Tesla, Twitter, Neuralink... l'année chaotique d'Elon Musk en 2022

Entre le rachat de Twitter, l'effondrement en Bourse de Tesla et les déboires de Neuralink et The Boring Company, Elon Musk était incontournable dans l'actualité cette année... surtout pour de mauvaises raisons. Le milliardaire a égratigné son image de génie des affaires par sa gestion de la direction de Twitter et ses prises de positions politiques virulentes. Détrôné du statut d'homme le plus riche du monde, il est désormais accusé par les actionnaires de Tesla de ne pas suffisamment se consacrer à l'entreprise. Résultat, Elon Musk va commencer 2023 avec des situations de crise à gérer sur la quasi-intégralité de son portefeuille d'entreprises.
François Manens
Avec Twitter, Tesla et SpaceX, la tech a gravité autour d'Elon Musk en 2022.
Avec Twitter, Tesla et SpaceX, la tech a gravité autour d'Elon Musk en 2022. (Crédits : DADO RUVIC)

Quelle année pour Elon Musk ! En un an, celui qui était l'homme le plus riche du monde a perdu ce statut et vu sa fortune fondre de 270 milliards à 140 milliards de dollars. La principale cause ? Le constructeur de voitures électriques Tesla, dont il est le principal actionnaire avec 13% du capital en plus d'en être le dirigeant, a vu son cours en Bourse s'effondrer de plus de 69% sur l'année.

Mais si Elon Musk mérite le titre de personnalité de l'année 2022, c'est bien pour son rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars, déposé en avril. Inattendue, l'acquisition a tourné en un feuilleton aux nombreux rebondissements, l'homme d'affaires tentant de se dédire de la signature du contrat et d'accabler la direction de Twitter au point d'amener l'affaire en justice, avant de finalement prendre le contrôle du réseau social pour y imposer une direction brutale. Déjà plus bavard que ses homologues milliardaires, Elon Musk a multiplié les déclarations publiques pour promouvoir ses idées politiques conservatrices, parfois aux dépens de son portefeuille d'entreprises (Tesla, SpaceX, Neuralink et The Boring Company).

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L'image du génie égratignée depuis le rachat de Twitter

Elon Musk a commencé l'année enorgueilli par les succès retentissants de ses deux principales entreprises, le constructeur de voitures électriques Tesla et l'entreprise spatiale Space X, au point de lui-même se comparer à Tony Stark, le super-héros milliardaire et brillant inventeur derrière l'armure de Iron Man. Alors lorsqu'il a fait son offre pour devenir l'actionnaire unique de Twitter à un prix de 54,20 dollars de l'action, bien au-dessus du cours, les experts ont cherché une explication logique. Pourquoi le brillant businessman achèterait-il une entreprise qui peine depuis plus d'une décennie à trouver son modèle économique ? Le milliardaire restait très flou sur le jeu, et a à peine esquissé un projet -surnommé X- qui consisterait à transformer le réseau social en une super-app, par laquelle passeraient des paiements, à la manière de WeChat en Chine.

Mais à peine le milliardaire est-il arrivé aux commandes de Twitter qu'il a commencé à le décrire comme un trou à liquidités, dans une situation financière tellement catastrophique qu'il risquerait un dépôt de bilan -alors même que si l'entreprise parvenait régulièrement à atteindre l'équilibre avant le rachat. Avec cette justification, Elon Musk a taillé à plusieurs reprises dans les effectifs du groupe au point d'en licencier plus de 60%, fermé des bureaux à l'étranger et renouvelé la quasi-intégralité du personnel dirigeant. Le tout, en commentant chaque décision de plusieurs tweets. Quant à l'ambitieux projet de super-app, il balbutie. L'entreprise a déployé en urgence la refonte de Twitter Blue (un abonnement à 8 euros censé servir de pierre angulaire au système de paiement) mais a dû la retirer à plusieurs reprises à cause des dysfonctionnements, avant qu'elle soit finalement enfin mise en place un mois et demi plus tard.

Musk construit depuis des années une image de travailleur acharné, sur laquelle il s'appuie pour exiger des rythmes de travail intense de la part de ses employés. Musk dort sur le sol des usines de Tesla, il s'implique dans l'ingénierie et fait office de lobbyiste en chef pour ses entreprises. Sa méthode extrême, à l'instinct, semblait fonctionner : les navettes réutilisables de SpaceX amènent les astronautes vers la station spatiale internationale, tandis que Tesla a donné une nouvelle dimension au marché de l'automobile électrique. Mais dans le cas de Twitter, Musk donne simplement l'impression de naviguer à vue, reprenant des propositions d'utilisateurs sans lien avec l'entreprise, qu'il qualifie d'« intéressantes ».

