Quand l'ancien patron de la SNCF Guillaume Pepy se rend au chevet des entrepreneurs ruraux

REPORTAGE. Dans la journée du 11 mars, La Tribune a suivi Guillaume Pepy à Beauvais. Désormais président du réseau Initiative France qui finance, chaque année, 20.000 projets à hauteur de 189 millions d'euros, l'ex-cheminot a assisté à quatre comités d'engagement au cours desquels un projet n'a pas fait l'unanimité. En septembre, le réseau va bénéficier d'une enveloppe de 150 millions d'euros pour les quartiers politique de la ville (QPV).
Depuis le 30 juin 2020, Guillaume Pepy est président d'Initiative France, un réseau associatif de financement des entrepreneurs.
Depuis le 30 juin 2020, Guillaume Pepy est président d'Initiative France, un réseau associatif de financement des entrepreneurs. (Crédits : Reuters)

Guillaume Pepy a quitté la SNCF il y a quatre ans et demi, mais il continue de vivre à 300 km/h entre sa présidence du conseil d'administration d'Orpea, son siège d'administrateur chez The Chemours Company, son poste de senior advisor au Boston Consulting Group ou encore la présidence d'Initiative France, autoproclamé premier réseau de proximité en soutien aux entrepreneurs.

En 2023, cette galaxie de 208 associations locales a accueilli 67.091 chefs d'entreprise et financé 20.025 projets à hauteur de 189 millions d'euros, permettant la création ou le maintien de 54.755 emplois. C'est sous cette dernière casquette que l'énarque de 65 ans a pris, en compagnie de La Tribune le 11 mars, le TER Hauts-de-France entre Paris et Beauvais, ville-préfecture de l'Oise.

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Quatre comités d'engagement

Dans le train, où les contrôleurs et les passagers se retournent sur son passage, Guillaume Pepy se prépare à assister à quatre comités d'engagement d'Initiative Oise Ouest. C'est au cours de ces derniers que les néo-patrons présentent leur feuille de route à un jury composé d'assureurs, de banquiers, de chambres consulaires et de dirigeants de société.

« La commission d'agrément vérifie que le projet "flotte", c'est-à-dire regarde la concurrence, et valide la capacité, ou non, des gens à devenir leur propre patron. Il nous est arrivé de prendre des dossiers qui n'ont pas pu marcher, mais le taux de succès des boîtes au bout de trois ans est supérieur à 90% », assure l'ex-cheminot.

Ce matin-là, trois dossiers se trouvent en zone de revitalisation rurale (ZRR), un dispositif créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui permet d'octroyer des crédits d'impôt aux entreprises créant des emplois dans les communes rurales.

Premiers à passer le grand oral, Jennifer M. et Cédric R., qui dirigent une entreprise d'agencement en menuiserie et plaquisterie, sollicitent un prêt d'honneur à taux zéro de 40.000 euros, afin d'emménager dans un local plus adapté. « Aujourd'hui, l'entreprise est dans un cul-de-sac. Demain, elle sera dans une zone passante », illustre le couple de quadragénaires qui, en 2019, avait déjà pu bénéficier d'un PTZ de 15.000 euros pour reprendre cette société.

Spécialistes de Ma Prime Rénov' et des certificats d'économie d'énergie (CEE), qui permettent aux collectivités, aux sociétés et aux particuliers de réaliser des travaux de rénovation énergétique, tous deux témoignent d'« une usine à gaz, » de « beaucoup de contrôles », et surtout, de « personnes âgées qui ont peur lors du montage des dossiers ». « C'est la croix et la bannière pour recruter. Pour être chef d'entreprise, il faut être motivé. Nous sommes tout le temps sur le qui-vive, nous ne pouvons pas relâcher la pression », enchaînent les entrepreneurs. L'après-midi, ils recevront un coup de téléphone de l'association beauvaisienne qui leur confirmera l'octroi d'un nouveau prêt d'honneur.

Un projet qui ne fait pas l'unanimité

A peine le temps de débriefer entre jurés qu'un nouvel impétrant entre dans la salle de réunion. Ghislain R., « presque 35 ans dont quatorze dans le commerce automobile », entend reprendre un garage à Saint-Omer-en-Chaussée, après un départ à la retraite. Aujourd'hui vendeur d'utilitaires à Compiègne, le jeune homme demande un PTZ de 15.000 euros à Initiative Ouest Oise, ainsi qu'un prêt d'honneur du même montant à Bpifrance.

« Depuis début 2024, 1 euro d'Initiative France égale 1 euro de Bpi. Le prêt d'honneur suffit à déclencher un puissant effet de levier multiplié par 5, par 8 voire par 10 », affirme Guillaume Pepy.

Le candidat suivant, Cyril M., a 32 ans, est demandeur d'emploi. Il rêve de créer un garage mobile dans un rayon de 20 kilomètres autour de son domicile de Noyers-Saint-Martin. A ce titre, il demande un PTZ de 8.000 euros et un prêt d'honneur de Bpifrance de 4.000 euros.

