« Le Digital Services Act veut assainir le web mais n'a pas les moyens de son ambition » (Sonia Cissé, Linklaters)

ENTRETIEN - Le Digital Services Act, qui vient d'entrer en vigueur le 17 février, oblige les acteurs du numérique à plus de transparence. Il dote enfin l'Union européenne d'outils pour contraindre ces derniers à assainir des pratiques critiquées depuis des années. Enfin... sur le papier, car en pratique, des doutes émergent sur le réel poids du texte. La Tribune fait le point avec Sonia Cissé, avocate associée chez le cabinet Linklaters, sur les enjeux de ce texte phare de l'Europe numérique.
Le Digital Services Act est entré en vigueur le 17 février 2024.
Le Digital Services Act est entré en vigueur le 17 février 2024. (Crédits : Reuters)

La fin du « Far West numérique », c'est maintenant ? Le 17 février, le Digital Services Act est entré en vigueur dans l'Union Européenne. Ce texte de loi oblige les services numériques (réseaux sociaux, e-commerçants, moteurs de recherche...) à être plus transparents, et à mieux protéger leurs utilisateurs contre la désinformation, la vente de produits illicites ou dangereux, les publicités mensongères... Autrement dit : tout ce que l'on reproche à certains acteurs du numérique depuis des années est désormais très clairement puni par la loi européenne.

Les très grandes plateformes comme Facebook, X (ex-Twitter) et TikTok sont soumises à cette réglementation depuis août 2023. Désormais, les services numériques de taille plus modestes sont aussi concernés, à l'exception des entreprises de moins de 50 salariés pour qui les règles sont allégées. Sonia Cissé, avocate associée spécialiste des technologies et de la protection des données au cabinet Linklaters, revient pour La Tribune sur les enjeux de ce texte et sa mise en application complexe.

LA TRIBUNE - Une procédure officielle contre TikTok a récemment été ouverte, car la plateforme est soupçonnée de ne pas respecter le DSA. En particulier concernant le manque d'atténuation des risques pour les mineurs et la diffusion de contenus illicites. En décembre, c'est X (ex-Twitter) qui était visé par une enquête pour infraction au DSA. Que disent ces premières procédures de l'enjeu de ce texte ?

SONIA CISSÉ - La genèse de ce texte c'est l'assainissement du numérique. A ce titre, la protection des mineurs et la lutte contre la désinformation étaient cités comme des enjeux majeurs dès les débuts. Ce n'est pas étonnant donc que les premières plateformes visées soient TikTok et X.

Le DSA vient assainir l'ensemble de l'écosystème. Ce texte impose une obligation de transparence (en demandant aux acteurs d'afficher clairement les contenus publicitaires notamment, ndlr) et de reporting (en les obligeant par exemple à publier de rapports sur la modération des contenus notamment, ndlr). Par exemple, les clients sont en droit de demander à une plateforme qui est le vendeur, et quel a été le process d'acceptation du vendeur sur la plateforme.

En cas de non-respect, les sanctions sont importantes : les amendes pourront atteindre 6 % du chiffre d'affaires. Les grandes plateformes étaient les premières concernées, mais désormais c'est l'ensemble des acteurs du numérique qui doivent se conformer. Cela comprend : les services intermédiaires et les prestataires d'hébergement. Précédemment, la loi pour la confiance dans l'économie du numérique (qui date de 2001) ne se focalisait que sur un petit nombre d'acteurs.

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Le DSA est-il comparable au règlement général sur la protection des données (RGPD) en termes de mise en application ?

Pour les entreprises, être conforme au DSA sera moins fastidieux que pour le RGPD. Le problème c'est que ce texte s'ajoute à d'autres. Comme de nombreuses réglementations entrent en vigueur au même moment, cela mobilise beaucoup de ressources en interne.

Des entreprises viennent nous voir en demandant des programmes de conformité en « bundle » (groupé), pour respecter le DSA, mais aussi le Digital Market Act (qui porte sur le respect de la concurrence et entre en application le mois prochain, ndlr), l'IA Act qui encadre l'utilisation de l'intelligence artificielle...

Ce dernier texte inquiète particulièrement, car sa définition de l'IA et des acteurs impactés est très large. A partir du moment où vous êtes en interaction avec un système d'intelligence artificielle, vous êtes concerné.

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Le mot d'ordre du texte - « assainir le web » pour reprendre votre terme - est fort, mais le DSA a-t-il le moyen de son ambition ?

C'est le principal argument mis en avant contre ce texte : il n'a pas les moyens de son ambition. En France, c'est l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique qui est en charge de son application. Des recrutements ont été faits, mais ils ne sont pas très nombreux.

Néanmoins, il va y avoir un effort de concentration des forces sur les très grosses plateformes, celles qui sont manifestement problématiques. Par ailleurs, une culture de la conformité va s'installer en Europe. Il y aura une coopération plus accrue entre les différentes autorités. On note déjà que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et l'Autorité de la concurrence se sont rencontrées deux fois, ont communiqué sur ces rencontres, ont signé des déclarations conjointes.

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Commentaires 4
à écrit le 24/02/2024 à 9:15
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Bref encore un nid à emplois fictifs, on sait où faire des économies mais nos dirigeants politiques préfère nous prendre toujours de fric à nous. Nos dirigeants sont faibles.

le 24/02/2024 à 11:12
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Au contraire c est comme la répression des fraudes elles sont utiles . Et ne gênent ou sont critiques par ceux là même qui mentent fraudent etc …s il n y avait pas d abus et de fraudes il n y aurait pas besoin de celle d’ci et pour info Sarkozy en...

le 24/02/2024 à 11:12
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Au contraire c est comme la répression des fraudes elles sont utiles . Et ne gênent ou sont critiques par ceux là même qui mentent fraudent etc …s il n y avait pas d abus et de fraudes il n y aurait pas besoin de celle d’ci et pour info Sarkozy en...

le 25/02/2024 à 10:06
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Non, la répression des fraudes est utile oui mais là c'est n'importe quoi, une usine à gaz qui ne fonctionnera jamais car internet ne sera jamais fiable à 100%. On est en France ici on est pas des lapins de garenne européistes.

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