Epargner pour épargner les retraités

Les mesures prises par le gouvernement vont réduire le pouvoir d'achat des retraités. Elles posent à nouveau la question de la pérennité du système actuel par répartition et la nécessité d'explorer de nouvelles pistes. Par Nicolas Marques et Cécile Philippe, Institut économique Molinari (*).

Certains se demandent si les retraités sont devenus une cible de choix pour le nouveau gouvernement et jusqu'où cela ira. L'exécutif a annoncé plusieurs réformes de nature à pénaliser leur niveau de vie : augmentation de la CSG, non déductibilité de cette hausse au titre de l'impôt sur le revenu, mise en place du Prélèvement forfaitaire unique sur l'épargne, durcissement de la fiscalité sur l'assurance vie... La succession d'annonces négatives est de nature à générer un sentiment anxiogène chez nos ainés. Elle donne lieu aussi à une tentation, classique : analyser en termes superficiels un sujet économique et sociétal de fond. Car nous savons tous qu'au gré des alternances, les pouvoirs publics organisent la réduction du pouvoir d'achat des retraités. L'enjeu est davantage de savoir à quel rythme, avec quelles marges d'anticipation et surtout avec quelles échappatoires.

Le besoin d'un cadre fiscal stable

Ces questions sont particulièrement importantes pour les retraités. Ils constituent une catégorie de la population doublement dépendante des décisions publiques, modifiant à la fois leurs charges et leurs recettes. En retrait de l'activité économique productive, les retraités ne peuvent pas amortir les hausses de prélèvements obligatoires de la même façon que les actifs. Dans leur situation, pas question de chercher à faire des heures supplémentaires, à négocier une augmentation de salaire ou à changer de travail... c'est trop tard pour eux. Ils n'ont plus d'autre marge d'ajustement que de baisser leurs dépenses pour faire face aux hausses d'impôts. Voyager moins, passer de la maison à un appartement, partir dans un pays du sud, chercher un job, voilà leurs échappatoires. C'est pourquoi les retraités ont particulièrement besoin d'un cadre fiscal stable. Ils ont fait leurs calculs économiques il y a bien longtemps et craignent, plus que tous, les hausses d'impôts.

Les retraités français sont aussi particulièrement dépendants des pouvoirs publics en termes de revenus. Comme le souligne le Conseil d'orientation des retraites, « la France se singularise par le fait que les 'transferts publics' (au premier rang desquels figurent les retraites obligatoires par répartition) représentent l'essentiel des ressources des ménages âgés de plus de 65 ans ». La plupart de nos retraités sont pénalisés par un manque d'épargne retraite, collective personnelle. On se souvient que notre système social a été reconstruit au milieu du siècle dernier autour d'une primauté de la répartition, à une époque où l'on dénombrait près de 3 enfants par femme. Ce choix est devenu mécaniquement pénalisant avec moins de 2 enfants par femme (1,93 en 2016) et une croissance faible.

Un vrai cercle vicieux

La répartition consomme chaque année de l'ordre de 14% du PIB, pris aux actifs pour financer les retraités. Elle est devenue un problème dans la mesure où elle génère une fiscalité excessive, chaque euro distribué devant être pris à quelqu'un d'autre. D'où des prélèvements plus élevés qu'en capitalisation, des régimes recevant des cotisations bien moindres (de l'ordre de 30 ou 40 centimes) dégageant à terme ce même pouvoir d'achat. D'où l'importance et la crispation autour de nos cotisations sociales, contribuant à la persistance d'un chômage élevé. Un vrai cercle vicieux.

