Climat : l’avenir des énergies fossiles se précise à la COP 28, les tensions montent d’un cran

À cinq jours de la fin théorique de la conférence, les négociations sont de plus en plus difficiles sur le destin réservé aux énergies fossiles. Entre les pays partisans de la réduction, voire de la sortie, et ceux qui s’opposent à quelconque mention, les échanges sont tendus. Un nouveau projet d'accord publié ce vendredi mentionne plusieurs options.
Mathieu Viviani
« S'il vous plaît, finissons le travail ». C'est ce qu'a lancé ce vendredi matin le président émirati de la COP28, Sultan Al Jaber, à la reprise des négociations sur le climat.
« S'il vous plaît, finissons le travail ». C'est ce qu'a lancé ce vendredi matin le président émirati de la COP28, Sultan Al Jaber, à la reprise des négociations sur le climat. (Crédits : Reuters)

« S'il vous plaît, finissons le travail ». Voilà ce qu'a lancé ce vendredi matin le président émirati de la COP28, Sultan Al Jaber, à la reprise des négociations sur le climat. Celles-ci doivent théoriquement se clôturer d'ici mardi prochain, ce qui semble, pour l'heure, loin d'être acquis.

Lors de son allocution, le président de la COP28 a demandé qu'une troisième version du projet d'accord soit mise sur la table dès cette après-midi. C'est donc chose faite puisqu'une nouvelle ébauche de projet d'accord a bien été publiée ce vendredi.

La sortie des fossiles clairement mentionnée

Cette troisième version du texte récapitule en 27 pages et 206 articles les options poussées par les différents pays, avec de nouvelles formulations inédites. Sur les énergies fossiles, au cœur des discussions de cette conférence climat, cinq options sont désormais proposées.

Redoutée par les délégations les plus ambitieuses sur le climat, celle de n'avoir aucune mention du sujet, apparaît. Une autre mentionne « une sortie des énergies fossiles alignée sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles ». Deux autres proposent une sortie des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), tout en mettant l'accent sur le rôle des technologies de captage de CO2.

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Le destin des hydrocarbures fossiles semble également être mentionné dans le passage dédié à l'objectif de triplement des énergies renouvelables dans le monde d'ici 2030. Ce qui pourrait lier la réduction ou la fin des combustibles pétro-gaziers aux renouvelables. C'est-à-dire que ces dernières prendraient petit à petit la place des fossiles.

Ecrire une page d'histoire

Réputé pour être méthodique et déterminé, Sultan Al Jaber pèse de tout son poids pour obtenir un accord où les énergies fossiles seraient mentionnées, ce qui serait inédit dans l'histoire des négociations climatiques. « Cette COP est différente, elle a écrit une page d'histoire », a d'ailleurs insisté ce matin celui qui est aussi patron de la compagnie nationale de pétrole des Emirats. Un élan repris par Dan Jorgensen, ministre danois du climat : « Faisons de cette COP la plus importante depuis Paris. »

« Nous avons la possibilité d'un changement de paradigme qui peut définir les économies mondiales et notre avenir, et placer les plus vulnérables au cœur de l'action climatique », a aussi martelé le président de la COP28, lors de ce même discours.

Course contre la montre

Depuis le 30 novembre, une course contre la montre s'est enclenchée à Dubaï pour trouver un consensus. À la manœuvre, les délégations de 197 pays qui cherchent la meilleure formulation sur le charbon, le pétrole et le gaz (parmi les principaux responsables du changement climatique), dans le texte final.

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Sultan Al Jaber le dirigeant n'a pas promis que le charbon, gaz et pétrole figureraient dans le texte final, il a répété que la réduction des fossiles était « inévitable ». Une formule qu'il a déjà utilisée à plusieurs reprises ces six derniers mois. « Il est certain que le déclin de la consommation d'énergies fossiles va se produire, à terme » a-t-il ainsi précisé. Tout en rappelant qu'il fallait rester « réaliste » « pragmatique », « équitable », « ordonnés et responsables dans la transition énergétique ».

Un argumentaire proche de la plupart des défenseurs d'une réduction la plus progressive possible des fossiles. Selon eux, il s'agit de la seule méthode pour éviter le « chaos économique ». On trouve dans ce camp des décideurs politiques et économiques de pays producteurs ou très dépendants de ces sources d'énergie, ou des lobbies du secteur pétro-gazier.

La Chine constructive

L'ambition de ce volet de l'accord dépendra d'acteurs politiques majeurs comme la Chine. Malgré son opposition à une sortie brusque des fossiles, dont il est le premier consommateur mondial, le pays aurait une approche constructive dans les négociations, de l'avis de certains participants aux discussions. Le négociateur chinois, Xie Zhenhua, multiplie les réunions, semblant indiquer que son pays ne souhaite pas de fiasco.

