Alors que les conséquences de l'arrestation et de l'emprisonnement de Dominique Strauss-Kahn sont encore difficiles à cerner, la Grèce s'inquiète. Comme en France, la presse et la plupart des responsables politiques sont sous le choc, abasourdis par le traitement "humiliant", selon un adjectif qui revient dans plusieurs articles de journaux, des Américains à l'égard du directeur du Fonds monétaire international.
"Les Grecs sont très choqués par l'image de DSK menottes au poignet", raconte une journaliste, qui précise que "les Grecs approuvent l'arrestation de DSK, mais condamnent qu'il ait été donné en pâture aux médias". Dans ce pays méditerranéen, la presse ne peut s'empêcher de comparer l'affaire DSK avec ses propres dysfonctionnements judiciaires. Et plusieurs journalistes de plaisanter : "si une affaire similaire arrivait chez nous, la femme de ménage serait en prison pour diffamation, et l'homme politique aurait pu prendre son avion !".
Craintes sur le second plan de sauvetage
La chute spectaculaire de Dominique Strauss-Kahn marque surtout une inquiétude : celle d'avoir perdu un allié. Economistes, éditorialistes et membres du gouvernement craignent que le FMI devienne, une fois DSK parti, plus libéral encore. Ils redoutent que les positions allemandes - austérité drastique et réticences - dominent désormais les débats en Europe. Les Grecs n'oublient pas que Dominique Strauss-Kahn avait insisté sur la nécessité d'entreprendre une sévère cure d'austérité à l'été 2010, mais ils avaient l'impression d'avoir trouvé en lui quelqu'un qui comprenait le fonctionnement de la Grèce. Selon certains éditorialistes, une influence grandissante de l'Allemagne en Europe serait une catastrophe pour tous les pays qui rencontrent des problèmes financiers.
Ils rappellent que DSK était l'homme qui avait réussi à convaincre la chancelière allemande, Angela Merkel, de se joindre aux pays européens et au FMI pour prêter les 110 milliards d'euros nécessaires pour éviter la faillite du pays en 2010. A l'heure où la Grèce espère obtenir un second plan de sauvetage d'environ 60 milliards d'euros, le sentiment d'avoir perdu un allié précieux domine chez les politiques et les médias. Selon un proche du Premier ministre Georges Papandréou, DSK défendait le pays à chaque réunion entre les créanciers internationaux. "Il y avait toujours un canal de communication ouvert pour discuter avec lui", rappelle cette source.
Un consensus impossible
Les récentes déclarations émanant de l'Union européenne ne sont pas de nature à rassurer la Grèce. Jean-Claude Juncker, chef de file des ministres des Finances de la zone euro, a réitéré mardi son appel aux partis politiques grecs à trouver un consensus sur la cure d'austérité, nécessaire pour obtenir la seconde aide internationale. Selon des hommes politiques et des journalistes, cette demande révèle une méconnaissance complète de la réalité grecque, un consensus étant "impossible" entre des partis aux positions radicalement opposées.
Ce mercredi, Angela Merkel a sacrifié à une rhétorique anti-européenne populaire en Allemagne. La chancelière a brocardé les pays du Sud peu travailleurs en appelant la Grèce, l'Espagne et le Portugal à "faire les mêmes efforts" qu'en Allemagne sur les retraites ("il faudrait que, dans ces pays, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu'en Allemagne") ou les congés ("nous ne pouvons pas avoir une monnaie commune et certains avoir beaucoup de vacances et d'autres très peu"). Angela Merkel, qui est habituellement plutôt modérée dans ses déclarations, se serait-elle permis cette sortie avec un Dominique Strauss-Kahn toujours dans la partie ?