Précédant les travaux de l'OCDE sur l'évasion fiscale pratiquée par les sociétés multinationales, le sénateur UMP Philippe Marini a enquêté à Bercy pour connaître les pratiques actuelles des groupes français.
Il en tiré deux conclusions, et une proposition de loi, qu'il vient de déposer. Au nom du rétablissement d'une « concurrence non faussée », le président de la commission des finances du Sénat suggère en effet d'agir dans deux directions.
Transferts de fonctions et d'actifs stratégiques dans des pays à faible imposition
Premièrement, il veut mettre fin à l'utilisation abusive des prix de transferts, via la délocalisation de certaines fonctions. « Le premier levier d'optimisation des entreprises multinationales relève des prix de transfert et de la restructuration d'entreprises » souligne Philippe Marini, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi. « Certains groupes transfèrent des fonctions, des risques ou des actifs stratégiques dans des États à faible taux d'imposition, laissant en France des sociétés aux fonctions moins rémunératrices. Pourtant, la réalité économique de ces entreprises demeure généralement inchangée, la rémunération allouée à la France ne correspondant dès lors plus à la richesse qui y est produite. ».
Comment freiner cette tendance ? La solution proposée par Philippe Marini, qui reflète une demande récurrente des hauts fonctionnaires du fisc, consiste à renverser la charge de la preuve. Dès lors qu'une entreprise décidera de transférer des fonctions hors de France, ce ne sera plus au fisc de prouver que cette opération a un but fiscal, mais à l'entreprise de le démontrer.
« Il s'agit d'introduire une présomption simple de transfert anormal de bénéfices en cas de transferts de fonctions et de risques hors de France » explique le sénateur Marini.
A l'entreprise de démontrer que « la renonciation à certaines fonctions est normale, dans la mesure où ce transfert a donné lieu à une contrepartie financière.
Un plus grand nombre d'entreprises condamnées pour "abus de droit"
La deuxième modification législative proposée concerne l'utilisation de l'arme de « l'abus de droit » par le fisc. Quand un montage prévu par une entreprise est certes légal, mais est mis en place dans une optique « exclusivement » fiscale, l'administration peut le condamner, utilisant la procédure dite de l'abus de droit. Mais, souligne le sénateur Marini, les entreprises parviennent souvent à démontrer que le montage en question n'a pas un but exclusivement fiscal. Le président de la commission des finances du Sénat veut donc retirer cette notion de but exclusivement fiscal : l'administration pourrait mettre en cause un système ayant pour « motif essentiel d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales », selon une nouvelle rédaction de la loi qu'il propose.
Commentaire de l' avocat fiscaliste Michel Taly: « l'administration était déjà de très agressive à l'égard des entreprises, sur ces sujets, elle pourra l'être encore plus. Les fonctionnaires vont se sentir confortés ».