Apple et les impôts : le grand n'importe quoi de la commission de Bruxelles

Sur le dossier Apple, la commission européenne patine. S'il y a un endroit où la firme devrait payer des impôts, ce n'est pas en Europe, mais aux États-Unis. Par Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris Sud – Université Paris-Saclay.

Aux manettes, la Commission européenne, avec la gâchette des aides illégales d'État. En coulisse, Pierre Moscovici souffle le chaud et le froid : d'un côté organisant, via Twitter, sourire en coin, la rumeur pour donner à penser qu'il pourrait avoir joué un rôle derrière les 13 milliards ; de l'autre, faisant publiquement part de son souhait que les négociations sur le TAFTA se poursuivent.

Des arguments pour Apple

Dans ce contexte, à choisir et au risque de faire hurler la bonne conscience éditoriale du journal Le Monde, on opte plutôt pour le camp d'Apple et de sa ligne de défense, imparable. On a nos raisons.

Plutôt que de taxer les profits d'une multinationale américaine, on aurait préféré et depuis longtemps des amendes pour les banques européennes en général, et françaises en particulier.

Plutôt que de « conceptualiser » des « aides illégales » d'un pays de l'Union pour une entreprise américaine, on aurait préféré voir nos commissaires et parfois anciens ministres se pencher sur les immunités des initiés des équipes de direction de nos fleurons nationaux passés par nos cabinets ministériels.

Et laisser aujourd'hui un pauvre magistrat d'une cour d'appel versaillaise se débrouiller sans moyens de la réécriture d'une crise française, c'est un peu fort de café comme dirait l'inspecteur Harry.

Un raisonnement stratégique élémentaire

On notera qu'un raisonnement stratégique élémentaire aurait probablement dû conduire à s'abstenir. La probabilité est quasi nulle de parvenir à imposer quoi que ce soit tout simplement parce que nous ne sommes pas les États-Unis. Parce que l'Europe quoiqu'elle en rêve n'a ni le dollar, ni l'autorité, ni la puissance du continent américain. Parce que là-bas, on se méfie - à raison... ? - des ceux qui qui n'ont jamais démontré comme capacité réelle de création de valeur que celle de savoir composer avec les méandres des partis politiques issus de nos vieilles aristocraties.

Si Apple paye un jour plus d'impôts, ce sera très probablement d'abord aux USA. On peut toujours se faire plaisir à imaginer autre chose, mais c'est bien comme cela que cela risque d'abord de finir. Et sincèrement, ce ne sera que justice managériale : parce que c'est d'abord à une certaine culture américaine de la gagne et du « comment créer de la valeur ? » plutôt que du « contestons les règles du jeu de ces parties que nous perdons toujours » que l'on doit la dynamique d'une formule de croissance stratégique.

Sur l'Europe, les milliards d'Apple et la débilité stratégique

Souvenons-nous en effet que si on hurle aujourd'hui contre les maigres impôts payés par Apple, c'est d'abord en raison de l'immensité de ses gains. Et ceux-ci ont une origine : avoir remporté avec maestria la mère des batailles, celle-là même qui a été perdue par le jeune espoir dans lequel l'élite française avait mis ses rêves américains. Puisque la réussite d'Apple, ce n'est jamais que le terrible effet miroir du naufrage de Jean-Marie Messier et de cette Compagnie Générale des Eaux devenue Vivendi. Impressionnant d'ailleurs, avec le recul, de noter combien le génie stratégique s'activait alors que nous étions pourtant en pleine crise de la net economy qui allait emporter le navire Vivendi et son capitaine.

Conclusion d'une chronique qui ne mérite pas d'être plus longue : on est loin, plus loin sans doute que jamais d'un début de projet européen. En effet, la nouvelle doctrine fiscale de la commission européenne qui fonctionne désormais sur base rétroactive ne doit pas faire illusion : après avoir tant œuvré à ne rien faire, il n'est que pure logique que l'on en vienne à faire n'importe quoi.