Les réformes des 20 dernières années, visant à contenir les dépenses, ont réduit l'intérêt de la répartition. La démarche la plus efficace en la matière a été l'indexation des retraites sur les prix, au lieu des salaires. En 2010, elle permettait de réduire les dépenses de retraite de 1,2 % du PIB (alors que les autres modifications opérées depuis 1993 représenteraient une économie de 0,8 % du PIB). Les projections de l'INSEE montrent qu'elle permettrait d'économiser entre 4 et 6 % du PIB en 2060, plus que toutes les économies résultant des modifications d'autres paramètres (recul de l'âge de la retraite...). Cette modification des règles d'indexation appauvrit mécaniquement les retraités par rapport aux actifs, ces derniers bénéficiant d'augmentations de salaires supérieures à la progression des prix. En 2060, la pension de retraite moyenne représenterait entre 48 % et 57 % du salaire moyen, contre 66 % aujourd'hui. Des chiffres qui devraient conduire à considérer avec précaution les éléments de langage présentant les retraités comme relativement "nantis", avec des revenu réels représentant environ 105 % de ceux des actifs.

Depuis 2005, le régime général fonctionne grâce à l'endettement

En parallèle, nos gouvernements ont laissé dériver notre système de retraite, en sortant de l'épure que constitue la répartition. Le régime général a pris l'habitude de fonctionner grâce à l'endettement depuis 2005. Une anomalie par rapport aux régimes de base étrangers par répartition, Etats-Unis en tête, qui avaient pris soin de constituer des réserves.

C'est pourquoi, au-delà des mesures d'ajustement fiscales, le nouveau gouvernement compte refondre le fonctionnement du régime général, en adoptant un fonctionnement par points facilitant l'équilibrage des comptes. Au lieu de faire face à des ajustements brutaux, ce type de mécanisme permet - au fil de l'eau - d'ajuster les dépenses (les pensions) aux rentrées (les cotisations). Notons que ce n'est qu'un mécanisme de gouvernance du rationnement, visant à répartir la pénurie avec moins d'à-coups. Cette réforme ne résoudra en aucun cas le problème posé par la baisse de la fécondité dans une contexte de sous-développement français en épargne retraite. L'Agirc et l'Arrco fonctionnent avec des points et cela n'a pas empêché l'érosion de leurs prestations, érosion qui s'accélère avec l'assèchement de leurs réserves.

Le risque d'amplifier les clivages et les crispations

Plus que jamais l'enjeu sociétal est de donner la possibilité aux actifs d'aborder la retraite avec le matelas d'épargne leur permettant d'arrêter de travailler sans craindre des lendemains qui déchantent. Espérons que le gouvernement ne fera pas l'impasse sur cette problématique de fond. La solution ne viendra pas de jeux de bonneteau ou mistigris entre actifs et retraités, de tentatives d'optimisation de la répartition du fardeau entre les uns et les autres. Bien au contraire, ces ajustements risquent d'amplifier les clivages et les crispations. L'enjeu est de permettre au plus grand nombre de capitaliser pour la retraite, en garantissant notamment une fiscalité la plus avantageuse pour les solutions d'épargne existantes ou à venir.

(*) Nicolas Marques est chercheur associé

Cécile Philippe est directrice générale de l'Institut économique Molinari

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Commentaires 18
à écrit le 14/03/2018 à 8:01
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Augmentation de la CSG de 1,7 % mais de plus cette ponction supplémentaire sera de la CGS non déductible donc les retraités vont payer de l’impot Sur le revenu sur des non rentrées d’argent. UN VRAI SCANDALE

à écrit le 20/09/2017 à 13:18
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A partir du site impots.gouv "CALCUL DE L'IMPOT 2017 SUR LES REVENUS 2016" je viens de faire 2 simulations à partir de 2 situations fiscales strictement identiques (17300 Euro de revenu annuel , célibataire, sans enfants, sans aucune charges déductib...

à écrit le 19/09/2017 à 11:28
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Deregulez a fond le marche du VTC. Acceptez UBER et compagnie, les retraites qui ont du temps et souvent une voiture pourront rouler et etre remunere pour !

à écrit le 19/09/2017 à 10:15
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L'individualisation détruit une communauté, et la meilleur manière, c'est de remplacer les liens par l'argent!

