Deuxième étape passée avec succès pour la loi sur la sécurisation de l'espace numérique (SREN). Après son adoption par le Sénat début juillet, la loi dite « Barrot », du nom du ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot, a été largement adoptée par l'Assemblée nationale, par 360 voix contre 77, essentiellement celles de LFI. Au terme des débats, le gouvernement a reçu le soutien de LR, du PS, de la plupart des élus LIOT, et a bénéficié de l'abstention du RN, d'EELV et du PCF.
Inquiétudes sur la protection des libertés
Si le texte a été voté au-delà de la majorité présidentielle, il n'a pas reçu un soutien aussi franc que la précédente loi sur le numérique, la loi dite Lemaire, du nom de l'ancienne secrétaire d'Etat au Numérique Axelle Lemaire, votée en 2016 à la quasi-unanimité pour développer l'économie de la donnée en France et garantir des protections aux internautes sur leurs données personnelles.
Au contraire, le projet Barrot a suscité de fortes inquiétudes quant à la protection des libertés publiques, notamment du côté de LFI, du RN, mais surtout au sein même de la majorité, om certains députés comme Eric Bothorel (LREM) et Philippe Latombe (Modem), ainsi que Jean-Noël Barrot lui-même (Modem), se sont opposés à des amendement de leur propre camp visant par exemple à interdire l'anonymat en ligne, pilier de la sécurité et de la liberté d'expression.
Si l'Assemblée nationale a approuvé l'idée de donner accès à une « identité numérique » à tous les Français qui le souhaitent d'ici à 2027, les internautes ne seront pas obligés d'en être détenteurs pour ouvrir un compte sur les réseaux sociaux, comme souhaitaient l'imposer le député LREM Paul Midy, également rapporteur du texte, et près de 200 députés de la majorité, qui ont finalement fait machine arrière.
Ce qui n'empêche pas l'opposition de se montrer critique sur les potentielles atteintes aux libertés du texte, notamment La France Insoumise (LFI) qui a estimé par la voix de la députée Ségolène Amiot que le gouvernement installait « les outils pratiques d'un contrôle social de masse ». LFI devrait saisir le Conseil constitutionnel après l'adoption en commission libre paritaire, qui devrait se tenir en décembre et au cours de laquelle sénateurs et députés tenteront de s'accorder sur une version commune du texte après les nombreuses modifications apportées en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.
Blocage des sites pornos, encadrement du cloud
Prenant appui sur les règlements européens sur les services numériques et les marchés numériques (DSA et DMA), le projet de loi SREN a pour « fil rouge » la « protection des citoyens, des enfants et des entreprises », avait expliqué Jean-Noël Barrot en ouvrant les débats, qui ont duré deux semaines et ont été caractérisés par des échanges techniques et passionnés, devant une assistance souvent clairsemée.
Cette loi fourre-tout donne notamment la possibilité à une autorité administrative de bloquer les sites pornographiques qui n'empêchent pas les mineurs d'accéder à leur contenu. Elle donne également des devoirs de modération aux grandes plateformes, sous peine de sanctions pécuniaires, conformément au Digital Services Act (DSA) européen. Enfin, elle crée une « peine de bannissement des réseaux sociaux » pour les cyberharceleurs, y compris pour des provocations à commettre certains délits.
Plus audacieux car en anticipation de ce qui sera voté au niveau européen par le Data Act en cours de discussions à Bruxelles, le texte propose aussi de réglementer le marché du cloud, pour permettre davantage de concurrence parmi les fournisseurs d'infrastructures et de services informatiques. Des mesures saluées par l'écosystème français du cloud.
Enfin, la loi Barrot encadre le lancement à titre expérimental des « Jeux à objets numériques monétisables » (Jonum), à la frontière entre jeux vidéo et jeux d'argent. Mais cette mesure est l'une des plus décriées du texte. A tel point que plusieurs députés espèrent la voir censurée par le Conseil constitutionnel, pointant une rupture d'égalité avec les casinos en ligne.
L'autre point sur lesquels des députés souhaitent voir le projet de loi évoluer est celui de la protection des données numériques stratégiques et sensibles. Plusieurs élus attendent de la commission mixte paritaire que les sénateurs durcissent le texte dans une mouture plus proche de celle qu'ils avaient eux-mêmes adoptée en juillet.
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