Twitter : Elon Musk brade la pub pour trouver des revenus

Après avoir perdu les trois quarts de ses plus gros annonceurs depuis la prise du pouvoir d'Elon Musk fin octobre, Twitter lance une grande promotion sur ses espaces publicitaires. L'objectif : engranger désespérément des revenus en attendant que le nouveau modèle économique de l'entreprise, toujours très flou, prenne le relais. Ce qui n'est pas près d'arriver... Explications.
François Manens
En panne d'annonceurs, Twitter va offrir des espaces publicitaires.
En panne d'annonceurs, Twitter va offrir des espaces publicitaires. (Crédits : CARLOS BARRIA)

Depuis fin octobre 2022 et la prise de pouvoir d'Elon Musk, Twitter peine à trouver des revenus. Plusieurs grands annonceurs ont rapidement fui la plateforme face aux risques liés à la nouvelle politique de modération du réseau social. D'ailleurs, ces craintes se sont en partie réalisées lorsque Twitter a rétabli les dizaines de milliers de comptes bannis pour désinformation ou incitation à la haine. Pire, alors qu'Elon Musk s'engageait à lui-même apporter des garanties aux annonceurs frileux, ses prises de positions politiques n'ont fait qu'aggraver la situation.

En parallèle, le grand plan de l'homme d'affaires pour retravailler le modèle économique du réseau social afin de moins dépendre de la publicité -qui représentait presque 90% du chiffre d'affaires du groupe sur l'année 2021- ne prend toujours pas forme. Résultat : en attendant un redressement de fond, l'entreprise tente de sauver les meubles à coup d'offres éphémères.

Promotion : deux pour le prix d'un !

D'après l'entreprise d'analyse des applications Sensor Tower, 75 des 100 plus gros annonceurs de Twitter avant la prise de pouvoir d'Elon Musk n'ont rien dépensé sur la plateforme sur la première semaine de 2023. Pathmatics faisait un constat similaire fin décembre. Parmi les figures de cet exode se trouvent les constructeurs automobiles General Motors et Volkswagen, la compagnie aérienne United Airlines ou encore l'entreprise pharmaceutique Pfizer.

Pour compenser ces départs, Twitter propose des rabais. D'après le Wall Street Journal, l'entreprise a lancé une grande promotion dès la mi-décembre : si les annonceurs dépensent entre 250.000 et 500.000 dollars dans les espaces publicitaires du réseau social, ce dernier en offre le double ! Seule restriction à l'accord, l'enveloppe doit être dépensée avant le 28 février, et ce n'est pas un hasard. Le 13 février a lieu le Superbowl, finale du championnat de football américain (NFL) dont le spectacle de mi-temps est devenu un événement culturel à part entière. Suivi par plus de 99 millions de spectateurs rien qu'aux Etats-Unis, il s'agit d'un incontournable du milieu de la publicité, lors duquel Twitter a réalisé ses plus grosses recettes en 2022. Mieux que pendant le Black Friday !

Outre l'effet de levier sur les dépenses, l'offre a aussi pour objectif de faire découvrir aux marques les nouveaux outils publicitaires de Twitter. Les annonceurs profitant de la promotion devront par exemple utiliser un filtre destiné à contrôler les contenus autour de la publicité. Ils auront la possibilité de fournir une liste contenant jusqu'à 1.000 mots-clés, que le réseau social s'engage à ne faire apparaître ni au-dessus ni en dessous de leur publicité. Difficile d'estimer si ces nouveaux garde-fous seront suffisants : plusieurs études indiquent que le nombre et la fréquence de contenus haineux a drastiquement augmenté sur Twitter depuis la prise de pouvoir d'Elon Musk. Et, en parallèle, le réseau social songerait à lever son blocage des publicités politiques, alors même que Musk vient de s'affirmer comme un conservateur qui vote pour les républicains.

