Pourquoi si peu d'introductions à la Bourse de Paris ?

Avec huit introductions depuis janvier, dont aucune au premier trimestre, la Bourse parisienne a attiré les entreprises innovantes de la tech mais peu de grandes. Les capitaux levés (211 millions d'euros) sont aussi en forte baisse et font pâle figure à côté des autres places européennes et mondiales. Les incertitudes géopolitiques et macroéconomiques pèsent, tout comme la concurrence des autres modes de financement.
La Bourse de Paris a accueilli huit nouvelles entreprises au premier semestre 2018, un chiffre en demi-teinte par rapport à ses voisins.
La Bourse de Paris a accueilli huit nouvelles entreprises au premier semestre 2018, un chiffre en demi-teinte par rapport à ses voisins. (Crédits : DC)

Après l'inactivité totale du premier trimestre, qui s'explique en grande partie par le mini-krach des marchés financiers en février, la Bourse de Paris s'est un peu rattrapée au deuxième, mais le bilan reste modeste : seulement huit introductions depuis janvier. Ce sont des PME innovantes mais encore petites qui ont ouvert, tardivement, le bal des introductions à la Bourse de Paris, la tech étant mise à l'honneur, à défaut de grandes capitalisations.

« La volatilité des marchés et du contexte macroéconomique ont largement influencé les décisions des entreprises », analyse un spécialiste des marchés. « Les introductions ont concerné surtout des PME en ce début d'année, nous n'avons pas encore eu de "large caps" qui font monter l'addition ».

La première nouvelle venue a débloqué le compteur 2018 le 4 avril : il s'agit du site d'e-commerce de meubles Vente-unique.com (filiale de la Cafom, maison-mère de Habitat) qui a levé 32,8 millions d'euros sur Euronext Growth (ex-Alternext, dédié aux PME, et aux règles de cotation allégées). Sur le même segment de la cote, une autre entreprise de l'e-commerce (côté logiciels pour PME) a suivi, Oxatis, puis le studio français indépendant de création et de développement de jeux vidéo Dontnod Entertainment et l'entreprise bretonne d'équipements pour la chaîne des médias Enensys. La pépite grenobloise des processeurs à haute performance et faible consommation, Kalray, a réalisé la plus importante levée de la Bourse de Paris, tous segments confondus (43,5 millions d'euros) et capitalise quelque 95 millions d'euros.

Ipo Kalray Euronext

[Cérémonie de la cloche lors de l'entrée en Bourse de Kalray le 12 juin 2018. Crédit : Euronext]

Du côté de la Bourse classique Euronext, le fabricant de logiciels médicaux spécialisés dans les maladies chroniques Voluntis, a fait son entrée le 1er juin, avant Cogelec (badges de contrôles d'accès et interphones) et 2CRSI (serveurs informatiques) qui ont suivi mi-juin. Les nouvelles recrues ont dans l'ensemble maintenu leur valeur boursière depuis, avec plus de volatilité pour celles d'Euronext Growth : ainsi Vente-unique.com a vu sa capitalisation boursière fondre de 101 millions au prix d'introduction à 88 millions d'euros aujourd'hui.

Capitalisation boursière et levée de fonds pour les introductions en bourse du premier semestre 2018

[Introductions à la Bourse de Paris depuis le 1er janvier 2018, par ordre d'entrée. Montant de l'opération et capitalisation au prix d'introduction. Crédits : La Tribune/Euronext]

Des capitaux levés en fort retrait

Euronext a salué quelques success stories, comme Oxatis, quatrième société à sortir du programme TechShare (lancé pour dynamiser et accompagner les PME et ETI innovantes sur les marchés financiers), dont l'opération a attiré une demande plus de deux fois supérieure à l'offre de la part des investisseurs. En mai, Dontnod, a levé 26,6 millions d'euros avec un taux de sursouscription encore plus élevé, de 4,7 fois.

Cependant, les capitaux levés ont été assez modiques, individuellement plus proches d'une levée de fonds de startup, et très en retrait par rapport à l'année dernière : 211 millions d'euros contre près de 1,8 milliard au premier semestre 2017, en raison de l'absence de ces grosses capitalisations qui ont dopé le total de l'an dernier - notamment la mise sur le marché d'ALD Automotive (location auto longue durée) par la Société Générale pour 1,15 milliard d'euros ou celle de 440 millions pour X-Fab Silicon Foundries.

Certes, le contexte de marchés difficile s'es traduit par une baisse du nombre d'entrées en Bourse presque partout dans le monde, relève les experts d'EY dans leur étude trimestrielle sur les IPO.

« Au sein de cet ensemble, la France s'est révélée plus dynamique au deuxième trimestre après un début d'année décevant mais souffre toujours de l'absence de levées importantes suite à l'annulation de 3 opérations significatives attendues par la place » analyse Marc Lefèvre, associé France EY. « Le pipeline d'opérations à venir reste néanmoins intéressant à ce stade en espérant que les investisseurs se mobiliseront » nuance-t-il.

