Projet de loi numérique  : l'Assemblée nationale n'a pas levé l'anonymat sur Internet

Malgré une offensive de députés macronistes, l'Assemblée nationale n'a pas eu à se prononcer jeudi soir sur les appels à la fin de l'anonymat sur Internet, après le retrait des amendements portant sur ce sujet très sensible du projet de loi numérique.
A l'Assemblée nationale, la gauche et le RN ont manifesté leur hostilité à l'idée d'un « plaque d'immatriculation » des Français pour contrer l'anonymat sur Internet.
A l'Assemblée nationale, la gauche et le RN ont manifesté leur hostilité à l'idée d'un « plaque d'immatriculation » des Français pour contrer l'anonymat sur Internet. (Crédits : Reuters)

L'anonymat sur Internet n'a pas été au menu du vote à l'Assemblée nationale alors que le rapporteur du projet de loi numérique, Paul Midy, député Renaissance, poussait pour y mettre fin contre l'avis du gouvernement.

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« Oui au pseudonymat, non à l'anonymat » sur Internet, a-t-il répété à l'Assemblée nationale jeudi soir en défendant un principe de « plaque d'immatriculation » des Français sur les réseaux. Mais comme en commission, le député de l'Essonne a finalement fait le choix de retirer ses amendements sur le sujet, afin de ne pas « mettre en risque le vote final » du projet de loi en première lecture.

Une mesure de « répression » pour les Insoumis

Soutenu par « près de 200 collègues », Paul Midy souhaitait obliger en 2027 les utilisateurs des réseaux sociaux à certifier leur identité pour créer un compte, via un tiers de confiance et un système chiffré. Après le retrait de ses amendements, il a estimé avoir « permis de faire avancer un débat important » face au « cyberharcèlement ». L'exécutif avait manifesté son opposition à ce dispositif qui risquait de contrevenir aux règles européennes ou à la Constitution, et qui suscitait une vague de protestations de défenseurs des libertés publiques.

C'est une mesure de « répression », dénonçait l'Insoumise Ségolène Amiot, et une « ligne rouge » pour le PS. « Nous ne voulons pas d'immatriculation sur le front, nous ne sommes pas des bagnoles », ni des « détenus », a lancé le député RN Aurélien Lopez-Liguori. Dans le camp présidentiel, le député MoDem Philippe Latombe reprochait à Paul Midy de chercher à « exister médiatiquement », avec des propositions « juridiquement pas fondées ».

Principe d'un accès pour tous et gratuit à une identité numérique

Sur un sujet connexe, l'Assemblée a adopté une autre proposition de Paul Midy, soutenue en commission par le gouvernement pour fixer à l'Etat « l'objectif en 2027 que 100% des Français puissent avoir accès à une identité numérique gratuite ». Un sous-amendement MoDem en a limité la portée, en évitant toute obligation contraignante. Les soutiens de cette identité numérique louent un moyen d'accéder aux « services publics » ou de « sécuriser des démarches administratives » grâce à des dispositifs tels que l'application France Identité pour prouver son identité avec un téléphone portable.

Après la « carte d'identité plastique » et « électronique », « évidemment qu'il faut qu'on aille vers l'identité numérique », « publique, régalienne », « c'est le sens de l'histoire », a estimé Paul Midy. Ce n'est « en aucun cas un moyen de surveiller la population », mais un « moyen d'améliorer l'accès au droit », a complété le ministre en charge du numérique Jean-Noël Barrot.

Une formation de sensibilisation au numérique en classe de 6e

Plus tôt, dans une atmosphère beaucoup plus consensuelle, l'Assemblée nationale a voté des amendements Renaissance pour rendre obligatoire une formation de sensibilisation au numérique en classe de 6e. La généralisation de cette attestation, baptisée Pix, était déjà prévue à la rentrée 2024. Les députés ont aussi prévu un renouvellement de l'attestation à la fin du collège.

Ce projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SREN) aborde une batterie d'autres mesures contre le cyberharcèlement, les arnaques sur Internet, ou l'accessibilité des sites pornographiques aux mineurs... Il prend notamment appui sur deux règlements européens, le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Markets Act).

Face à l'anonymat, les sites de mise en relation cherchent la parade

Des sites de rencontres aux communautés par cooptation, les techniques de vérification se multiplient pour chasser les faux profils, afin d'endiguer les dérives de l'anonymat en ligne, entre selfies vidéo et parrainages. Les grands sites de rencontres ont mis en place ces dernières années des outils de vérification des photos, sur une base volontaire. Les utilisateurs peuvent limiter leurs recherches aux seuls profils vérifiés, ce qui incite à adopter ces outils. Tinder réfléchit même à un lancement de vérification par document d'identité, mais sans date annoncée.

Plutôt que des techniques de vérification sophistiquées, d'autres sites utilisent des moyens plus classiques pour éviter les faux profils. Un site de parrainage comme Gens de confiance parie sur la cooptation pour ses annonces de location : il faut recueillir plusieurs parrainages de membres pour être accepté. L'idée est qu'ils se connaissent dans la vraie vie, l'ultime gage de confiance.  Les parrains sont d'ailleurs tenus responsables par la suite : ils peuvent voir leur compte supprimé en cas de mauvais comportement d'un filleul lors d'une location. « On se dirige vers un système où coexisteront des profils certifiés et des non-certifiés, comme sur X (ex-Twitter) », commente l'avocat spécialisé dans le numérique Eric Le Quellenec, du cabinet Simmons et Simmons.

 (Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 08/10/2023 à 21:31
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La France devenir une nouvelle Russie c'est parti pour ça. Ça sent le lisier chez nos députés. Les opposants vont pas tarder à goûter la paille humide du cachot si ça continue

à écrit le 06/10/2023 à 15:40
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"Principe d'un accès pour tous et gratuit à une identité numérique" trop fort ! ils veulent obliger a cela, et en plus faudrait payer? Mais qu'est ce que c'est que ces gens? l'identité numérique est surtout fait pour que l'état puisse savoir ce q...

à écrit le 06/10/2023 à 9:56
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" Oui au pseudonymat, non à l'anonymat....Paul Midy souhaitait obliger en 2027 les utilisateurs des réseaux sociaux à certifier leur identité pour créer un compte, via un tiers de confiance et un système chiffré." Comment avait-t-il prévu qu'on puis...

à écrit le 06/10/2023 à 9:25
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Ben ouais il va falloir qu'ils continuent l'espionnage des contestataires, des désobéissants, des non répliquants en oucedé, de ce fait c'est plus compliqué quand il faut passer par un juge c'est clair. Bravo aux députés, même s'ils ne se gêneront pa...

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