Prix Tech for Future 2024 : Libu, la lumière qui améliore la vie des travailleurs en horaires décalés

Fondée par deux jeunes scientifiques, la startup Libu reproduit la lumière et la course naturelle du soleil pour éclairer les postes de travail en entreprise. De quoi prévenir les troubles du sommeil ou les risques cardiovasculaires et répondre à un problème de santé publique encore obscur. Libu remporte le prix Smart Tech de Tech for Future 2024, le plus plus grand concours de startups de France, organisé par La Tribune.
Maxime Giraudeau
Manon Loustau, cofondatrice et CEO de Libu, remporte le Prix Smart tech / innovations d'usage de Tech For Future 2024, le plus grand concours de startups de France, organisé par La Tribune.
Manon Loustau, cofondatrice et CEO de Libu, remporte le Prix Smart tech / innovations d'usage de Tech For Future 2024, le plus grand concours de startups de France, organisé par La Tribune. (Crédits : Georges Vignal)

La lumière à tous les étages. Sur le campus universitaire bordelais, l'Institut d'Optique d'Aquitaine abrite quelques pépites. Dans ce temple de la photonique - l'étude des signaux optiques - un microcosme scientifique s'active autour des défis technologiques de la lumière. C'est au milieu de ce bouillon de recherche que Libu commence à se faire remarquer. Avec ses dispositifs reproduisant le rythme lumineux du soleil, la startup vient, dans la même semaine, de lever 1 million d'euros et de remporter le concours Tech for Future. Ou quand le projet laborantin s'affirme dans le halo de l'entreprise à impact.

« Je me sens plutôt entrepreneure aujourd'hui. Au début, ce n'était clairement pas naturel », reconnaît Manon Loustau. A 29 ans, l'ingénieure de formation préside Libu, le projet de recherche devenu startup sur lequel elle travaille depuis 2016 avec son associé Tinou Seguin. Leur mission : développer des systèmes qui reproduisent la course naturelle du soleil grâce à la science des rythmes biologiques. Un spectre dont le monde du bureau est privé. « Les lumières artificielles ne tiennent pas compte de ces cycles quotidiens. Cela créé des conséquences graves pour les personnes qui travaillent en intérieur, comme des troubles cardiovasculaires, des risques de cancer ou d'obésité », alerte la dirigeante. Des perturbations que l'Anses relève dans un rapport de 2019.

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50 clients en France

Mais ce vaste sujet de santé publique n'étant que peu pris en considération, les jeunes chercheurs ont dû étudier le besoin de leurs clients potentiels pour les convertir. Position originale pour des profils scientifiques. « On développe une nouvelle technologie parce qu'on constate un besoin du marché. On a mené 350 interviews », se remémore Manon Loustau. Une orientation en réalité guidée par l'incubateur Unitec, qui a conseillé le duo dès les débuts du projet de recherche. « Ils étaient très tournés sur le produit, il a fallu retourner la problématique en leur disant d'apprendre à connaître le marché et les besoins. On est sur un projet hardware, il a fallu convaincre sachant qu'ils n'avaient pas des profils complémentaires. Ça a pris plusieurs années pour en arriver là où ils sont », retrace ainsi Jérémy Maduro, startup manager d'Unitec.

De là aboutissent deux produits qui visent à améliorer le confort des travailleurs de bureau. Un pavé LED qui se niche dans les plafonds à la place des traditionnels néons, et un luminaire de bureau sur pied. Ces éclairages diffusent une lumière blanche en journée et plus orangée le matin puis le soir. « C'est comme de la luminothérapie mais en continu », illustre-t-elle. Comme le système de modulation nocturne que propose par exemple Apple sur ses smartphones.

La commercialisation a débuté en 2022 et la société a rapidement convaincu de grands groupes : Capgemini, Deezer, Enedis, Suez ou GRDF s'éclairent maintenant avec Libu. Elle compte aujourd'hui une cinquantaine de clients en France. Un succès dû à l'appétence de la dirigeante pour l'entrepreneuriat, et qu'elle a cultivé par des parcours de formation dédiés. « En tant que scientifique, il y avait un cap à passer. C'était pas facile d'aller voir les premiers clients mais je me suis prise au jeu », rejoue-t-elle. Débridé, le duo veut maintenant équiper 1 million de travailleurs d'ici cinq ans.

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Passer à l'échelle, le défi de 2024

Les luminaires sont vendus à plus de 1.000 euros l'unité et les installations complètes au plafond peuvent représenter un surcoût de 15 à 20 % par rapport à des systèmes classiques. Un prix justifié aussi par le choix d'une production française. Les composants électroniques sont fabriqués par la coopérative Synergy Scop, basée à Pessac en Gironde, qui emploie 80% de personnes en situation de handicap. La partie mécanique et d'enveloppe est quant à elle produite par Holight dans le Béarn.

« D'un point de vue financier, on gagnerait probablement à fabriquer en Asie. Mais on est sur un positionnement haut-de-gamme et on veut contribuer au développement économique de la France », s'explique l'entrepreneuse. Pour 2024, la startup va devoir compter sur ses capacités et sur celles de ses deux partenaires puisqu'elle vise 600.000 euros de chiffre d'affaires, six fois plus que l'an passé.

La levée de fonds d'un million d'euros, menée auprès de fonds d'investissement français et régionaux (3A Venture, Arts et Métiers Business Angels, Synergence, Adour Business Angels et INSEAD Business Angels) va l'aider à se structurer. L'équipe de cinq salariés veut déjà recruter deux responsables de pré-industrialisation et deux profils commerciaux. « Il y a beaucoup d'éducation du marché à faire. Ce sont des sujets trop méconnus pour que nos prospects viennent à nous naturellement. Il faut qu'on aille au devant du marché », vise Manon Loustau.

Les jeunes dirigeants estiment que l'entreprise atteindra une taille critique d'ici trois ans par rapport à ses projections d'activité. Ce sera certainement l'aube d'une nouvelle levée de fonds, cette fois à vocation industrielle. Un défi de passage à l'échelle avec un outil de production propre qui s'annonce hautement plus périlleux et qui manque à de nombreuses startups. « La preuve de concept a été faite, ils sont capables de vendre des gros volumes. La phase industrielle et la future usine de production ce sont leurs enjeux de demain, mais on est plutôt confiants », opine Jérémy Maduro. Manon Loustau et Tinou Seguin vont s'attacher à garder la rentabilité en ligne de mire. Condition minimale pour espérer se faire une place au soleil.

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« Tech for Future » est le plus grand concours de startups de France. Organisé par les rédactions de La Tribune, il est soutenu par des partenaires officiels tels que la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia, Deloitte, BeTomorrow, l'INPI, le ministère des Outre-Mer, Orange, The Box et BFM Business. Il se compose d'une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines. Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé au Grand Rex de Paris, le 28 mars, les 10 grands gagnants 2024. Après sa victoire lors de la sélection en Nouvelle-Aquitaine, Libu gagne le prix Smart tech / innovations d'usage de Tech for Future 2024.

Maxime Giraudeau

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