Quelle empreinte pour nos villes ?

Nul doute qu'à l'heure de l'arrivée de Donald Trump et des incertitudes concernant la continuité des accords pour le Climat de Paris, il est urgent de prendre conscience, avec gravité, de l'immense responsabilité qui repose sur les villes et les territoires, dans l'approfondissement de ce combat.
Chaque jour, les superbes images prises par l'astronaute français Thomas Pesquet nous montrent l'importance prises par les villes sur notre planète. (Photo : le -vrai- selfie de Thomas Pesquet avec, se reflétant dans la visière du casque, une vue de notre planète Terre. Le cliché a été pris lors d'une sortie dans l'espace depuis la Station spatiale internationale, le vendredi 13 janvier 2017.)

Chaque jour, les superbes images prises par l'astronaute français Thomas Pesquet nous montrent l'importance prises par les villes sur notre planète. Elles n'occupent que 2% de la surface de la planète, mais concentrent 50% de la population mondiale, consomment 70% de l'énergie mondiale, sont responsables de 75% des émissions de CO2, et produisent 80% des richesses.

A l'heure où ces images, et bien d'autres, mettent aussi en exergue la vulnérabilité de nos vies urbaines par les effets de la pollution et la fragilité de nos ressources, dans multiples villes dans le monde, des réflexions en profondeur accompagnées d'actions concrètes sont menées pour tenter de changer de paradigme et offrir un autre cadre de vie privilégiant la qualité de vie pour les citoyens en commençant par l'air que nous respirons, mais aussi l'eau, la biodiversité, et toute une chaîne nouvelle d'approvisionnements, de logistique et de manière de vivre dans la ville.

Au rythme de cette urbanisation mondiale accélérée, c'est la santé même des humains, voire leur survie, qui est au cœur et à l'horizon de quelques décennies.

Trump et l'accord de Paris sur le climat

Nul doute qu'à l'heure de l'arrivée de Donald Trump et des incertitudes concernant la continuité des accords pour le Climat de Paris, il est urgent de prendre conscience, avec gravité, de l'immense responsabilité qui repose sur les villes et les territoires, dans l'approfondissement de ce combat. Ceci porte un éclairage plus saisissant sur l'action des maires et des réseaux internationaux de maires qui se trouvent au cœur de la vie dans nos villes et métropoles.

Au-delà du débat sur les choix du mode de transport urbain, et sur l'urgence d'abandonner la voiture individuelle et le moteur thermique, il est essentiel de comprendre qu'il s'agit de changer le paradigme du mode de vie urbain du XXème siècle, et en premier lieu à l'égard de l'empreinte énergétique globale que nous laissons, toutes actions confondues, dans nos territoires. Le GIEC de l'énergie, le « Global Energy Assessment, GEA », précise[1] 4 critères majeurs à cet effet : l'économie géographique urbaine, les modes de consommation,  l'efficience dans la demande finale et la forme urbaine avec ses infrastructures[2].

A l'heure de l'émergence et de la consolidation de la dimension métropolitaine, voire hyper métropolitaine pour l'ensemble des vies urbaines dans le monde, il est impérieux d'avoir un regard lucide concernant les impacts des décisions politiques sur le triplet socio-urbain constitué par la fragmentation spatiale du territoire urbain, la densité de ses constituants et le poids et tendances de sa démographie et de sa structure sociologique.

Enrayer le développement de « métropoles diffuses »

Loin des approches opportunistes, ou des arguments démagogiques utilisés pour contester, par exemple, des mesures indispensables telles la fermeture des autoroutes urbaines et la récupération de ces zones, - souvent en bordure d'eau -pour que les piétons découvrent l'intéraction avec sa bio diversité, une étude scientifique du développement urbain à « haute qualité de vie », croisant les 4 critères cités par le GEA avec le triplet socio-urbain, offre de solides bases d'analyse et de réflexion.

