M6 : Nicolas de Tavernost, le départ d'un géant de l'audiovisuel

L’emblématique patron de M6, Nicolas de Tavernost, 73 ans, a annoncé mardi qu'il allait quitter en avril son poste de président du directoire du groupe, plus tôt que prévu. David Larramendy, 49 ans, l'actuel directeur général de M6 Publicité, va lui succéder. Une annonce qui intervient alors que le groupe accélère dans le streaming.
Mathieu Viviani
Nicolas de Tavernost
Nicolas de Tavernost (Crédits : Reuters)

Le monde de l'audiovisuel va perdre l'une de ses figures les plus emblématiques. Nicolas de Tavernost, l'homme qui a propulsé la chaîne M6 parmi les stars du PAF (paysage audiovisuel français) va quitter ses fonctions de président du directoire du groupe, après 37 de bons et loyaux services. Il l'a annoncé ce mardi en fin de journée dans les colonnes du Figaro, quelques minutes avant la publication des résultats annuels du groupe.

Ceux-ci sont marqués par un résultat opérationnel courant consolidé de 300,7 millions en baisse de 10,6% par rapport à 2022 et d'un bénéfice net de 237 millions, en hausse de 43%. Le tout pour un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros, en retrait de 0,7%.

Nicolas de Tavernost sera remplacé par David Larramendy, 49 ans, aujourd'hui directeur général de M6 Publicité. Sa nomination sera officialisée à l'issue de l'assemblée générale du groupe le 23 avril, date à laquelle Nicolas de Tavernost quittera officiellement ses fonctions.

« Grâce à son leadership, son sens des affaires et sa vision stratégique, il a fait passer la société d'une petite chaîne de télévision à l'un des groupes audiovisuels les plus rentables et les plus diversifiés d'Europe », a salué le conseil de surveillance du groupe, dans un communiqué.

Confier la présidence du groupe « aux nouvelles générations »

« (...) J'ai estimé que les conditions actuelles permettaient, compte tenu de la bonne tenue du groupe, de passer à l'étape de la succession », a expliqué Nicolas de Tavernost au Figaro.

« Il est préférable de confier la présidence du groupe à une nouvelle génération qui devra mener à bien sa transformation », a aussi souligné le groupe M6 qui a vu cette année la fréquence TNT de sa principale chaîne renouvelée, pour une durée de dix ans, après que la candidature de Xavier Niel, à la tête du groupe Iliad, avait été écartée.

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Alors que son départ était évoqué l'année dernière, le patron de média explique au Figaro que son maintien était « notamment lié à des circonstances exceptionnelles : le projet de fusion avec TF1 qui a duré deux ans et qui n'a finalement pas abouti et l'appel à candidature pour la fréquence 6 pour laquelle on a dû batailler ».

Son départ marque en tout cas la fin d'une époque, celle de « la petite chaîne qui monte », devenue un important groupe de médias comprenant, outre M6, les stations RTL, RTL 2, Fun Radio, et les chaînes W9, Teva, Paris Première et Gulli... Et synonyme d'émissions à succès comme « Top chef » ou « Pékin express »...

Une carrière dédiée à M6

M6, Nicolas de Tavernost en est l'incarnation. A la sortie de Sciences Po Bordeaux, il s'est d'abord familiarisé avec le monde des télécommunications au sein du cabinet du « ministre du téléphone » Norbert Ségard, avant de rejoindre M6, à son lancement en 1987. Pour rappel, il piloté le projet de création de la chaîne au sein de la compagnie Lyonnaise des Eaux. Directeur adjoint de Métropole Télévision (M6) en 1987, puis directeur général un an plus tard, il remplace finalement Jean Drucker au poste de président du directoire en 2000.

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Réputé pour être un patron au caractère orageux, Nicolas de Tavernost n'a jamais laissé de place à un successeur, entraînant le départ de plusieurs prétendants, et forçant son actionnaire, le groupe allemand Bertelsmann via sa filiale RTL Group, à modifier deux fois les statuts du groupe pour repousser la limite d'âge des dirigeants (désormais 72 ans, qu'il atteindra en 2022). Dans sa vie privée, Nicolas de Tavernost est père de quatre enfants et héritier d'un château du 19e siècle dans l'Ain.

