
Première étape passée pour la loi Barrot sur le numérique. Alors que les réseaux sociaux sont mis en cause pour leur rôle d'amplificateur des émeutes urbaines qui secouent la France depuis la mort du jeune Nahel, le projet de loi « Sécuriser et réguler l'espace numérique » (SREN), porté par le ministre de la Transition numérique et des Télécommunications, a été validé par le Sénat en première lecture, mercredi 5 juillet. Son objectif : lutter contre « l'insécurité numérique », qui « progresse de jour en jour et sape la confiance des citoyens », d'après le ministre.
Le texte vise ainsi à renforcer la protection des plus vulnérables au numérique, notamment les victimes de cyber-attaques - via un filtre anti-arnaques controversé - et de cyberharcèlement - via le bannissement des réseaux sociaux des agresseurs condamnés. Le projet de loi ambitionne également de protéger les enfants et adolescents face à la pornographie en ligne en donnant à l'Arcom, le régulateur des médias et d'Internet, la possibilité de bloquer des sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs. Enfin, la loi Barrot anticipe certaines dispositions du futur règlement européen Data Act pour rétablir une concurrence saine dans le cloud, en supprimant les frais de transferts de données d'un service à un autre.
Deepfakes, délit d'outrage en ligne : le Sénat ajoute son grain de sel
Toutes ces dispositions ont été validées, et même renforcées, par le débat parlementaire au Sénat. Par exemple, sur la nouvelle peine de bannissement des réseaux sociaux que pourra prononcer un juge lorsqu'il condamnera une personne pour des faits de haine en ligne ou de cyberharcèlement, la chambre haute a étendu le champ des infractions concernées. Il a intégré les menaces et les intimidations contre les élus, conséquence de l'émotion suscitée par les violences envers certains élus dans le cadre des émeutes urbaines. Il a aussi souhaité créer un « délit d'outrage en ligne », punissable d'une amende forfaitaire délictuelle (AFD) de 300 euros.
Le Sénat haute a également validé des amendements du gouvernement ciblant explicitement les « deepfakes », ces hyper-trucages hyper réalistes, réalisés grâce à l'intelligence artificielle, qui permettent de créer des vidéos ou des images trompeuses, comme ces fausses photos de violences civiles lors des manifestations contre la réforme des retraites en début d'année.
Les réseaux sociaux sur le grill
L'examen de la loi SREN a également été l'occasion pour les parlementaires et le gouvernement de débattre de la régulation des réseaux sociaux, accusés de mettre de l'huile sur le feu des émeutes en relayant les violences. Le gouvernement a demandé aux plateformes (TikTok, Snapchat, Facebook, Twitter, Instagram) de retirer des milliers de contenus illicites, sur la base de centaines de réquisitions portant sur des appels à la violence ou encore la divulgation de données personnelles de policiers.
Un amendement proposé par le sénateur communiste Patrick Chaize, a proposé que les réseaux sociaux soient tenus de retirer des contenus illicites en deux heures lorsqu'ils incitent à la violence. Mais il n'a pas été adopté en raison de la difficulté de sa mise en place : du temps de la loi Avia sur la haine en ligne, une disposition imposant aux plateformes le retrait en 24 heures sous peine d'amendes des contenus illicites, avait été censurée par le Conseil constitutionnel. De fait, cette disposition aurait pu engendrer le retrait systématique de tout contenu tendancieux, même inoffensif, par manque de temps pour les examiner et crainte des sanctions.
Toutefois, Jean-Noël Barrot a promis la mise en place d'un groupe de travail « transpartisan et paritaire », qui pourrait se réunir dès mercredi prochain, pour étudier la responsabilité des réseaux sociaux et comment leur imposer des contraintes plus fortes de régulation de contenus pour éviter que leurs plateformes fassent la promotion des violences. La loi SREN, elle, poursuivra sa navette parlementaire à l'Assemblée nationale dans les prochains mois.
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