib... toutes les méga-levées de fonds des startups françaises

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 03/02/2021 à 9:33
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A quand un euro tech 50 ?

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