Corse : l’autonomie adoptée, mais le plus dur reste à venir

L’Assemblée de Corse a voté à l’unanimité, moins une voix, la partie du projet de texte constitutionnel qui octroie la capacité d’adapter les lois et à 78% celle qui prévoit un pouvoir législatif encadré. Le président de la République peut désormais saisir le Parlement.
Sauf coup de théâtre, le texte va être confié au Sénat (Photo d'illustration, prise le 23 septembre 2023).
Sauf coup de théâtre, le texte va être confié au Sénat (Photo d'illustration, prise le 23 septembre 2023). (Crédits : © Raphael Lafargue/ABACA)

« Un formidable message d'espoir. » C'est par ces mots que Gilles Simeoni a accueilli le résultat du vote, mercredi peu avant minuit, de l'Assemblée de Corse sur le projet d'écritures constitutionnelles - c'est l'appellation retenue - relatif au statut d'autonomie. Le président du Conseil exécutif, et chef de file de la majorité territoriale nationaliste, a de quoi être soulagé.

Lire aussiL'Assemblée Corse adopte le projet constitutionnel pour une autonomie de l'île de Beauté

L'adhésion a été très large (49 pour, 13 contre et 1 abstention) sur la partie du texte la plus controversée : celle concernant la dévolution à la Corse d'un pouvoir normatif, à savoir une habilitation générale pour adapter les lois, mais aussi pour les produire dans un certain nombre de compétences qui seront ultérieurement définies par une loi organique. Si la réforme constitutionnelle passe l'épreuve des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès à Versailles. Une étape qui n'est pas promise dans un avenir proche.

Quand la pierre angulaire est une pierre d'achoppement

Dans les faits, l'Assemblée de Corse a voté à quatre reprises. Le texte soumis avait été découpé en trois blocs distincts, et chaque bloc a fait l'objet d'un vote, avant une adoption conclusive plus formelle que politique.

Le premier bloc plante le décor : « La Corse est dotée d'un statut d'autonomie au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre. »

Cette partie a réuni l'unanimité des votes, moins un. Mais on peut d'ores et déjà annoncer la couleur : le terme de « communauté » (censé remplacer celui de Peuple corse retoqué en son temps par le Conseil constitutionnel) a des effets secondaires indésirables pour nombre de parlementaires. Certains l'estiment inapproprié en raison de la progression du communautarisme dans le pays. Ce débat sémantique promet à lui seul d'être orageux.

Le deuxième bloc, lui, entre dans le vif du sujet du pouvoir législatif : « Les lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptations justifiées par les spécificités de ce statut (...). La Collectivité de Corse peut également être habilitée à fixer les normes dans les matières où s'exercent ses compétences (...) sans remise en cause des conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti (...) ». Une grande partie de l'opposition de droite a rejeté la perspective de ce pouvoir normatif. Pour autant, le vote favorable a été très majoritaire puisqu'il représente 78% des élus de l'Assemblée de Corse.

Lire aussiCorse : le gouvernement et les élus trouvent un accord pour inscrire « un statut d'autonomie » dans la Constitution

Le ministre de l'Intérieur avait pressé Gilles Simeoni d'obtenir le plus large consensus possible. On peut estimer la mission accomplie. « Ce serait le comble de l'hypocrisie si Gérald Darmanin faisait la fine bouche alors qu'il appartient à un gouvernement qui utilise le 49.3 à tour de bras », glissait ironiquement un élu. Ce paragraphe constitue à la fois la pierre angulaire du statut d'autonomie et la pierre d'achoppement, particulièrement pour la majorité sénatoriale peu encline à tendre une oreille accommodante à Gilles Simeoni qui a vu dans ce vote « un moment démocratique extrêmement puissant. » À bon entendeur...

Enfin, le troisième bloc est dédié à la consultation référendaire des Corses : « Les électeurs (...) peuvent être consultés sur le projet de statut (...) ». Là encore, unanimité moins un suffrage, le même qu'auparavant, celui d'une élue indépendantiste.

La patate chaude remise à l'Élysée

Le vote final concernait, cette fois, le projet d'écritures constitutionnelles dans sa globalité. Il a suscité le même élan unanime et provoqué un sentiment d'incrédulité sur l'attitude présumée contradictoire de l'opposition de droite. Contacté par La Tribune, son leader, Jean-Martin Mondoloni tient à lever toute ambiguïté :

« La dernière délibération était de pure forme. Elle visait administrativement à prendre acte du texte adopté dans les conditions de vote retenues. Celles-ci ont permis précisément de mettre en évidence mon opposition et celle de 80% des membres de mon groupe à l'octroi d'un pouvoir législatif. »

Lire aussi« La Corse autonome aura l'habilitation à adapter les textes législatifs » (Laurent Marcangeli, député Horizons)

Le processus inhérent à l'évolution institutionnelle de la Corse, c'est un peu comme une pièce de théâtre. Le prologue, qui a duré deux ans, a débouché sur le projet de texte constitutionnel, coproduit entre le gouvernement et les élus de la Corse. La droite corse, à l'image de Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l'Assemblée nationale, a eu le beau rôle de faire des concessions.

Emmanuel Macron, qui s'était hissé aux premières loges pour amorcer le processus d'une « autonomie à la Corse » - ce sont ses propres mots - va dire si la rédaction votée par la Corse lui convient. Sauf coup de théâtre, le texte va être confié au Sénat. Des bruits de coulisses aux tirades cinglantes, une machinerie méphistophélique va se mettre en scène entre vaudeville et drame shakespearien.

Désormais sous les feux des projecteurs, Gilles Simeoni, les députés nationalistes et leurs relais parisiens vont prendre leur bâton de pèlerin. Ils vont tenter de convaincre, surtout les « Harpagon » du pouvoir législatif au Palais du Luxembourg, que ce statut est le fruit mûr d'un consensus politique avec Paris et entres élus insulaires, d'une volonté des Corses réitérée dans les urnes et constitue une chance de paix civile durable. La tâche est ardue...

Commentaires 4
à écrit le 29/03/2024 à 21:49
Signaler
Et personne n'a eu l'idée de faire un référendum régional pour savoir si les Corses sont d'accord pour qu'on leur impose ("on", ce sont les élus de la collectivité de Corse qui n'ont pas reçu de mandat du peuple pour le faire et le gouvernement Macro...

à écrit le 29/03/2024 à 14:12
Signaler
Totalement indépendants ! Plus un euro de France.

à écrit le 29/03/2024 à 8:50
Signaler
Une fois indépendants voudront ils encore payer deux départements et une région pour si peu de monde ?

à écrit le 29/03/2024 à 7:34
Signaler
Adieu la Corse. Le Haïti de la méditerranée est en voie de constitution.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.