Climat : l'Australie offre l'asile climatique aux citoyens de Tuvalu, un accord historique

Le traité qui accorde l'asile climatique par l'Australie aux citoyens de Tuvalu est non seulement sans précédent mais, de plus, une victoire stratégique pour l'île-continent qui contre ainsi l'influence de la Chine dans cette zone du Pacifique-sud.
A l’occasion de la COP 26, en 2021, Simon Kofe, le ministre des Affaires étrangères des îles Tuvalu avait marqué les esprits en prononçant un discours depuis l’archipel, debout, face à un pupitre installé dans la mer.
A l’occasion de la COP 26, en 2021, Simon Kofe, le ministre des Affaires étrangères des îles Tuvalu avait marqué les esprits en prononçant un discours depuis l’archipel, debout, face à un pupitre installé dans la mer. (Crédits : Tuvalu Foreign Ministry)

Un traité « fondateur » et sans précédent de l'Histoire : le gouvernement australien a annoncé ce vendredi offrir progressivement l'asile climatique aux quelque 11.000 citoyens de Tuvalu, petit ensemble d'îles du Pacifique grignoté par la montée des eaux et menacé de disparition. Deux de ses neuf récifs coralliens ont déjà été engloutis et ce n'est qu'une question de temps - moins d'un siècle - avant que l'intégralité de son territoire ne devienne inhabitable, selon des experts.

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Ce vendredi, le Premier ministre australien Anthony Albanese et son homologue de Tuvalu Kausea Natano ont ainsi dévoilé les termes d'un pacte qui doit permettre aux citoyens de l'archipel de se réfugier en Australie pour « y vivre, y étudier et y travailler ». Afin d'éviter toute « fuite des cerveaux » trop dommageable, le nombre d'entrées sera limité dans un premier temps à 280 par an.

Un traité historique

Le Premier ministre de Tuvalu a salué une « lueur d'espoir » pour sa nation, l'une des plus menacées par les effets du changement climatique. Jane McAdam, experte en droit des réfugiés, parle, elle, d'un texte « fondateur ».« C'est le premier accord qui s'attaque spécifiquement à la mobilité climatique », affirme à l'AFP cette professeure à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud.

« La plupart des gens ne veulent pas quitter leur maison, ils ont des liens ancestraux très forts avec leur terre et la mer, mais cela leur offre une sécurité », dit-elle. Le texte doit encore être ratifié par les deux parties pour entrer en vigueur. Les Tuvalu réfugiés en Australie auront notamment accès au système éducatif, de santé, à des aides financières et familiales, précise le traité.

Aussi, l'Australie s'est engagée à mobiliser 16 millions de dollars australiens (9,5 millions d'euros) pour consolider les côtes de Tuvalu qui s'érodent et récupérer les terres submergées. Le texte déplore cependant que le passage à l'action soit si tardif, les conséquences du réchauffement climatique étant déjà palpables. 

« En même temps, nous croyons que le peuple de Tuvalu mérite d'avoir le choix de vivre, étudier et travailler ailleurs, alors que le changement climatique empire », ont déclaré les deux dirigeants dans un communiqué conjoint. Anthony Albanese a ajouté que l'Australie est ouverte à l'idée de conclure des accords similaires avec d'autres pays voisins de l'océan Pacifique, ajoutant qu'il faudrait toutefois un traité sur-mesure pour chaque candidat.

Aussi une victoire stratégique pour Canberra face à la Chine

Ce pacte peut représenter une victoire stratégique pour Canberra, qui entend renforcer son influence dans la région face à la présence accrue de la Chine. Le traité comporte notamment un volet défense, engageant l'Australie à venir en aide à Tuvalu en cas d'« agression militaire », mais aussi de catastrophe naturelle ou de pandémie.

Et il permet à Canberra d'avoir son mot à dire à propos de tout pacte de défense que l'archipel signerait avec d'autres pays.  Une possibilité d'autant plus importante que les îles Salomon, à l'ouest de Tuvalu, en ont conclu un avec Pékin, l'accord autorisant le déploiement de forces armées chinoises sur leur territoire.