Pire, le brillant Elon Musk a laissé apparaître au grand jour ses défauts. Ses prises de paroles dans les conférences audio publiques de Twitter -les Twitter Space- ont laissé entrevoir un dirigeant incapable de répondre aux critiques, préférant quitter la discussion ou faire expulser son interlocuteur. L'image du milliardaire a pris un coup, et ce dernier a lui-même enfoncé le clou dans le cercueil : courant décembre, il a demandé par le biais d'un sondage Twitter -qui par ailleurs ne respecte aucune des protections nécessaires pour avoir des résultats rigoureux- s'il devait quitter son poste de dirigeant du réseau social. 58% des 17 millions de comptes votants (environ 12% de son nombre d'abonnés) ont fait part de leur volonté qu'il parte. Elon Musk a affirmé qu'il se mettrait à chercher une personne pour le job, mais qu'il continuerait de s'occuper du logiciel et des serveurs, c'est-à-dire du cœur de valeur du réseau social.

Tesla, délaissée et en mauvais posture

Depuis que le milliardaire a pris les commandes de Twitter, fin octobre, l'action de Tesla a plongé de 47%, et est passée sous la barre des 200 dollars pour la première fois depuis novembre 2020. Sur l'année, cette effondrement s'élève à 69,5%. En cause : le nouveau dirigeant semble aspiré par des enjeux politiques, et est accusé de délaisser la direction du constructeur automobile. Alors qu'il s'auto-qualifiait « ni de gauche ni de droite », le puissant milliardaire a appelé à voter pour le camp Républicain lors des élections américaines des midterms, et il passe ses journées à commenter et relayer des publications du camp conservateur. Pour appuyer son combat idéologique, il a ouvert les fichiers internes de Twitter a une poignée de journalistes « anti-mainstream », dans le but qu'ils exposent les incohérences et les contradictions de l'ancienne direction du réseau social. Jouant avec les limites du complotisme, la série d'article baptisée Twitter Files s'est penchée sur le bannissement de figures de l'extrême droite américaine comme Donald Trump ou encore la censure de désinformation sur le Covid-19.

Cet engagement est mal vu par une partie des actionnaires de Tesla, car l'entreprise traverse déjà des turbulences et n'a pas besoin de controverses supplémentaires. Pour commencer, sa production a patiné en Chine, en grande partie à cause de l'extrême politique anti-Covid du gouvernement qui a perturbé le fonctionnement de sa gigafactory de Shanghaï. Après un court retour à la normale, la production va de nouveau ralentir en janvier, sur fond de regain dramatique de l'épidémie dans le pays. Ensuite, ses projets, comme le Cybertruck et le Roadster, annoncés depuis des années, n'ont toujours pas de date de mise en production. Seul le semi-remorque, annoncé il y a trois ans, est entré en production. Quant à la gamme de voitures Tesla, elle reçoit des mises à jour mais n'a pas de nouveau produit phare à mettre en avant, alors que les constructeurs historiques (Mercedes-Benz, Volkswagen, Hyundai, Kia...) s'engagent sur son segment de marché, que le marché chinois commence à être investi par des constructeurs locaux, et que ses concurrents directs (Rivian, Lucid...) arrivent à maturation.

Tesla reste encore le large leader de son marché (65% de parts, 14 points de moins qu'en 2020), mais va devoir prouver en 2023 qu'il a les outils pour le rester. Et pour y parvenir, les actionnaires exigent un Musk impliqué à 100%. Ce dernier se défend de s'éparpiller, mais ses nombreux messages sur Twitter laissent penser le contraire. Il est loin d'être trop tard pour que Tesla remonte la pente : l'entreprise a réalisé 3,3 milliards de bénéfice au troisième trimestre, et si elle va peut-être rater son incroyable objectif de croissance annuelle de 50%, elle n'en reste pas moins sur une trajectoire positive.

Neuralink et The Boring Company, deux boulets en devenir ?

