FIFA  : Infantino super Blatter

Le président de la FIFA, Gianni Infantino, fait en sorte que son organisation se shoote à un mix entre audience boostée, business et influence diplomatique. Par Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a

La Fifa l'a voté "à l'unanimité"  mardi 10 à Zurich : de 32 équipes et 64 matchs actuellement, la Coupe du Monde de football passera à 48 équipes et 80 rencontres en 2026. Si cette réforme était dans son programme de campagne présidentielle, en résumé : Gianni Infantino et la FIFA se shootent à un mix qui veut booster l'audience, le business et l'influence diplomatique de la FIFA, et qui protège la position actuelle et assure une réélection presqu'assurée au Président de l'après Blatter.

Un Sepp Blatter définitivement mis à la retraite, dépassé mais surtout pas renié puisqu'il avait initié cette approche mixant audience sociétale globale, business mondialisé et intelligence diplomatique collant aux nouveaux rapports de force d'un monde multipolaire. Avec lui la FIFA répartissait les cartes entre les principales puissances qui font le ballon rond à l'échelle mondiale. Infantino s'ajuste aux nouvelles émergences géopolitiques qui sont celles aussi du football global. Il affirme, sans fard, l'hégémonie de la FIFA sur l'ensemble de la planète foot, et celle du football sur l'ensemble de la planète sport.

Une perte de position de l'Europe et de l'UEFA

Amérique du Nord et USA, Asie et Chine, Amérique du Sud et Afrique sont les grandes géographies gagnantes ... Si la répartition définitive est remise à plus tard, les premières projections indiquent une perte de position de l'Europe et de l'UEFA au profit de toutes les autres confédérations. L'Asie pourrait qualifier jusqu'à 9 équipes, contre 5 aujourd'hui. L'Afrique et ses 54 pays seront mieux lotis qu'avant avec 9 nations qualifiées contre 5 aujourd'hui. Mieux encore, l'Amérique du Sud disposerait de 7 pays qualifiés sur 10 membres. Suit la confédération des Amériques du Nord et centrale avec 6 qualifiés ... Entre football religion avec l'Afrique et l'Amérique du sud, et football business d'Asie, entre Chine et pays du Moyen Orient les objectifs sont clairement affichés. Et surtout certains pays et en particulier USA et Chine seront quasi certains d'être qualifiés ...

640 millions de dollars en plus pour la FIFA

Un rapport « confidentiel » de la FIFA diffusé aux seules 209 associations membres estime à 640 millions de dollars les gains supplémentaires qu'apporterait un tel changement par rapport aux prévisions pour l'édition russe de 2018 pour 32 équipes. Mieux les revenus des droits télé progresseraient eux de 505 millions de dollars et ceux du marketing de 370 millions ! Jackpot assuré pour la Fifa et ses à ses partenaires. Car cette croissance euphorisante du business ne rapportera pas qu'à la seule FIFA.

Exemple central, Wanda Group, le géant, chinois, de l'immobilier s'est acheté en 2015, pour 1,05 milliard d'euros, la société suisse de marketing sportif Infront, qui commercialise notamment les droits de retransmission de la Coupe du monde de football. Le boss du groupe, le milliardaire Wang Jianlin l'assumait, cette acquisition  « permettra de relever le niveau du football chinois et d'appuyer les candidatures de la Chine pour organiser des manifestations internationales». La Chine veut la Coupe du Monde de 2026 ou 2030 mais ne s'intéresse pas seulement au foot et à la Fifa. Le CIO est aussi en ligne de mire avec le projet chinois d'organisation des Jeux Olympiques d'hiver à Pékin. Infront, donc Wanda, gère aussi les droits de plusieurs influentes fédérations de sports olympiques d'hiver.

Hausse des coûts d'organisation

Officiellement pour que les coûts d'organisation ne s'envolent pas, la compétition se disputera toujours sur 32 jours et dans 12 stades, comme en Russie en 2018. En réalité, lesdits coûts vont eux aussi fortement augmenter. Déjà très lourds, demandez au Brésiliens ce qu'ils en pensent, rares sont les pays à pouvoir les assumer. Avec une telle réforme, la liste va encore se rétrécir : peut-être moins de 10 pays et en particulier les prochains blockbusters de la planète Football, la Chine et les USA. Pour les autres, ils n'auront qu'à se regrouper pour tenter de partager les coûts. Sans prendre trop de risque on peut imaginer que la Chine et les USA se partageront les 2 prochaines éditions à « vendre » en 2026 et 2030.

Il y a aussi une élection en 2019 pour la prochaine présidence de la FIFA. On peut sans faire de mauvais procès estimer que Gianni Infantino fait là aussi une très belle opération électorale. Cette réforme qui concilie aussi bien les voix des plus puissants pays que celles des plus petits, permet à Infantino et la FIFA d' échapper à l'opération américaine de nettoyage à l'origine du « FIFA Gate » qui a éliminé Blatter, Platini et bien d'autres. Une « purification » engagée depuis leur « incroyable » défaite face au Qatar pour l'organisation de la Coupe du monde 2022 dont on comprend un peu mieux la pause observée depuis plusieurs mois. La réforme élargit enfin sa majorité politique personnelle et lui assure quasiment un nouveau bail présidentiel en 2019.

Rythme accéléré pour les joueurs

Côté sportif, puisque le Football est un sport, rappelons le, cette formule qui sera opérée dans un temps similaire à l'épreuve à 32, promet un rythme accéléré, moins de temps de repos pour les joueurs, déjà éprouvés par de longues saisons, et pire une iniquité de calendrier assumée entre les équipes au cœur des poules de premier tour.

Prochaine étape de la stratégie Infantino : transformer la Coupe du monde des clubs en un vrai tournoi mondial annuel à 32 équipes en 2019 ! La reine des compétitions de clubs, son altesse l'européenne Champions League serait balayée ! Et les caisses de la FIFA seraient débordantes et Gianni définitivement réélu.

*Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 16/01/2017 à 15:54
Signaler
Une gigantesque mascarade, à tel point que même les émissions sportives dans lesquelles pourtant on ne peut pas dire que l'activité intellectuelle soit particulièrement mise à contribution, en parlent beaucoup et le déplorent fortement. Mais c'es...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.