Grand pollinisateur mondial, les abeilles butinent et pollinisent plusieurs centaines de fleurs par jour. Un appétit insatiable qui leur permet de jouer un rôle primordial dans l'agriculture. Car 75% de la production mondiale de cultures alimentaires dépend, en partie, de l'action des pollinisateurs, rappelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Or, chaque année, les apiculteurs font face à des pertes au sein de leurs ruches. A la fin de l'hivernage 2022/2023, la plateforme d'épidémiosurveillance en santé animale (ESA) comptabilisait ainsi 25% de pertes dont 17,5% de colonies mortes chez l'ensemble des apiculteurs français. Parmi les causes avancées, on trouve : des parasites comme le varroa, le dérèglement climatique, les carences dues aux monocultures ou à la disparition des haies, les frelons asiatiques ou encore les pesticides.
De l'hydrogène aux abeilles
Chercheur à l'institut Lavoisier de Versailles, Sébastien Floquet a développé un micronutriment qui renforcerait le système immunitaire de ces précieux insectes, améliorant ainsi leur résistance aux parasites et à un environnement changeant ou complexe. Sa découverte arrive un peu par hasard, explique son associée et cofondatrice, Aneta Ozieranska. « Sébastien est chimiste et travaillait sur l'application de ses recherches dans le secteur de l'hydrogène mais cela n'a pas fonctionné. Il a alors cherché une application en biologie pour ses molécules bio-inspirées à enzymes naturelles », détaille t-elle.
Avec un chercheur de l'institut de zoologie de Moldavie, ils décident de tester le produit sur plusieurs espèces animales, dont les abeilles. Ces dernières sont en effet nourries avec des pâtes ou des sirops pour leur permettre de supporter l'hiver. Les résultats obtenus sur cette catégorie d'insectes se révèlent « très prometteurs » selon la cofondatrice.
Après ce premier essai, l'usage de ce complément alimentaire à base de molybdène est testé dans 1.300 ruches installées en France, en Grèce, en Espagne, aux Etats-Unis et en Moldavie. Une étape indispensable, car « de nombreux facteurs naturels peuvent influer » sur les résultats, souligne Aneta Ozienranska. Ceux-ci dépassent leurs espérances : la baisse de la mortalité hivernale atteint jusqu'à 80% dans certaines ruches. Les scores les plus marquants sont obtenus en Californie (Etats-Unis), un État où le taux de mortalité des abeilles est particulièrement élevé. Oligofeed mène actuellement d'autres études qui donneront prochainement lieu à une publication scientifique basée sur un panel de données plus larges.
En réduisant le taux de mortalité, la solution d'Oligofeed permet par ricochet d'améliorer la pollinisation et la production de miel. Des partenariats avec une dizaine d'apiculteurs se poursuivent pour continuer à accumuler les données.
Une solution brevetée et en cours d'homologation
Le micronutriment développé par Sébastien Floquet repose sur « un oligoélément, le molybdène, présent dans plusieurs processus physiologiques importants des abeilles et notamment dans des glandes qui jouent un rôle important dans la réponse immunitaire », détaille Aneta Ozienranska. Cette molécule précise serait celle qui améliorerait la résistance des abeilles aux pesticides et aux parasites, supposent les deux fondateurs d'Oligofeed.
Déjà brevetée, la solution est actuellement en cours d'homologation en Europe et aux Etats-Unis. « C'est un processus très long. Il y a d'abord une phase d'étude réglementaire pour vérifier que notre produit n'est pas toxique, qui peut prendre plus ou moins longtemps. Avec les abeilles, nous travaillons sur des cycles annuels », ce qui tend à rallonger les délais. Déposée en décembre dernier, la demande d'homologation devrait encore prendre au minimum six mois pour être obtenue.
Le temps, pour Oligofeed, de penser à l'étape suivante, celle de la production. « Nous avons encore tout à faire : procédure légale, choix du packaging, quantité proposée par lot, production interne ou délégation, etc... » Avec pour visée, un démarrage de la commercialisation mi-2025 pour un prix qui n'est pas encore totalement déterminé.
Et celui-ci sera sans doute important pour la suite de son développement car si la quantité requise par ruche est très minime, la concurrence, elle, est déjà présente. Plusieurs sociétés comme Apiforme ou Bee'Full (par Solu'Nature) proposent également des compléments alimentaires pour renforcer la résistance des abeilles ou encore les calmer. Pour se différencier, Oligofeed pointe une « démarche scientifique pointue ».
Une levée de fonds pour créer une offre complète
Jusqu'ici la société a pu se développer grâce à du love money [un financement venant de proches] et surtout grâce à des subventions obtenues lors de concours. Elle a notamment été lauréate du concours I-Lab 2030 organisé par Bpifrance. Les études réglementaires nécessaires à l'homologation ont, quant à elles, été financées par la SATT Paris Saclay avant même la création officielle de la startup.
Afin de passer ce cap de la production, la société finalise actuellement une levée de fonds, mais elle reste discrète sur le montant recherché et les investisseurs mobilisés. Cette augmentation de capital vise également le développement de son panel de produits. Car Sébastien Floquet et Aneta Ozienranska travaillent déjà sur d'autres cibles : les bourdons d'une part mais aussi d'autres espèces.
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« Tech for Future » est le plus grand concours de startups de France. Organisé par les rédactions de La Tribune, il est soutenu par des partenaires officiels tels que la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia, Deloitte, BeTomorrow, l'INPI, le ministère des Outre-Mer, Orange, The Box et BFM Business. Il se compose d'une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines. Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé au Grand Rex de Paris, le 28 mars, les 10 grands gagnants 2024. Après sa victoire lors de la sélection en Auvergne-Rhônes-Alpes, Oligofeed gagne le prix Start de Tech for Future 2024.
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