C'est dommage, car l'enseignement de la recherche en gouvernance d'entreprise et management stratégique sur cette question est limpide et, lui, sans appel : quand on veut donner des leçons il faut commencer par démontrer la qualité première de savoir faire le ménage chez soi. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'entre l'affaire des émissions chez Volkswagen, des milliards crapuleux de BNPP, des dérives de Deutsche Bank, des pieds dans les tapis scandales de non bis in idem" dans les affaires EADS et/ou Société Générale, le choix est embarrassant du nombre d'ardoises « unicreditiennes » à solder dans la maison commune avant de songer à aller ainsi agresser plus fort que soi.

Alors terminons avec une proposition iconoclaste. Puisque que des années plus tard, les lyrics du rappeur Delamarche n'ont toujours pas pris une ride, pourquoi pas plutôt la possibilité de class actions » des contribuables européens contre leurs « représentants » - élus ou nommés, à la commission ou ailleurs - voire contre certains de leurs fleurons industriels nationaux, Commissaire Moscovici ?

The Conversation________

Par Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris Sud - Université Paris-Saclay.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Commentaires 12
à écrit le 19/09/2016 à 18:26
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Monsieur Denis, Une fois que vous avez écrit ça... que proposez-vous ?... De ne rien faire peut-être ?... Pour les entreprises que vous citez, en l'occurrence VW, BNP Paribas et Deutsche Bank, nous n'avons pas fait le ménage chez nous, mais ce ...

à écrit le 19/09/2016 à 10:38
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ah, encore un qui trouve la concurrence déloyale normale. Pourtant c'est simple: Apple et l'irlande ont été épinglée pour avoir discriminer les autres entreprises au profit d'apple. Si l'irlande veut appliquer 1% d'impot sur les societés, c'ets son d...

à écrit le 15/09/2016 à 13:51
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Ce n'est pas la Commission qui patine, c'est le gouvernement US qui, en gros, a reproché à celle-ci d'avoir fait le travail qu'il n'a pas eu le courage de faire...

à écrit le 14/09/2016 à 12:59
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Tiens tiens, comme c'est bizarre!!! Encore un article en faveur des pauvres actionnaires d'APPLE (sniff.... j'ai envie de pleurer). Après la sortie qui sent le Sapin de notre cher ministre des finances et de l'économie, qui ne veut pas réclamer...

à écrit le 14/09/2016 à 4:47
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Si tous les profs s'expriment ainsi avec des analyses aussi peu documentées et aussi creuses on comprend la chute des universités dans les classements mondiaux ! A moins que ce ne soient les conséquences de symptômes d'Alzheimer...! D'autres exemples...

à écrit le 13/09/2016 à 22:43
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Résumé de l'article: 1er argument: Apple a une ligne de defense imparable point. 2e argument: les américains sont les plus forts donc si vous trouvez une faille dans la ligne de défense d'Apple, ça ne changera rien au fait qu' Apple a raison 3e ...

à écrit le 13/09/2016 à 19:36
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Je ne réagis pas souvent mais cette tribune est vraiment sans queue ni tête ... Par exemple : puisque ce sont les USA les plus fort et que l'UE est si faible surtout empressons nous de ne rien tenter pour essayer de corriger ça ? C'est bien le ra...

à écrit le 13/09/2016 à 13:14
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Un espace en or pour une tribune an carton. Quel gâchis ! Mis à part le fait que vous mélangez tout et n'importe quoi, vous passez surtout à côté du coeur même de la problématique de l'amende Apple : l'égalité de tous face à l'impôt, et un sévère ...

le 13/09/2016 à 19:08
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Merci pour votre commentaire. Vous m'évitez l'écriture du mien.

le 18/09/2016 à 4:48
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Je vous remercie pour votre commentaire que je partage entièrement. Ce lobbying américain devient pénible. Et si encore il était intelligent et argumenté. L'auteur de cet article donne une piètre image de l'université Paris Sud.

à écrit le 13/09/2016 à 12:37
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ghnvn

à écrit le 13/09/2016 à 12:22
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Ou comment nuire à la réputation de son institution en étalant des inepties...

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