Que peut apporter un réseau social d'entreprise ?

Entamée en 2008, la vogue des réseaux sociaux d'entreprise ne se dément pas. Mais quel est leur apport réel à l'entreprise? Par Bruno Mathis, Engagement Manager, SterWen Consulting

Les premiers réseaux sociaux d'entreprise (RSE) sont apparus en 2008 et, depuis, la vogue de ces outils ne s'est pas démentie puisque 80% des entreprises du CAC40 s'en sont dotés d'un. S'agissant d'un projet transverse, aux bénéfices difficilement quantifiables, faire un premier bilan 5 ou 6 ans plus tard n'est pas inutile.

Rappelons tout d'abord les promesses mises en avant hier, et encore aujourd'hui, par les éditeurs : moins de courrier électronique, moins de réunions, plus de collaboration, plus d'identification individuelle à l'entreprise, plus d'innovation. L'offre technique a même tendance à s'enrichir, mêlant fonctionnalités sociales et bureautiques, objectifs quantitatifs et qualitatifs. Certains « pitches » d'éditeur ressemblent à un inventaire à la Prévert.

 Une offre différenciante?

Pour inciter les collaborateurs à adopter l'outil, les entreprises ont recruté un « community manager » et engagé un gros effort d'animation du réseau. Peu importe si un groupe rassemble les amateurs de pêche à la ligne, l'idée était de créer du trafic et d'installer des habitudes. Et peu importe si encore aujourd'hui plus de la moitié des groupes ouverts sont devenus inactifs, du moment que les autres groupes apportent de la valeur à l'entreprise.

Mais si un RSE ne peut se passer d'animation 5 ou 10 ans après son ouverture, peut-être aussi qu'il ne répond pas à un besoin ou que son offre n'est pas assez différenciante par rapport aux alternatives existantes.

Un tiers des cadres ont déjà leur CV publié sur un réseau social

Une analyse de la typologie des publications postées sur le RSE montre que les deux plus gros contributeurs sont les RH et la Communication Interne. Ces contenus relèvent le plus souvent d'une information descendante, que l'on trouve déjà sur l'intranet. Des outils d'organisation de réunion ou de tenue d'agenda, s'ils ne sont pas déjà intégrés à la messagerie électronique, existent en open source, que les collaborateurs arrivent à utiliser en toute autonomie. Plus d'un tiers des cadres ont déjà leur CV publié sur un réseau social comme LinkedIn ou Viadeo, lequel CV s'avère souvent plus à jour et plus détaillé que sa version sur le RSE. De nombreux documents de source interne sont publiés par le portail documentaire, au côté de documents sectoriels de sources externes (même si le moteur de recherche qui lui est associé manque encore souvent de pertinence).

L'expérience montre aussi que le volume des courriers électroniques ne baisse pas au profit des échanges au sein du RSE. Le courrier permet de véhiculer des instructions tandis que la publication ne touche que les abonnés à un centre d'intérêt. Le RSE ne se substitue pas plus à l'email que la radio au téléphone.

Échanger de façon informelle et transparente?

C'est aussi le pari du décloisonnement qui est ici en jeu. L'idée, séduisante, est qu'identifier une personne susceptible de répondre à une question d'expertise et d'échanger de façon informelle et transparente à travers le RSE est plus efficace et rapide qu'en passant par la voie hiérarchique. Il manque une étude académique pour confirmer si les pratiques évoluent conformément à cette hypothèse. Mais il y a tout lieu d'être prudent : parce que si une entreprise a une forte culture de la hiérarchie, ses collaborateurs peuvent se sentir en risque en échangeant sur le RSE. Le RSE n'apportera pas de solution qui relève du style de management.

L'innovation ne se décrète pas

Une autre idée entretenue par les éditeurs est que le lien social, le partage de connaissance et l'échange informel favorisent l'innovation. Mais le processus d'innovation est une alchimie complexe. Il ne se décrète pas. L'innovation nait quelquefois de la rencontre de gens issus d'horizons différents : ingénieurs, chercheurs, praticiens ; des profils pas tous présents dans une même entreprise. Ou au contraire, elle nait de la rencontre de personnes faisant la même chose, mais avec une forte expertise : c'est le cas des clusters, comme Silicon Valley. A priori, les réseaux sociaux publics (Facebook, Twitter, LinkedIn...) offrent une échelle plus appropriée à l'éclosion de l'innovation que les réseaux sociaux mono-entreprise.

La reconnaissance des talents

En revanche, la reconnaissance des talents (les « j'aime », les « suivre ») est un apport inédit du RSE. Peut-être même le RSE s'avèrera-t-il un excellent ciment du sentiment d'identification à l'entreprise - là aussi, il faut encore quelques années pour en juger.

Il reste que, s'agissant d'un projet « top down », à l'initiative de la direction générale, et non issu de besoins remontés par les métiers, il faut être vigilant et veiller à ce que le budget consacré soit bien proportionné aux bénéfices attendus, fussent-ils qualitatifs. Le RSE doit être focalisé et au moins éviter toute cannibalisation des autres outils existant en interne.

Il y a une direction à explorer, celle de la capitalisation et du partage de connaissances. Ce n'est pas la fonctionnalité la plus mise en avant par les fournisseurs de RSE. C'est pourtant un besoin encore non satisfait, après l'échec des premiers projets initiés au début des années 2000, sous le terme de « knowledge management ». Inviter chacun à contribuer ses connaissances semble facile, mais connaissance publiée n'est pas connaissance partagée. Il faut définir un cadre conceptuel et une méthode. Puis orienter le RSE vers l'ingénierie des connaissances.

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