Mise aux enchères

Le nouveau propriétaire de Twitter affirme depuis des mois que, grâce à la réduction des coûts, l'entreprise devrait être à l'équilibre en 2023. Mais d'un autre côté, il ne cesse d'agiter auprès de ses employés le risque de la faillite, une technique qu'il utilise aussi dans ses autres entreprises pour créer un sentiment d'urgence. Depuis sa prise de pouvoir, l'homme d'affaires a licencié 80% des effectifs, qui sont passés de 8.000 à 2.000 employés, et ce n'est pas fini. L'entreprise a de nouveau licencié des dizaines de salariés au début de cette année.

Mais sans les annonceurs, Twitter va rapidement avoir un problème de revenu et, si Elon Musk a fait entendre qu'il souhaitait moins dépendre d'eux, il n'a jamais été clair sur ses intentions concernant la place de la publicité sur Twitter. A demi-mot, il a laissé entrevoir le projet de transformer le réseau social en « super-app » à l'image du chinois WeChat. Ce virage impliquerait l'arrivée d'un système de paiement, pour lequel l'entreprise a commencé les démarches. Mais le lancement de la nouvelle version de l'abonnement Twitter Blue, censé servir de pierre angulaire au nouveau modèle, a complètement raté, en plus de déclencher une confrontation avec Apple au sujet de la commission prélevée par l'App Store. En conséquence, le réseau social a augmenté le prix de l'abonnement, en le passant de 8 euros lorsqu'il est acheté sur la version web du site, à 11 euros lorsqu'il est acheté depuis l'app sur iPhone. Entrée en vigueur au début de l'année, cette hausse de prix a grandement agacé une partie du peu d'abonnés à Twitter Blue.

Puisque les changements structurels ne prennent pas ou se font attendre, l'entreprise tente des coups d'éclat. Elon Musk a suggéré que Twitter pourrait vendre aux enchères quelque 1,5 milliard de noms d'utilisateurs (qui prennent la forme @elonmusk, par exemple) qui sont utilisés par des comptes inactifs depuis longtemps. Les noms courts à deux ou trois lettres, ou ceux à un chiffre, sont déjà considérés comme des biens rarissimes. Ils attirent d'ailleurs régulièrement les hackers, qui parviennent à les vendre à prix d'or au marché noir. Ironiquement, l'entreprise met également aux enchères, entre le 17 et le 18 janvier, 631 objets sortis de ses bureaux. Parmi les lots à acheter se trouve notamment un néon lumineux à l'effigie du logo du groupe, un four à pizza ou encore du matériel informatique.

Musk continue de chambouler Twitter

Pour changer Twitter, Musk continue d'en chambouler les fondements. Depuis le début de l'année 2023, le site ne permet plus d'afficher les tweets en ordre chronologique, et il devrait très bientôt autoriser des messages à plus de 4.000 caractères, contre seulement 280 aujourd'hui. Ce serait un virage majeur pour le réseau social dont la brièveté des messages était l'élément différenciant. De plus, Twitter testerait déjà une monnaie virtuelle, le Coin, autour de laquelle s'articulerait de nouveaux dispositifs de rémunération des créateurs ainsi que ceux déjà existants (abonnements, dons...).

En parallèle, Twitter a coupé depuis samedi l'accès à son API, l'interface qui permet à des tierces parties d'avoir accès à certaines données comme la publication de tweets ou les tendances. Résultat, de nombreux services destinés à améliorer et à faciliter l'utilisation du réseau social ne fonctionnent plus. Puisque l'entreprise ne communique pas sur le sujet pour l'instant, certains ont déduit qu'il s'agissait d'un problème technique. Mais d'après The Information, la coupure serait volontaire.

D'après le New York Times, Musk a de nouveau signalé à ses équipes qu'il devait valider lui-même tout changement. Pourtant, il a annoncé -suite à un sondage à la va-vite sur son compte Twitter- qu'il quitterait son poste de CEO de l'entreprise, et il s'occupe de plus en plus de l'une de ses autres sociétés, Tesla, sous la pression des actionnaires. « Nous allons agoniser jusqu'à ce que nous nous approchions le plus possible du produit parfait », a-t-il écrit aux employés du réseau social.

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 17/01/2023 à 11:11
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Il n'y a pas plus hypocrites que les annonceurs publicitaires, donc se rapprocher de la vérité nécessite de leur tourner le dos

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