Sprint / T-Mobile US : les dessous de la possible arrivée d'un géant du mobile

Le géant nippon des télécoms Softbank et Deutsche Telekom sont parvenus, selon le quotidien japonais Nikkei, à un accord de principe pour fusionner leurs opérateurs mobiles Sprint et T-Mobile US aux États-Unis. Si ce mariage aboutissait, il donnerait naissance à un géant, capable de jouer des coudes avec les deux leaders actuels, AT&T et Verizon.
Pierre Manière
En s'alliant, Sprint et T-Mobile pourraient représenter près d'un tiers du marché américain du mobile (30%).

Ces derniers jours, les rumeurs d'un mariage entre Sprint et T-Mobile US sont allées crescendo. Et le week-end dernier, le quotidien japonais Nikkei les a confirmées. Selon le journal, Softbank, le géant nippon des télécoms, et Deutsche Telekom, l'opérateur historique allemand, sont parvenus à un accord de principe pour fusionner leurs filiales américaines dans le mobile Sprint et T-Mobile US.

Si ce mariage était célébré, il donnerait naissance à un nouveau mastodonte aux pays de l'Oncle Sam. Le marché du mobile, aux Etats-Unis, pèse environ 190 milliards de dollars. Un gâteau que se partagent Verizon (près de 36% de part de marché), AT&T (33%), T-Mobile (17%) et Sprint (13%). Cela signifie, en clair, qu'un nouvel opérateur issu d'un rapprochement entre T-Mobile et Sprint disposerait potentiellement d'une part de marché de 30%, très proche de celles des actuels numéros un et deux. Une opération dont Masayoshi Son, le patron de Softbank, rêve ouvertement depuis qu'il a racheté Sprint en 2012.

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Aux yeux des analystes sondés par La Tribune, ce deal serait particulièrement « créateur de valeur ». En tout cas plus que si Sprint se mariait avec un acteur de l'Internet fixe, alors que plusieurs câblo-opérateurs, dont le géant Charter Communications, semblaient jusqu'alors intéressés. Pourquoi ? D'après Stéphane Beyazian, analyste chez Raymond James, « les synergies devraient être très significatives ». A l'en croire, elles pourraient se situer « aux alentours de 30 milliards de dollars en valeur ». Ce qui permettra à la nouvelle entité de dégager davantage de moyens pour investir dans ses réseaux. Un point jugé fondamental pour demeurer compétitif sur le marché américain. « Couvrir un pays aussi vaste que les Etats-Unis en 4G - ou demain en 5G - nécessite des investissements très lourds et pendant des années. Ce n'est pas aussi rapide qu'en Belgique ou aux Pays-Bas ! », constate l'analyste.

Forte amélioration de la qualité de service

En parallèle, Alexandre Iatrides, analyste chez Oddo Securities, estime que « les bénéfices, pour ce qui de la complémentarité de spectre, sont immenses ». Dans le monde du mobile, les opérateurs achètent à prix d'or aux États le droit d'émettre sur certaines bandes de fréquences, ce qui leur permet de proposer des services de communications à leurs clients. D'après Alexandre Iatrides, aux Etats-Unis, les opérateurs sont libre d'utiliser ce spectre comme bon leur semble - sans avoir, comme en France par exemple, à effectuer des demandes ou à dépenser des sommes astronomiques. En d'autres termes, ils peuvent, avec leurs bandes de fréquences, faire de la 2G, de la 3G ou de la 4G quand et où ils le veulent. Ainsi, « si Sprint et T-Mobile devaient fusionner, la qualité de service du nouvel opérateur augmenterait très fortement », assure l'analyste.

C'est d'ailleurs, d'après lui, en partie ce qui explique la croissance de T-Mobile après le rachat de son rival MetroPCS, au printemps 2013. Avant l'opération, la filiale de Deutsche Telekom affichait une part de marché de 10%. « Celle-ci a progressé de 3 points grâce au rachat, et de 4 points les années suivantes, en grappillant des clients à la concurrence », constate Alexandre Iatrides. En outre, une alliance entre Sprint et T-Mobile US permettra, bien sûr, de consolider le marché américain, diminuant de facto son intensité concurrentielle.

Un deal loin d'être autorisé

Reste que si les intéressés semblent décider à s'unir, il n'est pas du tout dit que les autorités disent « oui ». Chez Oddo Securities comme chez Raymond James, la probabilité qu'elles apportent leur bénédiction est estimée à seulement 50%. Si l'administration Obama avait mis son veto, il y a plus de deux ans, à un tel mariage, l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, favorable à la dérégulation, laisse penser qu'il est désormais possible. D'autant que Masayoshi Son, le patron de Softbank, a longuement dragué le nouveau locataire de la Maison-Blanche après son élection, lui promettant notamment 50 milliards de dollars d'investissement et 50.000 emplois aux Etats-Unis. Il n'empêche, « l'inconnue réglementaire reste très importante », juge Alexandre Iatrides. Outre l'aval de l'exécutif, un tel deal devrait nécessairement décrocher le feu vert du Department of Justice (DoJ) et de la Federal Trade Commission (FTC). Ce qui n'est pas gagné.

Pierre Manière

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