M6, la « petite chaîne qui monte »

Sous sa direction, la « petite chaîne qui monte » a innové et s'est diversifiée, atteignant des niveaux de marge record à plus de 20% mais sans réussir à dépasser les 10% de part d'audience mensuelle, derrière TF1 et France 2. Le dirigeant de 73 ans a toujours défendu les intérêts d'une chaîne d'abord à dominante musicale, devenue généraliste, puis groupe de médias.

Outre la chaîne historique M6, le groupement de médias compte dans son giron les stations RTL, RTL 2, Fun Radio, et les chaînes W9, Teva, Paris Première ou encore la chaîne pour enfants Gulli. Sous la direction de Tavernost, des émissions à succès comme « Top chef », « Pékin express », « Loft story », première émission de télé-réalité française.

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« Ce qui paye, c'est la constance du pilote, totalement à l'écoute de ses actionnaires successifs », saluait en 2021 auprès de l'AFP l'expert des médias Jean-Clément Texier. Même si au lieu de « tenter de faire émerger un puissant Bertelsmann en France, il a voulu rester dans son couloir, à défendre son cours de bourse, son dividende et ses résultats ». « Plus on dit qu'il est pingre ou grippe-sou, plus ça lui fait plaisir », relève d'ailleurs l'expert.

L'échec de la fusion de TF1 et M6, son plus grand revers

Malgré ses nombreux succès à la tête de la chaîne, Nicolas de Tavernost a aussi connu des revers. Son plus grand restera sûrement l'échec de la fusion entre TF1 et M6. « Une occasion ratée de faire un grand groupe français qui réunissait les compétences de deux grands groupes privés », avait confié le tycoon des médias au micro de BFM Business en novembre dernier.

Coup d'accélérateur dans le streaming

Mais cet échec est vite oublié. Et n'a pas stoppé les ambitions du groupe dans le streaming après l'arrêt de la plateforme Salto, cogérée avec TF1 et France Télévisions, en 2023. Et pour cause : le groupe M6 investira « jusqu'à 100 millions d'euros » dans le streaming sur quatre ans et lancera une nouvelle plateforme gratuite, baptisée M6+, pour remplacer l'actuelle 6Play. Elle sera dévoilée début mars, deux mois après une initiative similaire de TF1.

Cette nouvelle interface devrait s'appuyer sur un développement des programmes mais également des fonctionnalités disponibles en ligne.  La somme sera injectée avec « pour ambition de doubler le chiffre d'affaires streaming [...] ainsi que le nombre d'heures visionnées sur la plateforme d'ici 2028 », précise le groupe dans un communiqué. Résultat : en 2023, sur 9,4 milliards d'heures de programme du groupe M6 consommées, 500 millions l'ont été en replay. Le groupe vise donc 1 milliard d'heures consommées en streaming et des revenus atteignant 200 millions d'euros dans ce secteur d'ici 2028.

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Ce tournant vers le streaming reflète une hausse du replay, perçu par le groupe M6 comme « un réservoir d'audience ». Mais ce choix correspond aussi à une baisse des recettes publicitaires TV et une hausse du même marché sur la vidéo en ligne. Les résultats publiés mardi soir par le groupe reflètent ainsi cette tendance: si les revenus publicitaires TV ont baissé de 2,2% après avoir déjà diminué l'année précédente, les autres revenus publicitaires connaissent à l'inverse une hausse de 2,2%, portées par le succès des programmes en replay.

(Avec agences)

Mathieu Viviani

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Commentaires 3
à écrit le 14/02/2024 à 6:42
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Bonjour tous le monde a droit a une retraite...même se monsieur... bon ons passe a autre chose...

à écrit le 14/02/2024 à 0:35
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Un départ honteux après avoir fait sombrer le groupe M6 depuis 20+ ans. Il aurait du prendre sa retraite à 65 ans comme nombre de dirigeants d'entreprises du S&P 500.

à écrit le 13/02/2024 à 18:32
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"Il a intégré le groupe M6 il y a maintenant 16 ans " Pas de surprise à venir donc. Ensuite franchement la télévision n'est qu'une fabrique à opinion, sa marge de créativité est minimale voir inexistante. Un modèle définitivement figé et donc rien à ...

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