Longtemps caractérisé par de violentes guerres de prix, le secteur des télécoms a fait plus que s'assagir ces dernières années. Dans l'Hexagone, les tarifs des abonnements sont, depuis quelques années, en forte progression. Fabienne Dulac, elle, s'en félicite. Lors d'une conférence de presse ce mercredi à Paris, la patronne d'Orange France a loué cet « apaisement du marché ». « Les quatre acteurs [Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, Ndlr] ont mis en place une forme de 'market repair' en diminuant le niveau des promotions, et en rétablissant, au final, les prix à des niveaux qui correspondent mieux à la valeur fournie », a-t-elle déclaré. D'après elle, cette augmentation des prix est la bienvenue pour les opérateurs, qui pâtissent tous de l'inflation et de la hausse des coûts de l'énergie.
Ce « market repair » a débuté il y a environ trois ans, et concerne « tous les marchés », explique la dirigeante, incollable sur l'évolution des prix. Il y a d'abord les marques low cost d'entrée de gamme des opérateurs, comme Sosh (Orange), B&You (Bouygues Telecom) ou Red (SFR), lesquelles sont commercialisées sur le Net. « En février 2019 », au plus fort d'une énième guerre des prix, « nous avions en France des offres mobiles à 5,99 euros par mois pour 40 gigas de données, je m'en souviendrai toute ma vie », se rappelle Fabienne Dulac. Un an plus tard, ces mêmes offres se situaient dans une fourchette « de 11 à 13 euros », puis de « 13 à 15 euros » en mars 2022. Aujourd'hui, elles se situent « entre 17 et 18 euros ».
La stratégie du « more for more »
Si ce forfait mobile avec 40 gigaoctets de données est si important pour le secteur, c'est parce qu'il constitue « l'offre de référence client », explique Fabienne Dulac. Il s'agit, en clair, d'une sorte de marqueur sur lequel les opérateurs se basent pour définir les tarifs de leurs autres offres. Autrement dit : cette progression des prix sur le marché du low cost permet à Orange et ses rivaux de rehausser les tarifs de leurs forfaits haut-de-gamme - ou du moins de faire beaucoup moins de promotions que par le passé. Aujourd'hui, Orange et ses rivaux pratiquent tous une stratégie dite de « more for more ». Elle consiste à augmenter progressivement les prix, mais en rajoutant davantage de données ou de services.
D'après Fabienne Dulac, cette pratique serait plutôt bien reçue par les abonnés. Citant une récente étude maison, elle affirme que « 90% des clients n'ont pas eu le sentiment que les prix avaient augmenté en 2022 ». La patronne d'Orange France juge que l'épidémie de Covid-19 a bousculé les desiderata des abonnés. Si auparavant, le prix était souvent le premier critère d'achat, la qualité du réseau et de l'expérience utilisateur sont désormais tout aussi primordiaux pour des services devenus aussi essentiels que l'eau ou l'électricité. Avec l'essor du télétravail, par exemple, les abonnés veulent désormais disposer d'une connexion à domicile aussi rapide, performante et sûre que sur leur lieu de travail.
« Le marché français était devenu atypique »
Cela dit, qu'est-ce qui explique cette hausse généralisée des prix ? Après tout, la France compte toujours quatre grands opérateurs nationaux, et l'ultra-concurrence faisait jusqu'alors partie de l'ADN de ce marché... Fabienne Dulac évoque d'abord les investissements massifs auxquels sont confrontés les opérateurs depuis plusieurs années. Tous sont contraints d'investir en même temps dans la fibre, la 4G et dans la nouvelle 5G... Rappelons qu'à la fin 2021, les investissements du secteur ont titillé les 15 milliards d'euros. Un record. Sachant qu'en 2015, ces investissements étaient deux fois moindres, à 8 milliards d'euros.
« Il y a aussi le fait que la France avait atteint un point très bas en matière de tarifs, ajoute Fabienne Dulac. Le marché était devenu extrêmement atypique. » Il est vrai qu'aujourd'hui encore, les prix pratiqués dans l'Hexagone sont parmi les plus bas d'Europe. Et de loin. « Nous sommes toujours bien en dessous des prix espagnols, allemands, anglais et même belges », rappelle la dirigeante. Il n'empêche que les associations de consommateurs, elles, continuent de critiquer ces augmentations alors que les Français souffrent de plus en plus de l'inflation. « Des hausses, toujours des hausses », tempêtait ainsi, en septembre dernier, un article de Que Choisir sur les forfaits mobiles.
Sujets les + commentés