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« L'union Australie-Tuvalu sera perçue comme un jour important, lors duquel Australie a reconnu qu'elle faisait partie de la famille Pacifique », a déclaré Anthony Albanese, qualifiant lui aussi le traité de « fondateur » devant la presse, en marge du Forum des îles du Pacifique organisé dans les îles Cook.

Enfin, le traité signé par les deux pays comprend aussi une aide financière de l'Australie pour aider les Tuvalu à résister à la montée des eaux.  L'Australie va mobiliser 16 millions de dollars australiens (environ 9,5 millions d'euros) pour renforcer les côtes de l'archipel et fabriquer des terre-pleins sur mer. L'idée est d'y créer des logements pour les citoyens de Tuvalu.

L'épineuse question du charbon australien

Les relations ne sont pas parfaites pour autant entre Canberra et ses voisins, en particulier à cause de la dépendance australienne au charbon et aux exports de gaz. Considérés comme polluants, ces deux postes économiques sont critiqués par les nations des environs qui subissent déjà de plein fouet la montée des eaux et une météo de plus en plus extrême. 

Anthony Albanese a ainsi souligné que les pays développés doivent commencer à prendre plus de responsabilités dans la lutte contre le changement climatique, alors que ce sont ceux en développement qui en pâtissent le plus.

Le sujet des pertes et dommages, en toile de fond

Un sujet qui anime depuis plusieurs années les débats des conférences onusiennes pour le climat (les fameuses « COP »). La prochaine se tient du 30 novembre au 14 décembre prochain aux Emirats arabes-unis. Parmi ses enjeux centraux, la question des pertes et dommages irréversibles subis par les pays les plus vulnérables d'un point de vue climatique (beaucoup d'entre-eux sont situés dans l'hémisphère sud et sont pauvres). La plupart tiennent les pays riches et industrialisés du Nord pour responsables du changement climatique. Plus impactés par ses effets négatifs que ces derniers, les pays vulnérables réclament une aide financière substantielle pour les aider à reconstruire.

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Lors des pré-négociations de la COP28, pays du nord et du sud sont parvenus samedi dernier à un fragile compromis sur les contours du futur fonds sur les « pertes et dommages » climatiques, ouvrant la voie à un accord sur ce sujet pendant la COP28. Le texte propose d'établir le fonds provisoirement, pour quatre ans, au sein de la Banque mondiale, ce que refusaient initialement avec force les pays en développement, qui accusent l'institution d'être aux mains des occidentaux et inadaptée à leurs besoins.

« Il est maintenant impératif que nous activions et capitalisions rapidement le fonds », car « le monde n'a pas besoin d'un compte bancaire vide » mais « d'un fonds opérationnel qui puisse réellement faire la différence », a déclaré le président émirati de la COP28, Sultan Al Jaber, dans un message lu aux délégués à l'issue de cette réunion. Mais plusieurs pays du Sud ont jugé incomplet ce pré-accord et entendent rediscuter de ses modalités pendant la conférence climat.

Tuvalu, un des premières victimes de la montée des océans

Quatrième plus petit pays de la planète avec un archipel couvrant une superficie terrestre de 26 km2, les neuf atolls de l'Etat de Tuvalu ne sont qu'à un ou deux mètres au-dessus de l'océan. Avec la montée du niveau des océans, accentués par le réchauffement climatique, l'archipel est gravement menacé. Phénomène qui augmente aussi la fréquence des inondations, l'érosion des côtes et la salinisation des sols. L'agriculture, une des principales activités économiques du pays, est largement impactée.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 10/11/2023 à 20:39
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Décision très importante car elle va faire jurisprudence contrairement à ce qu'aimerait le Georges d'en dessous mais heureusement qu'ils ne sont pas tous pareils hein... enfin moi j'en connaissais un bien plus évolué !

à écrit le 10/11/2023 à 17:28
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Après la tentative ratée de donner une valeur constitutionnelle à une représentation séparée des aborigènes contraire au principe "un homme une voix", le gouvernement de gauche australien cherche à concrétiser un autre thème promu par l'ONU : les réf...

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