Mais Elon Musk n'a pas que la situation de Tesla à gérer. Comme le joyau perd de sa superbe, ses investissements moins réussis deviennent plus visibles. A commencer par Neuralink, une entreprise créée en 2016 qui vise à développer des implants cérébraux à des fins neurologiques, par exemple pour lutter contre les paralysies. Début décembre, Elon Musk a enfin présenté la prochaine étape pour son projet ambitieux : le lancement des tests sur les humains au deuxième trimestre de 2023, même si l'entreprise reste pour l'instant en attente des autorisations nécessaires. Mais quelques jours après la conférence de présentation, Reuters a révélé que la société faisait l'objet d'une enquête fédérale, motivée par des signalements de maltraitance animale. Concrètement, Neuralink est accusée de précipiter ses tests, et d'ainsi causer des souffrances et des morts évitables à ses sujets d'expérimentation. D'après l'agence de presse, au moins 1.500 animaux seraient morts des suites de tests depuis 2018, dont 280 moutons, cochons et singes. Si ce nombre ne constitue pas une preuve d'abus à lui-seul, il est appuyé de témoignages internes qui font le lien entre les expérimentations ratées et la pression sur le développement du produit. Elon Musk aurait à plusieurs reprises laissé entendre aux employés que Neuralink pourrait fermer si les progrès n'arrivaient pas assez vite. L'entreprise à déjà raté plusieurs dates butoirs, et tarde à délivrer.

Bien que la situation de Neuralink n'est pas au beau fixe, elle se porte toujours mieux que celle de The Boring Company. Également fondée par Elon Musk en 2016, cette entreprise construit des tunnels, avec la promesse d'y faire circuler des navettes autonomes à grande vitesse, pour ainsi éviter les bouchons de la surface. Problème : le premier projet, un tunnel de 2,7 kilomètres de long à l'intérieur du centre des conventions de Las Vegas, finalisé en 2020, a tourné au fiasco. Pour commencer, il n'est accessible que sur un nombre de jours limités, et uniquement par les participants des conférences. Ensuite, les navettes qui y circulent ne sont ni rapides (50 km/h, bien loin des 240 km/h promis) ni autonomes, puisqu'il s'agit simplement de Tesla Model 3 conduites par des chauffeurs. Pire, des bouchons se forment dans le tunnel aux pics d'affluence ce qui signifie que le projet ne répond pas à sa première promesse. Mais ce n'est que fin novembre que le Wall Street Journal a exposé l'ampleur du désastre.

Les villes américaines qui avaient signé des contrats avec The Boring Company, comme Los Angeles, Baltimore et Chicago ont dû renoncer à la construction de leurs tunnels. Dans le cas de Chicago, l'entreprise de Musk a demandé une rallonge budgétaire de 455 millions de dollars alors que la ville ne devait en payer à l'origine que 45 millions. D'autres villes se sont quant à elles faites simplement ignorer par la société, malgré leurs relances. Autrement dit, The Boring Company a très largement sous-estimé le coût de ses projets en plus de très largement surestimer sa capacité de production, avec pour résultat l'annulation de quasiment tous ses chantiers. D'ailleurs, elle ne promet plus que ses navettes soient autonomes.

Heureusement, dans le marasme des entreprises d'Elon Musk, une société reste encore intouchée : SpaceX. En 2022, l'entreprise a accéléré le déploiement de sa constellation de satellites Starlink, la plus grosse du genre, destinée à fournir Internet aux territoires déconnectés. L'entreprise a annoncé qu'elle a passé la barre du million d'abonnés à son service en décembre 2022. Pas de quoi encore couvrir les coûts de son investissement -estimé en 2018 à plus de dix milliards de dollars- mais suffisant pour démontrer un intérêt pour l'offre. Mais en parallèle, les navettes Crew Dragon continue d'assurer la rotation de l'équipage de la station internationale : SpaceX s'est imposé comme un incontournable du secteur. Et pour l'instant, les déboires d'Elon Musk ne l'affectent pas.

François Manens

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Commentaires 3
à écrit le 03/01/2023 à 8:57
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Et sinon, les twitter files on en parle quand ?.,....le moins possible pour ne pas étaler la complicité de tout les médias mondiaux à la censure unilatérale des états qui a déjà fait tant de morts bien réels avec la crise du Covid entre autres cachot...

à écrit le 31/12/2022 à 23:19
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Le génie d'Elon Musk egale celui de Madoff. Il a su faire "piter" un grand nombre de gros poissons dans une entreprise qui n'est pas (encore que!) un schéma de Ponzi, mais dont le résultat final sera le même. Un grand crash version Eon, Lehmann Broth...

à écrit le 31/12/2022 à 12:36
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Bonjour, Personnellement, je crois que les valeurs de ce types d'action revient a une cotation plus réaliste... Ensuite, l'arrivée de nouveaux investisseurs et le licenciement de miliers de personnes, ne donne pas envie d'investir sur des produits au...

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