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« La Chine est le plus gros producteur mondial d'éolien et solaire. Et elle a la capacité de répondre au changement climatique sur le même pied que les pays riches tout en partageant les mêmes inquiétudes que les pays en développement », a souligné ce vendredi auprès de l'AFP Yuan Ying, de Greenpeace East Asia. « Ce rôle intermédiaire permet à la Chine de débloquer ces négociations engluées dans la deuxième semaine », précise l'experte.

Beaucoup de diplomates comptent sur la déclaration commune des Etats-Unis et de la Chine de novembre dernier. Dans ce texte, les deux premières économies du monde proposaient d' « accélérer suffisamment le déploiement des énergies renouvelables » pour « accélérer le remplacement de la production d'électricité à partir du charbon, du pétrole et du gaz ». Une philosophie qui est d'ailleurs reprise dans l'une des options de la troisième mouture du projet d'accord publiée cette après-midi.

La délégation française entre confiance et prudence

Cette déclaration sino-américaine est une base « encourageante », selon un membre de l'entourage de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

« Jamais la pression n'a été aussi forte pour les énergies fossiles. C'est le sujet principal de cette COP. Dans son discours introductif, son président a dit qu'il fallait un accord sur ce sujet, cela donne un cadre clair aux négociateurs », ajoute cette source, à l'occasion d'un brief presse ce vendredi matin.

L'accord sur un fonds pertes et dommages destiné aux pays les plus vulnérables au changement climatique, obtenu le premier jour de la conférence climat, est aussi « un bon signal » pour l'entourage de la ministre. « Cela permet de concentrer tous les efforts sur le sujet du fossile », précise la même source.

L'Arabie saoudite ne veut rien savoir

Parmi les pays qui ne voulant ni réduction ou sortie des fossiles, figurent en première ligne l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes producteurs de pétrole, voire de gaz. Ils sont désignés comme Etats « obstructionnistes » par un certain nombre d'observateurs. « Ryad veut montrer clairement qu'ils ne changeront pas leur politique énergétique sous pression des militants climatiques », analyse pour l'AFP Umar Karim, expert de l'Arabie saoudite, à l'université de Birmingham.

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Mais d'après Kristian Ulrichsen, expert du Moyen Orient à la Rice University, « les Saoudiens ne veulent pas apparaître comme isolés ». Raison pour laquelle, selon lui, le royaume cherchera à faire alliance avec d'autres pays, dont la Russie et la Chine.

Réduction ou sortie des fossiles ?

Quand bien même. Pour la plupart des participants à la COP28, une seule et même question demeure : quelle sera la formulation retenue dans l'accord final pour évoquer le sort des combustibles carbonés ? « Réduction » (« phase down » en anglais), « sortie » (« phase out ») ? Ensuite l'unité de temps : réduction/sortie « progressive », « rapide », et surtout d'ici quelle date ? Enfin, si mention il y a, quels types d'hydrocarbures seront désignés dans le texte (charbon, pétrole, gaz, etc) ? Est-ce que ceux bénéficiant d'installations dotées de technologies de captage de CO2 seront inclus dans l'accord final ?

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Lors du brief presse ce matin, la ministre de la Transition énergétique française admet qu'il « reste encore beaucoup de travail pour arriver à un accord ». Avant de rappeler « la difficulté de trouver un consensus avec 197 pays », principe central des négociations sous l'égide des Nations-Unies. En attendant, la ministre va multiplier cette après-midi les rencontres avec ses homologues chinois, saoudiens et indiens, ce qui n'est pas « anodin » confie-t-elle.

Des rencontres avec des ONG sont aussi prévues dans son agenda. Présentes en tant qu'observatrices des négociations, les membres de la société civile (associations, experts scientifiques, etc) ont un poids de plus en plus important dans les COP. Ce vendredi, des dizaines de jeunes activistes se sont d'ailleurs rassemblés sur le site de la conférence climat pour appeler à la fin des fossiles. Une manifestation organisée « Fridays for Future », le mouvement de grève lancée par la Suédoise Greta Thunberg.

Mathieu Viviani

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Commentaires 4
à écrit le 09/12/2023 à 8:27
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Et bla bla et bla bla bla... "Tu me ressert du château Petrus avec mon boeuf de Kobé stp ? stp ?" Et bla bla bla et bla bla bla...

à écrit le 08/12/2023 à 19:18
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Personne ne sortira des énergies fossiles, que ça soit l'année prochaine ou dans vingt ans

à écrit le 08/12/2023 à 16:41
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Ce qui importe, c'est pas la production, mais.. la consommation et, qui dit consommation, dit publicité et intermédiaire à bannir ! ;-)

le 09/12/2023 à 13:04
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"et, qui dit consommation, dit publicité" ben oui, si la publicité n'existait pas, on n’achèterait rien du tout. Elle m'indiffère, la publicité, aucun risque de suggérer un truc à acheter (en considérant que ce qui se vend bien n'a pas besoin de publ...

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