[Article publié le 02/02/2024 à 18:07 et mis à jour le 02/02/2024 à 18:37 avec la réaction de GRDF]
Après la hausse des factures d'électricité, effective depuis ce jeudi, c'est bientôt au tour du gaz de se renchérir malgré la chute des cours sur les marchés. Dès le 1er juillet 2024, tous ceux qui utilisent cette source d'énergie devront en effet payer davantage pour s'approvisionner. Et ce, non pas en raison d'une nouvelle taxe sur la consommation, mais afin de financer le réseau de distribution.
Et pour cause, le nombre de Français raccordés au gaz naturel a chuté de près de 10% en deux ans, ce qui gonfle mécaniquement la contribution de chacun d'entre eux pour se partager le coût de l'entretien des 200.000 kilomètres de canalisation. Résultat : après quatre années de quasi stabilité, ce tarif augmentera de 27,5% sur la période 2024-2027, a fait savoir ce vendredi la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'autorité administrative chargée de fixer les tarifs des réseaux publics de gaz. Il reviendra néanmoins au gouvernement d'officialiser cette majoration, a priori inevitable étant donné que celui-ci a mis fin aux aides exceptionnelles déployées pendant la crise.
Concrètement, cela rehaussera de 5,5% la facture totale d'un client moyen se chauffant au gaz, soit 7,30 euros supplémentaires par tête et par mois (87,60 euros par an), a calculé la CRE. Pour les usagers consommant du gaz uniquement pour l'eau chaude sanitaire et la cuisson (hors chauffage), cette revalorisation s'élèvera quant à elle à +10,4%, correspondant à 2,20 euros de plus chaque mois (26,40 euros par an). Soit une augmentation significative, mais inférieure à ce que demandait le gestionnaire du réseau, GRDF. Par ailleurs, il ne s'agit pas là d'une grande surprise : dès novembre dernier, la CRE avait fait savoir que ce tarif d'entretien du réseau augmenterait prochainement, en communiquant à l'époque sur le chiffre de 30%.
Il n'empêche : ce relèvement s'ajoute à l'essor, au 1er janvier dernier, de la taxe sur la consommation de gaz (ou accise), passée de 8,37 euros par mégawattheure (MWh) à 16,37 euros par MWh en raison de la sortie du bouclier tarifaire.
« Rattrapage du passé »
Selon le régulateur, cette hausse significative du prix de la distribution du gaz par kilowattheure s'explique essentiellement par le fait que le tarif pour la période précédente, celle allant de 2020 à 2024, avait été négocié en 2019, c'est-à-dire avant le choc de la crise énergétique et même de la pandémie.
« Par conséquent, il n'a pas suffisamment bien absorbé l'augmentation de l'inflation et la baisse de la consommation. Il y a donc une marche de rattrapage du passé très importante, qui représente 20% sur les 27% », explique à La Tribune Emmanuelle Wargon, la présidente de la CRE.
« Ce rattrapage est principalement lié aux événements conjoncturels des 4 dernières années : crise sanitaire, crise énergétique et aléas climatiques. Sur cette même période, le tarif est resté stable et n'a donc pas permis de couvrir l'ensemble des coûts de l'entreprise », a réagi GRDF dans la foulée.
Après « cette grande marche tarifaire » en juillet 2024, le tarif évoluera en 2025, 2026 et 2027 uniquement selon l'inflation et un facteur lié à la décroissance du volume de consommation de gaz, indispensable à l'atteinte des objectifs climatiques de la France. Toutefois, malgré cette baisse anticipée de la consommation, les réseaux de gaz, eux, seront toujours nécessaires, notamment pour distribuer le biométhane, ce « gaz renouvelable » produit à partir de différents déchets. Cela conduira donc à maintenir le niveau d'investissements et des charges de fonctionnement de ces infrastructures. Or, « lorsque vous avez un numérateur qui est stable et un dénominateur qui baisse, le coût unitaire ne fait qu'augmenter », souligne Emmanuelle Wargon.
Vers un système beaucoup plus mutualisé ?
Ce nouveau contexte a poussé la CRE à être « plus exigeant[e] en n'acceptant pas de grosses augmentations de charges de fonctionnement », explique sa présidente. Certaines demandes de GRDF ont ainsi été revues à la baisse, notamment sur le budget alloué à sa communication. Pour la période 2024-2027, les charges d'exploitations augmenteront de 9% par rapport à celles constatées en 2022. Une hausse inférieure à celles observées lors des périodes précédentes. De son côté, GRDF « prend acte de ce nouveau tarif exigeant » qui « nécessitera des efforts de performance encore accrus », a fait savoir l'entreprise dans un communiqué.
Le régulateur prévoit également d'amortir plus rapidement les nouveaux investissements afin d'éviter qu'ils ne pèsent trop sur la période où il y aura moins de consommateurs.
À plus long terme, cette évolution de la consommation poussera sans aucun doute à ouvrir un épineux débat sur le principe même du financement des réseaux : faudra-t-il garder un système où seuls les consommateurs de gaz payent les infrastructures gazières ou, au contraire, basculer vers un nouveau mécanisme bien plus mutualisé ? Certains observateurs imaginent ainsi une mise en commun des coûts d'utilisation du réseau gazier avec ceux du réseau électrique. Un véritable changement de paradigme.
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