Pour un commerce indépendant mais uni

Ébranlés par la grande distribution, concurrencés par les zones commerciales de périphérie et malmenés par la crise, les commerçants indépendants seraient-ils condamnés au déclin ? Pour les intervenants du second colloque de l'Institut des centres-villes, une chose est sûre : l'indépendance pure et dure n'a plus d'avenir, l'heure est aux regroupements. Par Franck Gintrand, co-fondateur de l'Institut des Centres-Villes.

Une crise qui n'en finit pas, un pouvoir d'achat qui stagne, des surfaces commerciales qui se multiplient ... Les petits commerçants indépendants de centre-ville ont de plus en plus de difficultés à faire face à la concurrence de la périphérie. Depuis les années 1960, les grandes enseignes ont investi massivement dans des secteurs clés comme la publicité et le marketing, tout en renforçant leur compétitivité-prix par le biais de centrales d'achat et de vente. De véritables mastodontes sont apparus et le commerce indépendant en a beaucoup souffert.

Les zones commerciales de périphérie ont progressivement remplacé la plupart des commerces de proximité et concurrencent désormais directement les centres-villes. Tout le problème pour Pierre-Antoine Desplan, Directeur général adjoint du groupe SOCRI c'est que le déséquilibre centre/périphérie est devenu très difficile à corriger : « le législateur n'a pas réussi à endiguer ce phénomène. Certaines lois, comme la Loi sur la Modernisation de l'Economie, l'ont même aggravé en libéralisant totalement l'urbanisme commercial. Aujourd'hui, on ne peut pas empêcher l'arrivée d'une grande surface au motif que la zone dans laquelle elle s'implante souffre déjà d'une surdensité commerciale.

Il est donc devenu indispensable de reposer la question de la régulation de l'aménagement commercial. C'est primordial pour assurer à moyen terme la survie des commerçants indépendants. En attendant qu'une réforme voie le jour, les élus locaux et les commerçants sont seuls pour préserver l'avenir du commerce de centre-ville ».

Des associations locales pour donner de la visibilité aux centres-villes

En attendant les commerçants se regroupent en associations. Ces associations mettent en place des animations dans les artères principales, mènent des opérations marketing en commun ou encore qui s'organisent pour ouvrir aux mêmes horaires. Les élus aussi ont leur rôle à jouer pour renforcer la visibilité des commerces de centres-villes. C'est notamment à eux qu'il revient de structurer le circuit marchand : éviter que des commerces froids (banques ou agences immobilières) s'implantent dans les axes principaux ; lutter pour que les locaux vacants ne se multiplient pas ; attirer des grandes enseignes nationales qui joueront le rôle de locomotives en cœur de ville et ramèneront les flux de consommateurs en centre-ville.

Dynamisme des réseaux et coopératives

La création d'associations au niveau local va de pair avec les regroupements des commerçants par secteurs. En France, 70% des indépendants font partie d'un réseau, qu'il s'agisse de franchises, de coopératives ou encore de commissions-affiliations. Entre 2003 et 2014, ces indépendants « organisés » ont eu une croissance supérieure de 1 à 2 points à celle des autres formes de commerce, y compris par rapport au commerce intégré.

Pour Richard Vainopoulos, Président du réseau d'agences de voyages Tourcom, « c'est bien la preuve que lorsque les commerçants s'unissent, ils ont un avenir. La raison est simple : ces groupements allient la motivation des indépendants et la puissance du nombre. A titre d'exemple, le groupement volontaire que je préside, Tourcom, fédère 750 agences de voyages indépendantes. Ensemble, nous avons un volume d'affaire supérieur à deux milliards d'€uros par an. Il est évidemment beaucoup plus facile de négocier lorsque l'on a une telle envergure ».


Le rôle central des syndicats professionnels dans l'évolution des métiers


Plutôt que de se battre sur les prix, les indépendants optent pour la montée en gamme et la professionnalisation. Là aussi, les groupements de commerçants indépendants ont un rôle à jouer. Ils permettent de mutualiser les couts de nombreuses prestations : le marketing, l'assistance financière et juridique, la formation des employés ... Ces services de back office permettent aux commerçants d'acquérir une meilleure connaissance de leurs produits et concourt à offrir un environnement sécurisant pour les clients. Un exemple comme celui des buralistes montre que la diversification de l'offre constitue un autre levier et qu'une profession structurée autour d'un syndicat puissant peut jouer un rôle décisif en ce sens.

Dans un secteur aussi réglementé et aussi taxé que celui du tabac, le regroupement va de soi. Alors que les buralistes subissent de plein fouet les effets conjugués de la crise de la presse, de la contrebande du tabac et de la concurrence d'internet pour les jeux à gratter, la Confédération des Buralistes a su saisir l'opportunité d'une diversification de son offre, en devenant partenaire du Compte Nickel. Les buralistes peuvent désormais proposer un nouveau service à leur client : la création et l'ouverture d'un compte bancaire directement en bureau de tabac. Pour Pierre de Perthuis, Associé Co-fondateur de Compte-Nickel, « ce choix offre un véritable relai de croissance pour la profession. C'est aussi et surtout la preuve qu'aucun commerce n'est condamné, pour peu qu'il sache se remettre en question à temps. »

Franck Gintrand
globalconseil.fr
https://lefildelopinion.com/

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