Pourquoi Tik Tok est au cœur des tensions entre la Chine et les États-Unis

Microsoft, qui était le seul à avoir officiellement manifesté son intérêt pour acquérir Tik Tok, a vu son offre rejetée dimanche par ByteDance, propriétaire de l'application chinoise à succès. L'éditeur de logiciels Oracle fait désormais figure de favori pour reprendre les activités américaines du service chinois, comme l'a exigé en août le président Trump. Retour en trois étapes cruciales sur l'affaire Tik Tok, devenue l'un des symboles de la crise politique et commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.
Anaïs Cherif
L'application chinoise Tik Tok, ultra-populaire dans le monde entier, est contrainte par le président Donald Trump de vendre ses activités américaines.
L'application chinoise Tik Tok, ultra-populaire dans le monde entier, est contrainte par le président Donald Trump de vendre ses activités américaines. (Crédits : Florence Lo)

Nouveau rebondissement dans l'affaire Tik Tok. L'application de vidéos courtes, à mi-chemin entre réseau social et play-back, a rejeté l'offre de Microsoft pour l'achat de ses activités aux Etats-Unis. Alors que Tik Tok est sous la menace d'une interdiction sur le sol américain depuis début août, la firme de Redmond avait été la première à témoigner son intérêt pour l'acquisition de la pépite du groupe chinois ByteDance. L'éditeur de logiciels Oracle, dont le nom circulait depuis plusieurs semaines, fait désormais figure de favori pour mettre la main sur Tik Tok.

"ByteDance nous a fait savoir [dimanche] qu'ils ne vendraient pas les opérations américaines de Tik Tok à Microsoft", a réagi le groupe américain dans un communiqué lapidaire publié dimanche. Et de poursuivre : "Nous sommes convaincus que notre proposition aurait été bonne pour les usagers de Tik Tok tout en protégeant les intérêts de sécurité nationale", principal argument évoqué par Donald Trump pour provoquer cette vente forcée. Retour sur le projet de vente atypique de Tik Tok, qui se retrouve au cœur des tensions politiques et commerciales entre la Chine et les Etats-Unis depuis deux mois.

Lire aussi : Pourquoi Microsoft veut mettre la main sur le réseau social TikTok

  • Une vente forcée par les Etats-Unis

Le président Donald Trump a adopté le 6 août deux décrets interdisant aux entreprises américaines toute transaction à compter du 20 septembre avec deux applications chinoises ultra-populaires : Tik Tok, mais aussi WeChat, appli de messagerie instantanée (propriété du géant Tencent). Cela revient, de fait, à interdire indirectement les applications sur le territoire américain... à moins que celles-ci ne cèdent leurs activités américaines à des groupes locaux d'ici la fin de la semaine. Donald Trump a déclaré jeudi dernier que "la date butoir ne sera pas prolongée".

L'argument avancé pour forcer cette vente : la sécurité nationale. Washington accuse les deux applis de pouvoir être utilisées par le gouvernement chinois à des fins d'espionnage via la récolte de données personnelles des utilisateurs américains. Le gouvernement redoute également la diffusion de la propagande chinoise, à quelques mois de l'élection présidentielle américaine. De leur côté, ces applications ont toujours nié un quelconque partage de données avec Pékin. C'est pourquoi TikTok, qui revendique 100 millions d'utilisateurs rien qu'aux Etats-Unis, a d'ailleurs porté plainte fin contre le gouvernement américain pour contester ce décret.

Alors que les tensions politiques et commerciales entre la Chine et les Etats-Unis sont de plus en plus intenses, ces annonces de Donald Trump s'inscrivent dans une stratégie plus large, baptisée "Clean Network" (en français, réseau propre). Le but : empêcher l'utilisation et l'implantation aux Etats-Unis d'applications, de services et d'infrastructures provenant d'acteurs étrangers considérés comme "non fiables". Et le principal destinataire de ce programme n'est autre que la Chine. Ce programme est pensé comme une réponse à la stratégie similaire mise en place par la deuxième économie mondiale depuis les années 2000, avec son "Great Firewall of China" (en français, Grande Muraille électronique de Chine) permettant de filtrer -et censurer- tous les contenus numériques.

Lire aussi : États-Unis vs Chine : l'affaire TikTok, le basculement vers un Internet fragmenté ?

  • La Chine contre-attaque

Alors que Tik Tok était au pied du mur pour céder ses activités américaines, la Chine a déclaré son opposition en passant à l'offensive. Le ministère chinois en charge du Commerce et du numérique a créé en 2008 une liste de technologies faisant l'objet de restrictions ou d'interdictions en matière d'exportations. Fin août, il a modifié cette liste pour la première fois en douze ans, de sorte que les technologies reposant sur de l'intelligence artificielle soient concernées : analyse de texte, recommandation de contenus, modélisation de la parole, reconnaissance vocale... Faisant ainsi tomber l'application Tik Tok dans le giron de cette liste.

Or, les technologies figurant sur cette liste ne peuvent pas être exportées sans avoir obtenu un accord préalable des autorités chinoises. Selon Reuters, il peut falloir jusqu'à 30 jours pour obtenir cet accord préliminaire. "Nous étudions les nouvelles règles Comme pour toute transaction transfrontalière, nous appliquerons les lois en vigueur, qui en l'espèce incluent celles des Etats-Unis et de la Chine", avait réagi le secrétaire général de Bytedance Erich Andersen. Sans accord, cette nouvelle réglementation pourrait changer en substance la vente de Tik Tok.

  • Vers un simple "partenariat technologique" avec Oracle ?

ByteDance ayant rejeté l'offre de Microsoft, les regards se tournent désormais vers Oracle. L'accord ne devrait plus être structuré comme une vente pure et simple, mais devrait davantage s'orienter vers un partenariat technologique, rapporte le Wall Street Journal.

ByteDance aurait ainsi proposé au groupe informatique Oracle d'assumer la gestion des données personnelles des utilisateurs de Tik Tok aux États-Unis, d'après des sources anonymes interrogées par Reuters. Ce qui permettrait au groupe chinois de rester propriétaire de sa technologie et de ses algorithmes, lui évitant ainsi de se soustraire aux nouvelles restrictions imposées par son pays.

De son côté, Oracle tenterait de négocier une prise de participation dans les opérations de l'application chinoise aux États-Unis. Certains des investisseurs majoritaires de ByteDance, dont General Atlantic et Sequoia, auraient aussi accès à des participations minoritaires dans le cadre de cette proposition, toujours selon Reuters.

Prochaine étape : déterminer si la Maison Blanche et le Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS), un organisme fédéral qui a le pouvoir d'empêcher un accord au nom de la sécurité nationale, accepteront un tel compromis. Donald Trump n'a jamais caché sa préférence pour Oracle lors des négociations. Mi-août, le président américain considérait que le groupe informatique "est une super entreprise et son propriétaire Larry Ellison, un gars formidableJe pense qu'Oracle pourrait certainement bien gérer le rachat de Tik Tok." Il faut dire que les deux hommes sont réputés être proches. Le Pdg d'Oracle avait même organisé une collecte de fonds pour Donald Trump en février dernier.

Anaïs Cherif

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