Aux yeux de Bruxelles, il n'y a pas de temps à perdre pour protéger les câbles sous-marins. Dans un livre blanc publié mercredi, la Commission européenne tire la sonnette d'alarme : ces artères de fibre optique qui reposent au fond des mers, et par lesquelles transite 99% du trafic Internet intercontinental, sont, aujourd'hui, trop vulnérables.
« Il est clair que la sécurité des infrastructures de câbles sous-marins est une question particulièrement urgente pour la souveraineté de l'UE », écrit la Commission européenne.
Ces infrastructures sensibles n'ont, pendant longtemps, guère préoccupé Bruxelles. Mais la guerre en Ukraine et les relations extrêmement tendues entre le Vieux Continent et la Russie ont changé la donne. Dans son livre blanc, la Commission européenne affirme que « la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine a eu un impact significatif sur la sensibilisation à la sécurité des réseaux de communication, dont les câbles sous-marins ».
La Russie pointée du doigt
L'institution évoque clairement le scénario où la Russie pourrait saboter ces autoroutes de fibre optique. Elle fait notamment référence aux « activités de surveillance suspectes de navires russes », qui, ces dernières années, ont souvent rôdé à proximité de câbles sous-marins. La menace d'une attaque russe à l'encontre de certains câbles sous-marins est, effectivement, prise très au sérieux. C'est ce qu'expliquait à La Tribune un fin connaisseur du secteur, en février 2022, quelques jours après le début de la guerre en Ukraine.
« C'est tout à fait possible, avait-il indiqué. Ce serait même un moyen assez subtil pour la Russie d'augmenter la pression sur l'Europe. En coupant un câble, on brouille un peu Internet. Et puis on peut en couper deux, puis trois, puis tous, jusqu'à priver l'Europe d'Internet. »
Ce qui aurait des conséquences dévastatrices à l'ère du tout-numérique, en particulier pour l'économie. Pour rappel, l'Europe est particulièrement dépendante des câbles sous-marins, et en particulier des câbles transatlantiques, reliant le Vieux Continent aux Etats-Unis. De fait, les données des Européens, qui recourent massivement aux services des GAFAM, sont majoritairement stockées au pays de l'Oncle Sam. Impossible, en clair, d'y accéder sans ces infrastructures sous-marines.
Dans son livre blanc, la Commission européenne évoque ainsi des « incidents » récents, « tels que celui de la mer Baltique ». En octobre dernier, un gazoduc approvisionnant la Finlande à partir de l'Estonie, ainsi qu'un câble sous-marin dédié aux télécoms, ont été endommagés. Des suspicions de sabotage ont alors visé la Russie. Elles ont toutefois été démenties, dans la foulée, par le Kremlin. « C'est n'importe quoi, a déclaré Vladimir Poutine lors d'une conférence de presse. Franchement, je ne savais même pas que ce gazoduc existait. » A Bruxelles, l'incident a cependant rappelé que ces infrastructures, vitales pour les Etats, étaient très vulnérables.
Alors que faire ? La Commission européenne a listé « plusieurs éléments concrets qui font actuellement défaut » pour mieux protéger ces câbles. Elle appelle en particulier les Etats membres à établir « une cartographie précise » de ces infrastructures afin de pouvoir mieux évaluer les risques. L'institution milite aussi pour « une gouvernance commune » des câbles sous-marins pour leur déploiement, leur maintenance rapide en cas d'incident (via, par exemple, la création d'une flotte européenne de navires de maintenance), ou encore le financement de nouvelles infrastructures sur les axes les plus sensibles. Il y a urgence, à ses yeux, à renforcer sans traîner la souveraineté du Vieux Continent dans ce domaine.
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