Sauf que son projet ne fait pas l'unanimité autour de la table. Les assureurs jugent qu'il y a « trop de risques à couvrir », pendant que les banquiers qualifient de son dossier « mal-ficelé et pas cadré ». Le trentenaire ne sera pas pour autant abandonné dans la nature, mais suivi par la Chambre de métiers qui l'a rencontré la première fois.

Dans la foulée, c'est un duo qui s'avance. Son ambition ? Créer un bar en centre-ville de Beauvais. Léa C., 29 ans, salariée dans la restauration, et Anthony D., 36 ans, gérant d'un restaurant familial, qui ont déjà les clés, ciblent la clientèle des 30-40 ans. Ils envisagent même de créer deux, voire trois emplois. Le projet sera validé.

En revanche, le président d'Initiative France tique un peu sur le profil des six postulants qu'il a vu défiler. Guillaume Pepy regrette qu'en 2023, seuls deux dossiers pour les trois quartiers politique de la ville (QPV) de la préfecture isarienne aient été étudiés.

150 millions d'euros pour les quartiers politique de la ville (QPV)

Et ce, alors même que le réseau va bénéficier d'une enveloppe de 150 millions d'euros de Bpifrance au titre du programme "Quartier 2030"« ll va y avoir énormément d'argent à partir de septembre. Soit on laisse le train passer, soit on y va », insiste l'ancien patron de la SNCF, connu pour son engagement politique à gauche. « Vous êtes hyper-bien placés pour le faire dans les QPV sans prendre trop de risques sur les prêts d'honneur », appuie sa déléguée générale, Patricia Lexcellent.

« Nous n'intervenons qu'avec des prêts bancaires professionnels. Les gens des quartiers ne font pas ces crédits », répond Vanessa Foulon, directrice d'Initiative Ois Ouest. « Il y a une réticence plus marquée sur le recours au prêt. Ce sont également des projets qui ont besoin d'être davantage accompagnés », abonde Nadège Perrier, représentante du BGE Picardie, outil de développement économique du conseil régional des Hauts-de-France.

Ce ne sont pas les élus locaux qui diront le contraire, alors même que l'agglomération du Beauvaisis et le conseil départemental de l'Oise ont, respectivement, octroyé des subventions de 66.000 et de 10.000 euros en 2023. Maire-adjoint de Beauvais chargé du programme de revitalisation Action Cœur de ville et vice-président du conseil départemental de l'Oise chargé de la politique de la ville, Charles Locquet témoigne de la difficulté à « aller chercher les gamins »« Après le collège, les enfants n'ont plus accès à l'entreprise. En primaire, ils voient leurs parents dans l'industrie, le BTP et le ménage. Si on ne les emmène pas voir, ils ne connaissent pas », poursuit celui qui est également vice-président de la CCI 60.

« Des entreprises refusent des stages de 3ème. Moi, j'en ai pris six en un an et je leur file des couteaux. Ce ne sont pas des plantes vertes qui regardent ce qui se passe », rétorque David F., 48 ans, poissonnier à Grandvilliers et bénéficiaire d'un PTZ de 12.000 euros.

Le deuxième territoire le plus attractif du département

A Reuil-sur-Brêche, Lydia C., spécialiste de la gestion de déchets, n'accueille, elle, pas encore de stagiaire, mais a terminé l'année 2023 « en beauté » après un prêt d'honneur de 12.000 euros et un prêt bancaire de 20.000 euros à 1%. « Tout se passe bien » aussi pour sa voisine de droite, Laura D., 30 ans, tient un salon de thé à Crèvecœur-le-Grand, qui a réalisé 8.000 euros de chiffre d'affaires de plus que son objectif prévisionnel.

Encore faut-il loger les salariés concernés. Maire de Puiseux-le-Hauberger, chargé du commerce et de l'artisanat au conseil départemental et président de l'établissement public foncier local de l'Oise, Bruno Caleiro, a accepté, sur sa commune, un programme immobilier de 52 maisons, mais ce n'est pas le cas partout. Et ce, alors même que le Grand Beauvaisis, desservi par la RN31 et les A1 et A16, est le deuxième territoire le plus attractif du département, derrière Creil et Saint-Maximin et devant Compiègne.

Commentaires 3
à écrit le 22/03/2024 à 6:29
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on appelle ces gens là des chefs d'entreprise ? ils plient sous les syndicats et gèrent avec l'argent des 17 000 000 de Français qui paient des impôts sur le revenu .... de plus ils retrouvent un emploi très facilement . Triste pays en voie de sous...

à écrit le 20/03/2024 à 9:30
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En tant que fossoyeur.

à écrit le 19/03/2024 à 20:09
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Ce brillant Monsieur ne se contente pas d'avoir sévi à la SNCF (Brétigny,...). Il faut encore qu'il fasse des "piges" au frais du contribuable INSATIABLE

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