En effet, trois entreprises importantes ont renoncé à leur projet d'introduction sur le marché français. Le distributeur de pièces détachées d'automobile Autodis en mai, et le géant français de l'infrastructure ferroviaire et industrielle Delachaux, qui aurait été valorisé jusqu'à 1,5 milliard d'euros pour une opération dont le produit se serait élevé à près de 100 millions d'euros en juin, ont annoncé le retrait de leur projet quelques semaines après. L'équipementier automobile Novares complète le trio des reports: sa capitalisation boursière se serait élevée à 500 millions d'euros pour une levée avoisinant les 130 millions d'euros. La biotech Elsalys, qui espérait lever 15 millions d'euros, a également jeté l'éponge en mai.

En comparaison avec les 119 introductions intervenues dans toute l'Europe, pour un total de 23,8 milliards de dollars levés (environ 20,5 milliards d'euros) selon le recensement d'EY, la France apparaît à la traîne, voire frileuse, par rapport à ses voisins, pourtant exposés aux mêmes risques. Au Royaume-Uni, pas moins de 22 introductions ont eu lieu au premier semestre, pour 3,9 milliards de dollars, malgré les incertitudes liées au Brexit, la City confirmant sa place privilégiée pour le financement des entreprises, y compris étrangères. L'opérateur Euronext s'en sort si l'on regarde toutes les places qu'il exploite, grâce notamment à l'éclatante entrée en bourse d'Adyen aux Pays-Bas avec une opération de 849 millions d'euros et une valorisation de 14 milliards au premier jour de cotation.

Les bourses nordiques (Danemark, Norvège, Suède et Finlande) semblent aussi moins enrhumées, puisqu'elles enregistrent 42 introductions à elles quatre et 4,7 milliards de dollars de levées de capitaux. La France semble donc vraiment faire bande à part.

Des incertitudes mondiales

En regardant en arrière, les premiers mois de 2018 n'ont pas été de tout repos. Le mini krach de début février, qui faisait suite à des mois de hausse sur les places financières, a vu une dégringolade des indices boursiers mondiaux.

L'étude trimestrielle réalisée par EY sur les tendances mondiales des introductions en bourse a essayé de décrypter les principaux facteurs qui pourraient influencer les investisseurs : les tensions géopolitiques croissantes, les fluctuations dans les politiques commerciales américaines ou encore le Brexit figurent en tête des préoccupations. En conséquence, les entreprises sont à l'affût d'autres solutions de financement (fonds d'investissement, rachats), et se font plus flexibles tant sur le prix que sur le calendrier de leur introduction, pour pouvoir profiter de l'ouverture d'une fenêtre de tir favorable. Delachaux par exemple a finalement opté pour le rachat des parts du fonds CVC Capital Partners par la famille Delachaux et par la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

Mais même à l'échelle mondiale, la bourse parisienne fait pâle figure. Les chiffres mondiaux sont en baisse en volume (660 introductions en bourse soit -21%) mais en hausse en valeur (+5% à 94,3 milliards de dollars, le chiffre le plus élevé depuis 2015). Les incertitudes géopolitiques et commerciales ne suffisent donc pas à expliquer la réserve des entreprises à s'introduire sur la Bourse de Paris.

La liste des introductions à venir reste tout de même bien alimentée : plusieurs projets ont été annoncés pour la deuxième partie de l'année, comme celui de l'enseigne d'ameublement haut de gamme Roche Bobois qui souhaite lever 21 à 25 millions d'euros en juillet, et serait valorisée autour de 300 millions d'euros, ainsi que celui de Neoen, premier producteur français indépendant d'énergies renouvelables, dont la valorisation boursière serait estimée à plus d'un milliard d'euros, d'ici à la fin de l'année.

Le marché parisien pourrait retrouver de l'animation avec la cession des participations de l'Etat annoncée dans le projet de loi Pacte, à savoir Aéroports de Paris (parts valorisées 8,8 milliards d'euros), Française des jeux  (FDJ) et Engie. Cependant, on ne connaît pas encore le calendrier de ces privatisations.

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Commentaires 8
à écrit le 30/06/2018 à 9:35
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nos politiciens sont responsables de la situation actuelle ! l austérité a été plus que catastrophique dans la zone EURO. continuons et droit dans le mur ... pour l heure ils en profitent et souhaitent peu etre que cette situation continue ?...

à écrit le 30/06/2018 à 9:35
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nos politiciens sont responsables de la situation actuelle ! l austérité a été plus que catastrophique dans la zone EURO. continuons et droit dans le mur ... pour l heure ils en profitent et souhaitent peu etre que cette situation continue ?...

à écrit le 30/06/2018 à 8:59
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le reflet de la politique sans résultat est a cette image ! que de la ( com)

à écrit le 29/06/2018 à 12:47
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I beg your pardon, beaucoup de pp se font introduire.

à écrit le 29/06/2018 à 10:19
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Quand les bourses sont plates, l'introduction est plus difficile.

le 02/07/2018 à 7:20
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Heureusement il y a tjrs des commentaires malicieux.

à écrit le 29/06/2018 à 9:31
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Heu... je suis multimmiliardaire donc apatride au final puisque je ne paye pas d'impôts dans mon pays dans lequel j'ai pourtant fait ma fortune et en plus je pèse lourdement sur les finances publiques du fait des largesses que m'accordent mes politic...

à écrit le 29/06/2018 à 9:10
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quelle surprise! hey, faut recolter un jour ce que hollande a seme !! vous croyez franchement que ca interesse grand monte de se faire nationaliser sa boite par montebourg si elle marche, mais de se laisser rincer si ca derouille? vous croyez fran...

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