La grande bascule de l'économie mondiale s'accélère

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la grande bascule de l'économie mondiale s'accélère
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR

Le ralentissement des BRICS

Les grands pays émergents vont mal : brutalité du ralentissement chinois ou encore récession au Brésil et en Chine. Seule l'Inde détonne et encore. Difficile de porter un jugement sur la croissance indienne depuis qu'en janvier 2015, la modification des méthodes de calculs de croissance a tout à coup accéléré cette dernière. Face à ce bloc, les États-Unis tiennent le cap d'une croissance solide et l'Europe monte en puissance. Notre scénario d'une croissance qui bascule des pays émergents vers les pays avancés s'est consolidé au fil des trimestres, à l'exception du Japon. Par grande région, le malaise est très perceptible en Amérique latine notamment à travers l'évolution de ses échanges avec le reste du monde : en dollars, les exportations ont décroché de 20% depuis l'été 2014 pour retomber à leurs niveaux de l'été 2010.

Une primarisation des économies

Et si les exportations flanchent, c'est d'abord à cause de l'effondrement des prix des matières premières comme le montre l'évolution comparée des exports et d'un indicateur global du cours des matières premières. Pas étonnant : les produits agricoles, c'est 60% des exportations argentines, le pétrole 50% de celles de la Colombie, les métaux les 2/3 de celles du Pérou, le cuivre 50% de celles du Chili. Quant aux exportations des produits primaires  (produits agricoles, pétrole et autres) c'est 56% du total au Brésil. Le coup est d'autant plus rude que ces pays n'ont pas profité des années de vaches grasses pour diversifier leurs activités ou se constituer des fonds souverains susceptibles de lisser les à-coups et réduire leur dépendance aux matières premières.

Au contraire, les symptômes de la maladie hollandaise sont flagrants avec à la clé une primarisation des économies. Les revenus extérieurs de l'Amérique latine ont ainsi fondu et c'est le retour de la contrainte externe : encore excédentaire en 2007, le solde courant a viré au rouge depuis, pour plonger à près de - 300 milliards de dollars l'an dernier, soit 4,5% du PIB régional. C'est le pire résultat depuis le début des années 80. Les problèmes de financement s'intensifient et à la crise économique s'ajoutent maintenant des risques politiques comme au Brésil, sans parler du Venezuela... Après avoir évité de justesse de passer en territoire négatif en 2015, le PIB régional reculerait d'environ 1% cette année selon notre scénario.

La Chine importe de moins en moins

Et si l'Amérique latine chute, c'est bien parce que l'Asie trébuche et en son centre la Chine devenu un partenaire commercial incontournable : les échanges ont été multipliés par 20 ces 15 dernières années. En cumul sur 12 mois, ses importations chinoises ont reculé de près de 14% à fin février pour revenir à son niveau de début 2012. Bien entendu, là encore la chute du prix des matières premières est passée par là. De même, il y a de plus en plus de composants chinois dans les produits made in China ce qui limite les imports. Mais si les importations fléchissent, c'est aussi parce que la demande flanche. C'est ce que confirme l'indice des directeurs d'achats (le PMI) du secteur manufacturier, qui depuis août 2015 flirte avec la barre des 50, qui marque la frontière entre expansion et contraction de l'activité illustrant les déboires de l'industrie chinoise. Si ce n'est pas bon pour l'Amérique latine, c'est encore moins bon pour ses voisins asiatiques qui voient s'affaiblir leur principal pôle de dynamisme.

C'est l'ensemble de l'Asie qui ralentit

C'est d'ailleurs en partie pour cette raison que, parmi les pays avancés, seul le Japon ne parvient pas à réellement accélérer et que notre prévision reste bloquée à moins de 1%, bien inférieur aux performances des économies comparables. Pour trouver un brin de dynamisme, il faut aller aux États-Unis. L'économie américaine se rapproche du point de bascule où les créations d'emplois vont mordre sur la formation des salaires et donner un coup de pouce à la consommation et à l'investissement résidentiel. C'est assez pour contrebalancer les vents contraires extérieurs. Plus domestique, la croissance devrait monter en régime et atteindre 2,3% en moyenne en 2016. En Europe, la zone euro entame sa 4e année de croissance, laquelle va gagner en intensité grâce là aussi aux achats des ménages et à la consolidation de la reprise de l'investissement résidentiel. Cela sera suffisant pour porter la croissance à 1,7%, sa meilleure performance depuis 2010. Des pays développés qui s'appuient sur leurs forces intérieures face à des pays émergents fragilisés par la panne du commerce mondial et aux risques politiques, 2016 ne fait que renforcer la grande bascule de la croissance mondiale, une croissance coincée sous les 3%.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 14/04/2016 à 13:55
Signaler
Tout simplement parce qu'on oublie le role de l'énergie. On a le travail, le capital ET l'énergie. L'énergie remplace le travail. Il faut raisonner à niveau constant; si on veut baisser l'un, (le travail) il faut augmenter un autre (l'énergie).

à écrit le 13/04/2016 à 19:57
Signaler
Excellente analyse. Bravo.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.