La combinaison de ce qui a été nommé « la vie périurbaine» avec l'automobile, s'est traduit souvent par le développement de « métropoles diffuses », caractérisées par de fortes discontinuités aussi bien spatiales, qu'en terme de densité, ainsi qu'avec de fortes disparités sociologiques. Aggravées par les effets mono fonctionnels, Nord-Sud, Est-Ouest, par l'opposition géographique travail/domicile, contraintes par des modes de vie « consuméristes » et aggravées par l'absence de  zones vertes/repos,  inévitablement c'est la « thrombose urbaine », l'asphyxie de la circulation et les trop -pleins des flux, en particulier de véhicules individuels, devenus un mode de vie à part entière.

Nous sommes confrontés à un double défi : lutter contre une culture de vie dite « périurbaine » vouée à l'automobile comme mode réflexe de transport (en même temps que sur les premières zones dans un rayon de 20 Kms, la fragmentation des territoires s'estompait par le développement urbain), sans avoir offert, en général, en parallèle de cette croissance, une multi modalité « douce » et un polycentrisme fonctionnel.

Ceci nécessite une véritable intervention politique pour décider de la manière dont cette nouvelle compacité qualitative urbaine doit voir le jour. Elle ne peut pas être laissée au libre arbitre du privé ou des promoteurs. Une régulation est indispensable afin de canaliser l'équilibre nécessaire pour offrir une cohérence entre l'espace privé, l'espace public, la bio-diversité et les biens communs, à l'échelle du quartier, de la ville et de la Métropole.

Il est donc urgent de :

  • Encourager la continuité spatiale en assurant en même temps une politique privilégiant la mixité fonctionnelle et le regroupement des diverses activités économiques et des vies.
  • Offrir une approche qualitative indispensable, avec la récupération de l'eau, des cours d'eau, des zones vertes, pour créer de véritables parcs urbains et développer une culture de l'homme en ville.
  • Favoriser la connectivité et retrouver une vie locale, donnant de la puissance à la vie du quartier, qui signifie aussi, développer sa découverte, par la marche, et par les mobilités douces, le vélo en particulier.
  • Faciliter le lien physique et social avec d'autres secteurs pour offrir le mélange et la diversité, implique alors, de mettre en avant les parcours des « communs », sous toutes ses formes, y compris en repensant le mobilier et l'aménagement urbain.

A l'heure de la disparition d'un grand penseur qui a marqué nos esprits, Zigmunt Baumann, à l'origine de la « modernité liquide » voici en hommage, une citation concernant la vie dans nos villes, et l'empreinte culturelle indispensable aussi pour sa transformation :

« La mondialisation ne se déroule pas dans le « cyberespace », ce lointain « ailleurs », mais ici, autour de vous, dans les rues où vous marchez et à l'intérieur de chez vous... Les villes d'aujourd'hui sont comme des décharges où les sédiments des processus de mondialisation se déposent. Mais ce sont aussi des écoles ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 où l'on apprend à vivre avec la diversité humaine et où peut-être on y prend plaisir et on cesse de voir la différence comme une menace. Il revient aux habitants des villes d'apprendre à vivre au milieu de la différence et d'affronter autant les menaces que les chances qu'elle représente. Le «paysage coloré des villes» suscite simultanément des sentiments de «mixophilie» et de «mixophobie». Interagir quotidiennement avec un voisin d'une «couleur culturelle» différente peut cependant permettre d'apprivoiser et domestiquer une réalité qui peut sembler effrayante lorsqu'on l'appréhende comme un «clash de civilisation»... »

Des actions menées dans ce sens pour citer des villes à la pointe de ce combat, du réseau C40 et d'autres, telles Paris, New York, Los Angeles, Chicago, Portland, Seoul, Tokyo, Medellin, Buenos Aires, Sydney, Auckland, Vancouver, Toronto, Montréal, Kigali, Cologne, Chennai, Guangzhou, sont très encourageantes même si le chemin est encore très long.

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[1] « Toward a Sustainable Future », International Institute for Applied Systems Analysis, Cambridge, 2012

[2] A lire également l'excellent rapport préparé par l'Institut des Morphologies Urbaines et Systèmes Complexes, pour la CDC, Nov 2013

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