Le tabou des hausses d'impôt de la Macronie a du plomb dans l'aile. En pleine polémique sur le dérapage des finances publiques, le chef du gouvernement a ouvert la porte à une taxation sur les superprofits. Après une brèche ouverte par la présidente (Renaissance) de l'Assemblée nationale, Yaël Braun Pivet, la semaine dernière, Gabriel Attal a déclaré ce jeudi « ne pas avoir de dogme, ni de tabou sur les profits exceptionnels liés à des situations de crise ».
Lors d'un déplacement dans l'usine L'Oréal de Rambouillet, en compagnie de la ministre du Travail Catherine Vautrin, le Premier ministre a rappelé que « lorsqu'il a fallu taxer les entreprises de l'énergie et du pétrole, parce qu'elles faisaient des profits exceptionnels en même temps que les factures des Français augmentaient, on a fait une taxe exceptionnelle ».
Les annonces de Gabriel Attal pourraient « être une évolution de ligne politique sur ce sujet, si on repart des propos de Bruno Le Maire sur l'absence de superprofits il y a deux ans. A cette époque, ce n'était pas un sujet dans la majorité », juge Quentin Parrinello, conseiller à l'Observatoire européen de la fiscalité.
Devant la presse, Gabriel Attal a pointé du doigt « les groupes financiarisés de laboratoires de biologie médicale qui ont fait des profits exceptionnels grâce aux tests Covid financés par la Sécurité sociale ». Cette annonce intervient en pleine crise des finances publiques, amplifiée par les mauvais chiffres du déficit de 2023 à 5,5% du PIB, contre 4,9% initialement dévoilés mardi dernier. Faute de croissance économique, les recettes ont plongé l'année dernière précipitant le solde des finances publiques dans le rouge.
« Des lignes rouges »
Au lendemain de ces annonces fracassantes sur l'assurance-chômage au JT de TF1, le locataire de Matignon a rapidement fixé des lignes rouges. « Notre projet est de soutenir ceux qui travaillent et ceux qui permettent aux Français de travailler, c'est-à-dire les entreprises ». Au Medef, Patrick Martin a immédiatement réagi : « L'une des lignes rouges du Premier Ministre : pas d'augmentation d'impôts sur les entreprises. Parce qu'elles sont parmi les plus taxées au monde et que ce sont elles qui créent les emplois. C'est aussi notre ligne rouge, et nous serons vigilants à ce qu'elle ne soit pas franchie ».
Le chef de l'exécutif a défendu ce jeudi la politique économique de l'offre chère au président Macron en rappelant les baisses de fiscalité évaluées à 50 milliards d'euros sur le dernier quinquennat.
« J'assume que l'on ait baissé l'impôt sur les sociétés de 33% à 25% pour toutes les entreprises et notamment, les petites et moyennes entreprises. C'est comme cela qu'elles peuvent recruter ».
La politique fiscale de Hollande étrillée
Gabriel Attal a aussi étrillé la politique fiscale du quinquennat Hollande, tout en évitant la période où Emmanuel Macron était aux manettes des Finances.
« Ceux qui vous disent : "on va juste taxer les grandes entreprises et les super-riches". On a vu comment cela s'est terminé après. En 2011 et 2014, les impôts sur le revenu ont augmenté, le quotient familial qui est raboté, la TVA qui augmente, l'impôt sur les sociétés qui augmente ».
À l'époque, la grave crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines de 2012 avaient débouché sur des politiques budgétaires plus restrictives et des hausses d'impôts. Ce tour de vis avait particulièrement pénalisé la croissance tricolore. Interrogé sur un possible virage de la France vers l'austérité, le Premier ministre s'est refusé à employer ce terme. « Ce n'est pas notre logique, ce n'est pas notre logiciel », a-t-il insisté.
Bercy inflexible sur la taxation des superprofits et des milliardaires
Sans surprise, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est montré inflexible sur la taxation des superprofits ou des grandes fortunes en France. Lors d'une réunion avec des journalistes mardi dernier, le locataire de Bercy a affirmé que « taper sur les riches est la solution de facilité ».
En revanche, il a expliqué qu'il allait prolonger la fiscalité exceptionnelle sur les énergéticiens, malgré le faible rendement de cette taxe. « La rente inframarginale n'a rapporté que 300 millions d'euros, soit 10 fois moins que prévu par la commission de régulation de l'énergie. Nous sommes ouverts des propositions. Il est inacceptable que le rendement soit aussi faible que prévu », a poursuivi le ministre.
Même son de cloche du côté de Matignon. « Le Premier ministre est ouvert à une extension du dispositif après discussions avec les parlementaires », précise l'entourage du Premier ministre. S'agissant d'autres entreprises, « il n'y a pas de secteur complémentaire identifié à ce stade, mais pas de refus de principe », précise à La Tribune l'entourage du chef du gouvernement.
« Avoir ce débat maintenant est regrettable, estime Quentin Parrinello.
« Il aurait fallu que cette question soit tranchée il y a deux ans au moment où les énergéticiens faisaient des profits exceptionnels. Surtout qu'il est difficile de faire de la rétroactivité fiscale », poursuit le spécialiste de la fiscalité.
Reste à savoir si derrière la position du Premier ministre, le chef de l'Etat va se positionner en faveur d'une telle fiscalité. En pleine réforme des retraites, Emmanuel Macron avait poussé pour une taxation des rachats d'actions des grandes entreprises. Cette proposition avait finalement terminé aux oubliettes lors des débats budgétaires de l'automne dernier.
Annoncé par l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, en octobre, le Haut Conseil des rémunérations a tenu sa première réunion ce jeudi. « Le Haut Conseil permettra de faire des diagnostics et des propositions sur les liens entre productivité, création de valeur et salaires », a expliqué la ministre du Travail Catherine Vautrin, rue de Grenelle. A l'issue de cette première rencontre, la ministre a promis que « tous les sujets pourront être discutés, sans tabou ». Au programme, « la désmicardisation du travail, les négociations salariales, l'égalité salariale, les effets du temps partiel ». Le Premier ministre a profité de son déplacement pour rappeler son cap sur le travail : « Notre objectif est de travailler tous, gagner plus, travailler mieux ». Une ligne de conduite aux accents sarkozystes.Un haut conseil des rémunérations installé rue de Grenelle