Prix du livre : Amazon part en guerre contre le gouvernement qui souhaite avantager les libraires

Le géant du commerce en ligne a annoncé, ce mardi, qu’il déposait un recours devant le Conseil d’Etat contre une mesure destinée à augmenter les frais de port sur les livres. La décision, approuvée par la Commission européenne au mois de février, fixe un seuil minimal de 3 euros pour les commandes inférieures à 35 euros. Le but affiché est de protéger les librairies, mais d’après Amazon France, cela va à l’encontre du droit des consommateurs de livres.
Le mastodonte de la vente en ligne a déposé un recours contre une mesure visant à augmenter les frais port des livraisons de livres.
Le mastodonte de la vente en ligne a déposé un recours contre une mesure visant à augmenter les frais port des livraisons de livres. (Crédits : PASCAL ROSSIGNOL)

Amazon passe à l'attaque. Le géant américain du e-commerce va attaquer devant le Conseil d'Etat un arrêté ministériel du mois d'avril pour excès de pouvoir. Cet arrêté signé par les ministres de la Culture et de l'Économie le 4 avril 2023, et qui doit entrer en vigueur au début du mois d'octobre, fixe un seuil réglementaire des frais de port de 3 euros minimum pour toute commandes dont le montant est inférieur à 35 euros. Au-delà de ce montant, le seuil restera de 0,01 euro, celui en vigueur depuis une loi de 2014. L'instauration de ce tarif minimal vise à protéger les libraires face au géant américain.

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Bras de fer entre le gouvernement et les plateformes de e-commerce

Amazon, aux côtés de nombreuses autres plateformes du e-commerce, réclamait un statu quo, dénonçant le caractère inflationniste de cette réforme. Les libraires plaidaient, à l'inverse, pour des seuils encore plus élevés. Le gouvernement a choisi une voie médiane et a obtenu en février l'aval de la Commission européenne pour ce dispositif unique au monde.

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Bruxelles estimait que le gouvernement français ne lui avait pas démontré comment la hausse des frais de port servirait son objectif de « maintenir un réseau dense et diversifié » de librairies et « la diversité et la qualité de l'offre éditoriale ». Par ailleurs, la France n'a pas « fourni d'évaluation de mesures alternatives moins restrictives », déplorait la Commission.

Toujours est-il que le gouvernement a annoncé la mise en place d'un arrêté ministériel en avril 2023 devant être l'application de la loi sur « l'économie du livre » promulguée le 30 décembre 2021. Le but est donc de « renforcer l'équité et la confiance entre les acteurs » en mettant fin à la quasi-gratuité des frais de port pour la majorité des livraisons.

Amazon vent debout contre l'arrêté ministériel

Ni une, ni deux, Amazon a répondu à ce qu'il considère comme un coup de force du gouvernement.

« [Cette mesure] va pénaliser les lecteurs, les auteurs et la lecture en général » et « porter un coup sévère au budget des Français et limiter leur accès aux livres », a dénoncé le directeur général d'Amazon France, Frédéric Duval.

« L'offre en ligne et celle des libraires sont en réalité complémentaires : près d'un livre sur deux vendu par Amazon est expédié vers des petites villes et campagnes, c'est-à-dire vers des territoires souvent dépourvus de librairie », a-t-il ajouté.

Dès le mois d'avril, la filiale française d'Amazon avait exprimé son inquiétude quant à « l'impact qu'aura cette mesure sur la lecture et sur les lecteurs, notamment ceux vivant dans les zones rurales et les petites villes. Ces territoires sont souvent dépourvus de librairies et représentent aujourd'hui 46% des envois de livres pour Amazon ».

Selon le groupe, la mesure est « contraire au droit et à l'intérêt des consommateurs ». Le géant américain s'était néanmoins déclaré favorable à « la mise en place d'un tarif postal dédié, qui existe déjà pour les expéditions de livres vers l'étranger ».

Le marché du livre français, une exception mondiale

En France, le marché du livre se distingue en ayant été le premier pays au monde à voter, en 1981, une loi imposant un prix unique aux livres neufs, entre autres mesures pour assurer la pérennité des librairies. Depuis, de nombreux autres pays ont copié cette loi, comme l'Espagne, l'Italie ou encore le Mexique. Selon le Syndicat de la librairie française, cela a permis le maintien d'un des réseaux de librairies indépendantes les plus denses au monde, avec 3.500 d'entre elles qui vendent « près d'un livre sur deux ».

En 2022, les sites internet marchands (Amazon.fr, fnac.com, chapitre.com, etc.) sont montés à 21,9% de parts de marché (+1,9 point en un an). C'est autant qu'en 2020, une année marquée par la pandémie de Covid-19 et de longues semaines de fermeture des librairies. Cela reste moins que les librairies, qui représentent 22,9% du marché en 2022. Depuis 2006 (première année des données disponibles), où elle culminait à 25,8%, la part de marché des libraires est descendue à un plus bas à 21,5% en 2013, avant de remonter.

(avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 28/06/2023 à 8:33
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Non touché par la zéro artificialisation des sols, ah ces riches plus ils en ont plus ils en veulent c'est aliénant, l'éternel recommencement du non changement.

à écrit le 27/06/2023 à 15:54
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Cette loi a été adoptée par la majorité de l'Assemblée Nationale réunie au complet. Et un géant américain peut la remettre en question ?

à écrit le 27/06/2023 à 12:40
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La culture selon Amazon, c'est de vendre ce qui est rentable et surtout conforme aux idées de Bezos. La contre culture et les idées qui n'entrent pas dans le moule sont écartées.

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