Aux États-Unis, le ton monte contre TikTok. Le réseau social chinois, au succès phénoménal, fait l'objet de vives critiques par l'administration Trump depuis le début du mois de juillet dans un contexte de tensions politiques et commerciales avec la Chine. Alors que des premières rumeurs de rachat par un groupe américain circulaient, Donald Trump a annoncé vendredi s'y opposer. Le locataire de la Maison Blanche a même déclaré vouloir tout simplement "bannir" l'application de vidéos courtes du territoire américain.
Washington accuse TikTok de pouvoir être utilisée par le gouvernement chinois à des fins d'espionnage via la récolte de données personnelles. Il redoute également la diffusion de propagande chinoise. De son côté, l'application chinoise a toujours nié un quelconque partage de données avec Pékin.
"Nous n'allons nulle part", a répondu samedi Vanessa Pappas, responsable de TikTok aux Etats-Unis, dans une vidéo publiée sur le réseau assurant aux utilisateurs que l'appli était là pour "rester".
La responsable a également promis la création de 10.000 emplois d'ici trois ans sur le territoire américain. En parallèle, ByteDance, le groupe chinois propriétaire de TikTok, a accepté samedi de céder l'intégralité de ses activités américaines afin d'arracher un accord à Washington. Auparavant, ce dernier cherchait à conserver une participation minoritaire dans l'activité américaine de TikTok, mais ce compromis a été refusé par la Maison Blanche. Avec ce nouveau projet d'accord, ByteDance sortirait donc complètement du capital. Et Microsoft s'est d'ores et déjà positionné pour le rachat de la pépite.
Microsoft, un écosystème dédié aux professionnels
Le groupe américain a déclaré dimanche que les discussions se poursuivaient, avec pour objectif de conclure un accord d'ici le 15 septembre, selon une note de blog publiée dimanche. Les négociations préliminaires portent également sur le rachat des activités de TikTok au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les discussions entre les deux groupes seront suivies par le Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS), un organisme fédéral qui a le pouvoir d'empêcher un accord au nom de la sécurité nationale.
Si ce rachat se concrétise, cela pourrait faire rentrer Microsoft dans la cour des réseaux sociaux populaires, face à Facebook, Instagram et Snapchat. Pour autant, l'annonce a de quoi surprendre. Au cours des dernières années, Microsoft a recentré son écosystème sur une offre destinée aux professionnels. La firme de Redmond est connue pour sa suite logicielle Windows (Word, Excel, PowerPoint, la plateforme collaborative Teams...) Logiquement, quand le groupe américain casse la tirelire, il jette habituellement son dévolu sur des entreprises permettant de compléter son offre. Dernière méga-acquisition en date : plus de 26 milliards de dollars déboursés en 2016 pour l'acquisition de LinkedIn, le réseau social destiné à la recherche d'emplois. En 2018, il a également acheté la plateforme de création de logiciels GitHub pour 7,5 milliards de dollars.
En parallèle, le groupe américain s'est progressivement désengagé de ses produits grands publics, n'arrivant pas à s'imposer sur des secteurs ultra-concurrentiels comme le streaming audio ou les jeux vidéo. Face à des acteurs comme Apple sur le marché du streaming audio, Microsoft a fermé en 2017 son service baptisé Groove en s'associant à Spotify. Même son de cloche trois ans plus tard. En juin, Microsoft a annoncé la fermeture de sa plateforme de streaming de jeux vidéo Mixer pour s'associer à l'appli concurrente Facebook Gaming.
Et même son assistant personnel, baptisé Cortona, est en train de pivoter vers la sphère professionnelle en l'assignant à des fonctions de "productivité, comme gérer les mails et le calendrier", précise le groupe dans une note de blog publiée ce lundi. Jusqu'ici, il permettait de pouvoir réaliser des tâches variées du quotidien (gérer sa musique, contrôler sa maison connectée...) depuis un smartphone, un ordinateur ou une enceinte connectée, mais il n'a pas réussi à s'imposer face à la concurrence (Siri d'Apple, Alexa d'Amazon ou encore Google Assistant).
Toucher massivement les jeunes
Son appétit pour TikTok, application de vidéo à mi-chemin entre réseau social et play-back, ne passe donc pas inaperçu. Créée en Chine en 2016 par le groupe Bytedance, TikTok est la première application asiatique à rencontrer un immense succès en Europe et aux États-Unis. L'application caracole en tête des téléchargements depuis 2018, principalement prisée par les pré-adolescents et adolescents. Rien qu'aux Etats-Unis, l'un de ses plus gros marchés, elle revendique 100 millions d'utilisateurs. Le cabinet d'études eMarketer abaisse ce chiffre à 45,4 millions (+22% de croissance sur un an) pour 2020, selon une étude publiée en mars.
TikTok permettrait donc à Microsoft de toucher massivement un jeune public, et toutes leurs données associées. "Microsoft veillerait à ce que toutes les données personnelles des utilisateurs américains de TikTok soient transférées, et restent aux États-Unis", a expliqué le groupe dans sa note de blog. "Dans la mesure où de telles données sont actuellement stockées ou sauvegardées en dehors des États-Unis, Microsoft veillera à ce que ces données soient supprimées des serveurs en dehors du pays après leur transfert." Alors que la firme de Redmond cherche régulièrement à faciliter la création vidéo (Windows Movie Maker, Windows Story Remix...), TikTok pourrait lui permettre d'étudier les pratiques des jeunes en la matière.
Selon les premières estimations fournies par la presse américaine, l'application pourrait être achetée pour une somme estimée entre 30 à 50 milliards de dollars. Microsoft pourrait alors s'allier avec un autre investisseur américain pour s'accaparer la pépite chinoise. TikTok, qui ne communique pas de chiffres officiels, ne serait pas rentable, selon le Wall Street Journal. ByteDance tablerait sur 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires pour TikTok en 2020, et 6 milliards de dollars en 2021.
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