à écrit le 19/09/2017 à 9:28
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Encore des étirements d'utopies de cerveaux formatés à l'économie virtuelle. Aucune pensée universelle sur la quintessence humaine, rien que de la pensée centrée sur l'unité personnelle. Le problème des retraites et couvertures sociales existe et a...

à écrit le 19/09/2017 à 8:40
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Dans une economie ouverte, chacun est libre de cotiser pour ses vieux jours comme il l'entend. Une base est convenue pour tous et un % est applique en fonction du salaire declare. En France on pretend payer une retraite cotisee alors qu'il est clair ...

à écrit le 19/09/2017 à 8:20
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.... et la "perenité " de la répartition des richesses , elle est assurée ??? Avec Micron certainement , elle va mème etre "optimisée !

à écrit le 19/09/2017 à 7:42
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Mais quand les Français arriveront ils à comprendre que "travail" et "énergie" c'est la même grandeur? Il faut répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie. (Une taxe sur l'énergie pour financer les retraites). Voir la note n°6 du CA...

le 19/09/2017 à 8:22
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bla bla bla ! ....". faut'qu'on y'a qu'a " ..... c'est la répartition des richesses qu'il faut revoir mais a moins d'une révolution on voit mal comment !

à écrit le 18/09/2017 à 22:53
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Si vous avez un niveau 100 de retraites à verser, peut importe la manière dont il est prélevé : que les 100 soient pris par répartition ou capitalisation, il y aura toujours 100 pris sur l’économie. A moins que l’objectif ne soit PAS que les 100 soie...

à écrit le 18/09/2017 à 20:10
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La phase que nous traversons n'est pas la pire, puisque beaucoup de changements de dispositifs ne s’appliqueront que dans le futur, de manière graduelle ou par à-coups. Ce qui fait que les retraités actuels ne sont pas ceux qui sont les plus pénalisé...

à écrit le 18/09/2017 à 19:43
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"Une anomalie par rapport aux régimes de base étrangers par répartition, Etats-Unis en tête, qui avaient pris soin de constituer des réserves".: Prêt au gouvernement US les réserves sont assises sur des créances envers l'´´etat. "On se souvient que ...

à écrit le 18/09/2017 à 19:40
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Vous ne pouvez pas retirer votre actualisation? Vous avez encore détruit un commentaire. ècrire un commentaire fondé sur des faits prends du temps ou les commentaires doivennt-il être rédigés à la va-vite.

à écrit le 18/09/2017 à 19:08
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quand le regime complet sera en retraite, ce qui ne devrait plus trop tarder apres la fusion de la carpe et du lapin en quasi faillite, l'etat s'assiera copieux sur l'argent des contribuables, l'immobilier, l'assurance vie..... c'est deja dans les c...

à écrit le 18/09/2017 à 17:21
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"La répartition consomme chaque année de l'ordre de 14% du PIB, pris aux actifs pour financer les retraités" ! Mais qu'ont donc fait les gouvernements successifs des cotisations ? Dans la mesure où les babyboomers étaient nombreux, on parle de fortes...

à écrit le 18/09/2017 à 17:09
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Article pas tres coherent. Au debut on va faire pleurer margot avec ces pauvres retraites victimes de hausses d impots et qui ne peuvent pas reagir (essayez de demander une augmentation a votre patron car les impots ont augmentes pour voir si ca marc...

le 19/09/2017 à 12:15
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@cd: il est évident que ceux dont l'entreprise ne peut se passer auront une augmentation s'ils la méritent (peuvent la justifier). Quant aux grandes gueules qui nous disent, si ça continue "je pars", on sait bien que c'est de la parlotte uniquement e...

à écrit le 18/09/2017 à 16:45
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Allez voir la fiche Wikipedia sur L'Institut Molinari ... et vous serez éclairés sur les fondements très intéressés de cet article ! (J'espère que La Tribune publiera cette opinion personnelle ...)

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