Industrie européenne : décarboner ou disparaître

OPINION Imposer à tous les acteurs les mêmes règles du jeu sur le marché carbone... y compris  à l'importation. Tel est l'objectif du Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières  (MACF). Cette « frontière carbone » doit être améliorée et son efficacité renforcée d'ici  à son entrée en vigueur en 2026. Mais elle est aussi la meilleure solution pour  décarboner l'industrie européenne tout en se protégeant du dumping climatique. Par Bruno Pillon, président de France Ciment
(Crédits : DR)

L'Union européenne ambitionne de réduire de 55 % ses émissions à horizon 2030, et de  90% en 2040 (par rapport à 1990). Pour les acteurs industriels soumis au marché  carbone européen (ETS ou SEQE) un marathon est engagé avec des investissements  historiques, impliquant de repenser leur modèle industriel et économique.

Face au défi climatique, l'Europe doit promouvoir et protéger son modèle  pionnier de décarbonation

Pour défendre la compétitivité européenne face aux concurrents hors UE n'ayant pas  à supporter le même coût carbone, les « quotas gratuits » avaient été mis en place.  Ce système ne joue plus à plein son rôle protecteur et l'effet incitatif de la tarification  carbone sur le déclenchement des investissements dans la décarbonation est  beaucoup trop limité.

Le défi climatique ne tolère pas le statu quo. Ce n'est pas une option audible.

Aussi une concurrence saine et équitable doit-elle être organisée pour encourager les  investissements nécessaires à la décarbonation. La frontière carbone apporte une  réponse concrète. Dès 2026, une taxe carbone sera appliquée sur les produits  importés - équivalente au prix du CO2 supporté par un produit fabriqué en UE.

La question n'est plus de savoir SI mais OÙ il faut investir dans la décarbonation

La question n'est en réalité pas vraiment de savoir SI on doit agir pour la décarbonation mais plutôt OÙ l'on va investir pour des procédés industriels plus  durables. Et sur ce point, une vraie course contre la montre est engagée avec une  compétition bien réelle entre l'Union européenne et d'autres zones du monde comme  les États-Unis ou la Chine pour capter les investissements dans la décarbonation.

L'Union européenne s'est fixé pour objectif d'être le premier continent "zéro émission  nette" de CO2 d'ici à 2050. Pour relever ce défi, le MACF doit être une réussite.

Les acteurs ne peuvent agir sans le soutien de l'État, qui a tout à gagner dans cette  dynamique

La filière française du ciment s'est engagée à réduire ses émissions de CO2 de 50 %  d'ici 2030 et de tendre vers la neutralité carbone en 2050. Nécessaire, urgente, cette  transition s'inscrit dans le sens de l'histoire pour lutter contre les dérèglements environnementaux tout en permettant aux générations futures de pouvoir se loger, se  déplacer, de manière plus sûre et plus durable.

Les acteurs de la filière investissent aujourd'hui massivement pour se décarboner  grâce à un soutien des autorités françaises et européennes - lequel est indispensable.

Comment éviter que les flux financiers ne soient fléchés vers des zones qui n'imposent  peu ou pas de règlementation environnementale ou vers des pays qui offrent des  incitations financières importantes - à l'instar des États-Unis de la Chine ?

En d'autres termes, comment s'assurer que dans 10 ans, il restera encore en France  une industrie du ciment ?

Pour susciter les investissements, pour se décarboner, pour innover en faveur d'une  économie plus durable, deux approches s'opposent. D'un côté l'Europe, qui a fait le  choix de la tarification du carbone. De l'autre, les États-Unis ou la Chine, qui ont choisi  de largement subventionner les entreprises et de soutenir leurs coûts associés aux  process de décarbonation, à commencer par l'énergie.

Nous appelons l'Europe et la France à combiner les deux stratégies : taxation à  l'importation et soutien public au marché intérieur. Les recettes des quotas de CO2 des émissions résiduelles représenteraient, pour le seul périmètre du ciment, 2,9  milliards d'euros en 2034, pour atteindre 9 milliards d'euros en cumulé à horizon 2050  (estimations de France Ciment basée sur la trajectoire de décarbonation du secteur  et la neutralité carbone en 2050). Ces 9 milliards d'euros sont 2 à 3 fois supérieurs à  l'investissement nécessaire à la décarbonation du secteur !

Soutenir le modèle de décarbonation de l'industrie européenne permettra à l'État  de s'assurer des recettes importantes, et de maintenir, en France, de l'emploi, des compétences, des centres de recherche et des sites de production.

Le MACF est un atout majeur pour la transition écologique et industrielle.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 06/05/2024 à 9:00
Signaler
Confiez plutôt la décarbonation à l'agriculture qui nous sera toujours plus indispensable que l'industrie, l'innovation, la publicite et la consommation !

à écrit le 06/05/2024 à 8:31
Signaler
Et surtout c'est un excellent tremplin pour le transport à voiles. Allons chercher les marchés dès maintenant avec un transport 100% neutre en GES ! Allez les réseaux oligarchiques bougez vous nom de dieu ! Ah les assistés... -_-

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.