Cloud : il faut protéger nos entreprises de la concurrence déloyale

APPEL AUX PARLEMENTAIRES. Alors que débute au Sénat le débat sur le projet de loi Barrot visant à « sécuriser et réguler l'espace numérique » (SREN), vingt entrepreneurs français du cloud, de la cyber, de la data ou encore du quantique, demandent aux parlementaires de soutenir ce texte. Ils le jugent essentiel pour rétablir une saine concurrence dans le cloud, secteur stratégique au cœur de la transformation numérique des entreprises et des révolutions technologiques en cours, notamment celle de l'IA qui repose sur l'exploitation en masse des données.
(Crédits : DR)

Et si l'Europe reprenait en main son destin numérique ? Devant la domination de géants, l'Union européenne et la France réagissent en prenant des initiatives pour garantir une concurrence équitable et la liberté de choix des usagers. Prise de conscience tardive ou réveil salutaire, l'Union européenne veut encourager l'émergence d'une filière forte.

Pour cela, le cloud européen s'attèle à reconquérir des parts de marché largement captées par les géants américains depuis l'essor de l'Internet. Alors que le marché du cloud computing est en très forte croissance (+20% par an sur les cinq prochaines années) et devrait atteindre 500 milliards d'euros d'ici à 2030, trois acteurs américains contrôlent 72 % du marché européen. La dépendance vis-à-vis de ces acteurs non européens est préoccupante au vu du caractère stratégique que représente le marché du cloud, au cœur de la transformation numérique et des révolutions technologiques en cours - et notamment celle de l'intelligence artificielle qui repose sur l'exploitation en masse des données. Ainsi, sa maîtrise représente d'abord un enjeu économique majeur.

Pratiques déloyales des leaders du marché

Si cette domination du marché résulte assurément d'efforts technologiques et de réussites commerciales de la part de ces grands groupes étrangers, elle est également la conséquence d'une série de pratiques déloyales mises en place par les acteurs dominants - documentées par les autorités de concurrence à travers le monde - pour enfermer les utilisateurs dans leurs services. En dressant des barrières financières, techniques, commerciales ou contractuelles empêchant les utilisateurs de quitter leurs services, ces acteurs renforcent leurs positions au détriment de la liberté de choix de leurs clients. La conséquence est sans appel : entre 2017 et 2022, malgré un marché européen multiplié par cinq, la part de marché des acteurs européens du cloud a, elle, été divisée par deux.

Pour enrayer ce déséquilibre, l'Union européenne a initié une batterie de textes - Digital Markets Act (DMA), Digital Services Act (DSA), Data Governance Act, ainsi que le Data Act en cours de discussion - destinés à poser des freins aux pratiques préjudiciables des acteurs dominants du cloud. La France, par la voix du ministre délégué chargé de la Transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot, a récemment présenté un projet de loi visant à « sécuriser et réguler l'espace numérique » (SREN). Si la critique souligne que ce projet français vient en anticipation du Data Act européen, elle omet de préciser que la détérioration du marché en cours ne permet pas d'attendre davantage. Laisser cette situation perdurer trois ou quatre ans de plus, c'est s'assurer un marché définitivement verrouillé par ces acteurs dominants, et abandonner l'essentiel de nos données stratégiques entre leurs mains.

Redonner aux utilisateurs le contrôle de leurs usages du cloud

Parmi d'autres mesures essentielles (sécurité sur les réseaux sociaux, prévention de la pornographie pour les mineurs, lutte contre les arnaques, etc.), le projet de loi qui sera examiné dans les prochains jours au Sénat prévoit d'interdire plusieurs pratiques entrainant le verrouillage du client dans les services d'acteurs cloud dominants. Ces mesures visent notamment à assurer que l'utilisateur puisse quitter les services de ces acteurs sans barrière technique ou financière l'obligeant à dépenser plusieurs centaines de milliers d'euros pour rejoindre un concurrent. Autrement dit, le projet de loi offre à l'utilisateur la liberté de choisir son fournisseur, de quitter ce dernier et d'en rejoindre un autre, ou même d'en utiliser plusieurs en simultané, dans une approche multicloud. En résumé, il redonne à l'utilisateur le contrôle de ses usages du cloud.

Alors que débute le débat parlementaire, nous, acteurs du cloud français et du numérique, apportons notre soutien aux ambitions du Gouvernement à travers ce projet de loi. Nous appelons à ce que son examen au Sénat permette d'en confirmer la portée, en levant l'ensemble des barrières mises en place par certains acteurs dominants pour enfermer les utilisateurs dans leurs services. Ces nouvelles règles sont à la portée de tous, et nous affirmons la pleine capacité des acteurs dits « alternatifs » à se conformer aux mesures de ce projet de loi.

La bataille du cloud est loin d'être perdue : la France et l'Europe peuvent compter sur un écosystème mature, en croissance, dont la qualité des offres est largement comparable à celles des acteurs dominants. Mettre fin aux pratiques déloyales est une occasion d'un retour à la libre concurrence. A travers ce texte, la France se donne l'occasion unique d'infléchir une tendance permise par un laisser-faire qui domine depuis près de trente ans. Elle se donne l'opportunité de rendre aux utilisateurs leur liberté dans l'espace numérique. Elle se donne, enfin, les moyens de permettre à l'industrie européenne du cloud de concurrencer les acteurs américains, et donc de reprendre en main son destin numérique.

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Signataires (présentés par ordre alphabétique des sociétés) :

Olivier Dellenbach - CEO, Chapsvision

Quentin Adam - CEO, Clever Cloud

Arnaud Muller - Co-fondateur et Directeur général, Cleyrop

Sébastien Lescop - Directeur général, Cloud Temple

Jean Larroumets - CEO, Egerie

Benjamin Jayet - CEO, GibMedia

Alain Garnier - CEO, Jamespot et Président d'EFEL

William Méauzoone - Co-fondateur et Directeur général, Leviia

Alexandre Zapolsky - Fondateur et Président, Linagora

Stan Larroque - CEO, Lynx

Pascal Voyat - Co-fondateur, Mailo

Philippe Lenoir - Co-fondateur, Mailo

Léonidas Kalogeropoulos - Délégué général, Open Internet Project

Michel Paulin - Directeur général, OVHcloud

Hela Atmani - CEO et co-fondatrice, Palm

Paul Benoit - Président et co-fondateur, Qarnot

Valérian Giesz - Directeur général, Quandela

Corinne Lejbowicz - Présidente, Qwant

Raphaël Auphan - Directeur général, Qwant

Éléna Poincet - CEO et co-fondatrice, TEHTRIS

Thomas Fauré - Président, Whaller

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Commentaire 1
à écrit le 27/06/2023 à 8:58
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On va pédaler longtemps dans la semoule pour avoir l'air d'avancer dans ce monde virtuel et inutile ! ;-)

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