La domination technologique américaine remise en cause ?

Par Jean-Daniel Tordjman, Ambassadeur aux pôles de compétitivité.

Le leadership technologique américain est, depuis soixante ans, une donnée parfois contestée, mais permanente. La prééminence américaine est forte en armements, dans l'industrie pétrolière, en biotechnologies, dans l'Internet, matériels et logiciels, dans les nanotechnologies et la pharmacie. Elle est partagée en aéronautique, espace, nucléaire, cosmétiques, en ingénierie industrielle et en chimie, mais aussi en robotique. Les états-Unis ne sont plus leaders en automobiles, les trains ? sauf diesels ?, l'eau, l'électronique grand public, la mécanique et le BTP.

La crise financière menace-t-elle cette domination technologique ? L'impact en est direct sur les résultats des entreprises, la situation des fonds de pension, la situation des universités du fait des difficultés des États. Et nombre d'entreprises de pointe ? Intel, Microsoft, Cisco, Boeing ? sont obligées de licencier. Sans oublier que les fondations universitaires voient leurs actifs fondre, d'au moins 30 %, même si leur montant reste sans équivalent dans le monde : 25 milliards de dollars à Harvard, 7 milliards au MIT. Et personne ne sait comment seront financés les guerres en Irak et en Afghanistan, le plan de relance, le sauvetage des banques.

Mais les États-Unis "changent d'époque", et l'administration Obama attaque sur quatre fronts pour retrouver son leadership : elle va appliquer la "révolution numérique" au système informatisé de santé ; doubler les crédits de R&D sur dix ans et redéployer une partie des 80 milliards de dollars des crédits défense ; soutenir les nanotechnologies, biotechnologies et énergies renouvelables ; et mettre en place de façon accélérée un réseau à haut débit.

En définitive, la position américaine dépendra de quatre facteurs. L'écosystème américain est le plus performant pour transformer les découvertes en entreprises à forte croissance. L'ambition de créer des entreprises mondiales y est forte, comme les moyens : le capital-risque américain est trente fois plus fort que le français. Ensuite, le doublement des crédits recherche, s'il est effectif, consolidera la position américaine, qui abrite 40 % des recherches mondiales et 50 % des brevets : le budget de l'Institut national de santé en biotechnologies-santé (30 milliards de dollars) est trente fois supérieur à celui des meilleures institutions européennes. Les investisseurs américains, également, ont compris que l'immobilier et la Bourse sont plus risqués que l'innovation technologique. Enfin, l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération "lettrée en ordinateurs" à la Maison-Blanche permettra de faire passer des messages à l'opinion. Si l'arrivée d'Obama laisse espérer que l'Amérique reprendra son leadership, elle aura néanmoins fort à faire face à la concurrence asiatique.

Entre l'aigle américain et le dragon chinois, quelles sont les chances de l'Europe et de la France ? Elles sont plus fortes qu'on ne le pense. La France est un des pays les plus créatifs au monde en art comme en science. Notre faiblesse est la transformation des découvertes scientifiques en produits pour le marché mondial. Les pôles de compétitivité travaillent avec succès en ce sens. Après les phases de création et d'évaluation, il faut organiser aujourd'hui leur montée en puissance. Les crédits de 500 millions d'euros par an pour les 71 pôles, suffisants pour la période de lancement, ne sont plus à la hauteur des enjeux. Le Cercle des économistes propose de les décupler. En nanotechnologies comme en énergie, une forte augmentation est indispensable. C'est l'investissement nécessaire pour créer les emplois de demain et montrer aux Français que, derrière la crise, il y a encore l'espoir d'un monde meilleur.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Beau programme, mais qui ne pèse pas lourd dans la situation mondiale actuelle ou des pays comme la Chine qui pratique encore l'esclavage avec des salariès qui travaillent 15 h par jour, 7 jours sur 7. Il faut donc d'abord harmoniser les législation...

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