Projet Arctic LNG 2 en Russie : face aux sanctions américaines, TotalEnergies fait le dos rond

En conséquence, la major française ne tirera aucun revenu issu de ce site de gaz naturel liquéfié en 2024. Stratégique pour la Russie, celui-ci fait face à la suspension de la participation de ses actionnaires étrangers en raison du trop grand nombre de sanctions contre Moscou suite à l'invasion de l'Ukraine. Le coût du site est estimé à 21 milliards de dollars.
La Russie produit actuellement 8% du gaz naturel liquéfié mondial et souhaite atteindre 15 à 20% d'ici 2035.
La Russie produit actuellement 8% du gaz naturel liquéfié mondial et souhaite atteindre 15 à 20% d'ici 2035. (Crédits : STRINGER)

Quand la géopolitique se télescope avec les intérêts économiques privés. Le groupe français TotalEnergies a annoncé mardi avoir activé le cas de « force majeure » pour un gigantesque projet de gaz naturel liquéfié baptisé Arctic LNG 2. Situé dans l'Arctique russe, le géant de l'énergie s'y était mis en retrait début 2022 et l'installation est désormais visée par des sanctions américaines.

« Nous avons engagé le processus de force majeure conformément aux contrats en vigueur, et nous respecterons les régimes de sanctions applicables conformément à nos principes d'actions », a ainsi affirmé TotalEnergies, dans un communiqué transmis à l'AFP.  Pour rappel, la « force majeure » est une clause juridique qui permet aux entreprises de suspendre les livraisons en raison de facteurs jugés indépendants de leur volonté.

« En conséquence, aucun enlèvement de GNL d'Arctic LNG 2 par TotalEnergies n'est prévu en 2024 », détaille la major française. Dans la foulée de l'assaut russe en Ukraine en février 2022, celle-ci avait annoncé un mois après arrêter son financement pour le site énergétique, puis, en avril de la même année, une dépréciation de 4,1 milliards de dollars d'actifs, notamment sur ce projet. Dans les faits, TotalEnergies ne livrera donc pas de gaz naturel liquéfié (GNL) issu d'Arctic LNG 2 et ne touchera aucun revenu issu de ce projet.

Lancement malgré les sanctions

Selon des médias, le géant gazier russe Novatek avait invoqué dès fin décembre dernier le cas de « force majeure », quelques semaines après que les Etats-Unis ont sanctionné le projet, mettant en péril son lancement. Les entreprises CNPC, CNOOC et Japan Arctic LNG ont elles aussi activé cette clause juridique exceptionnelle, selon le quotidien russe Kommersant. Concrètement, les sanctions américaines peuvent dissuader les éventuels acheteurs et les transporteurs de livrer le gaz naturel liquéfié issu d'Arctic LNG 2, sous peine de mesures de rétorsion.

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Pour autant, le vice-Premier ministre russe de l'Energie, Alexandre Novak, a annoncé le 27 décembre dernier que le gigantesque projet avait bien commencé malgré ces sanctions américaines, sans indiquer quels étaient les premiers clients étrangers. « L'usine Arctic LNG 2 est actuellement en cours de construction, et la première étape a déjà commencé à fonctionner. Nous nous attendons à ce que les premières livraisons de ce projet aient lieu dès le premier trimestre de l'année prochaine », avait-il même assuré.

A l'origine, la production de GNL devait démarrer entre fin 2023 er début 2024 et les premiers méthaniers prendre la mer au premier trimestre de la même année. Des sources industrielles affirment désormais que les livraisons commerciales de GNL sont attendues au plus tôt au deuxième trimestre 2024.

Un site stratégique et vital pour la Russie

Le projet Arctic LNG 2, estimé à 21 milliards de dollars, est vital pour la Russie, qui produit actuellement 8% du gaz naturel liquéfié mondial et souhaite atteindre 15 à 20% d'ici 2035, face à ses concurrents américains, qataris et australiens Soit un niveau de production d'environ 100 millions de tonnes par an.

Le site est même l'un des projets stratégiques pour l'exploitation prévue par la Russie de la « route maritime du nord » reliant l'Asie à l'Europe. Moscou espère que cette voie de l'Arctique, rendue praticable grâce au réchauffement climatique et la fonte des glaces, soit en mesure à l'avenir de concurrencer le canal de Suez pour le commerce des hydrocarbures.

A terme, le site industriel doit avoir une capacité de production de 19,8 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an. Ce, grâce à trois lignes de production, soit un peu plus que la première usine géante de GNL dans la péninsule de Yamal (Sibérie occidentale), en puisant dans le riche gisement de gaz de la ville d'Utrenneye.

Des actionnaires français, chinois et japonais

Le projet Arctic LNG 2 a longtemps été considéré par les observateurs comme un exemple phare de la coopération énergétique entre Moscou et des entreprises internationales du secteur. Novatek, premier exportateur russe de GNL, en est l'actionnaire majoritaire, à 60%, aux côtés de TotalEnergies et des entreprises chinoises CNPC et CNOOC et japonaise Japan Arctic LNG, toutes les quatre possédant chacune 10% du projet. Mais étant également actionnaire de Novatek, TotalEnergies détient au total 21,5% d'Arctic LNG 2.

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Fin décembre, le journal Kommersant indiquait que la suspension de la participation des entreprises étrangères pourrait conduire Arctic LNG 2 à perdre ses contrats à long terme sur l'approvisionnement en GNL. Ce qui obligera l'énergéticien russe Novatek à financer le projet par ses propres moyens et vendre le gaz sur le marché au comptant. Ce, alors que le site a déjà rencontré des difficultés pour lever des fonds à la suite des sanctions occidentales contre la Russie.

Pas de sanctions des Européens sur le GNL russe

De leur côté, les Européens n'ont à ce stade pas sanctionné les exportations de gaz naturel liquéfié russe et continuent à en acheter en provenance du vaste projet Yamal. Notamment la France qui s'est progressivement détachée du gaz russe conventionnel transporté par pipeline, mais a, dans le même temps, augmenté ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par navire, y compris depuis la Russie.

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En effet, ces dernières ont bondi à +41% entre janvier et septembre 2023 par rapport à la même période en 2021, pointait le groupe de réflexion IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis), dans un rapport publié mardi 31 octobre 2023. Au point que, sur cette période, le pays dirigé par Vladimir Poutine a été le deuxième plus gros fournisseur de GNL de l'Hexagone, derrière les Etats-Unis.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 17/01/2024 à 8:42
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Ben oui il vaut mieux obéir aux américains c'est certain. "Celui qui sait commander trouvera toujours ceux qui savent obéir." Nietzsche. Ou en résumé:"Ouarf ouarf !" ^^

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