Six plaintes d'avocats de familles de femmes détenues en Syrie

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Six plaintes d'avocats de familles de femmes detenues en syrie[reuters.com]
(Crédits : Stephane Mahe)

PARIS (Reuters) - Les avocats des familles de six femmes parties en Syrie rejoindre l'Etat islamique et aujourd'hui détenues par des Kurdes, avec leurs enfants, ont déposé mercredi des plaintes visant les autorités françaises, qui refusent jusqu'ici d'envisager leur rapatriement et leur jugement en France.

Si ces plaintes sont portées contre X, leur cible ne fait aucun doute, après des semaines de débat sur le sort de ces jeunes Françaises, dont les demandes de rapatriement, après l'effondrement de Daech, se heurtent jusqu'ici à une fin de non-recevoir du gouvernement.

Mes Marie Dosée, William Bourdon, Marc Bailly et Martin Pradel s'appuient sur un article du Code pénal selon lequel une personne dépositaire de l'autorité publique qui a connaissance d'une détention illégale ou arbitraire et ne fait rien pour y mettre fin est elle-même coupable d'une infraction.

"Nous avons sollicité et sollicitons le rapatriement de ces femmes et de ces enfants en France, sachant que toutes ces femmes parties sur zone font l'objet de poursuites judiciaires en France (...) et qu'elles acceptent de faire face à leur responsabilité pénale", écrivent-ils dans un communiqué.

"Nous constatons que les autorités françaises sont parfaitement informées de la présence de ces femmes et de ces enfants (...) et font délibérément le choix de s'abstenir de toute intervention", ajoutent-ils.

Ils contestent l'idée, défendue jusqu'ici par le gouvernement, que ces jeunes Françaises puissent être jugées par les "autorités locales", le Kurdistan syrien n'ayant aucune existence légale en tant qu'Etat.

Ils accusent les autorités françaises de contribuer, "par leur inertie délibérée", à exposer ces femmes et leurs enfants à des "risques évidents", notamment sanitaires, et de se rendre coupables d'une forme de non-assistance à personne en danger.

CHANGEMENT DE TON ?

Ces avocats ont saisi jusqu'ici en vain la présidence de la République, le ministère des Affaires étrangères et la garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Une lettre du directeur de cabinet du chef de l'Etat, reçue mardi par Me Dosé, a constitué la goutte qui a fait déborder le vase, explique cette avocate.

Dans ce courrier, ce proche collaborateur estime en substance que les autorités locales kurdes sont en droit de juger une femme partie en Syrie de son plein gré pour rejoindre une organisation terroriste qui les a combattues.

Nicole Belloubet, qui jugeait encore le 5 janvier que les autorités kurdes pouvaient juger des djihadistes français même si la France ne reconnaît pas l'existence d'un Etat du Kurdistan, à condition qu'un procès équitable leur soit garanti, a cependant paru mercredi matin ouvrir une porte.

"Il ne peut exister aucun procès qui ne respecte les règles d'équité telles qu'elles sont prévues par la Convention européenne des droits de l'Homme", a-t-elle dit à France Inter. "Et d'autre part, nous sommes en capacité de juger en France toute personne qui rentrerait des terrains de combat."

Marie Dosé voit dans ses propos un "revirement".

"Je me réjouis d'entendre une garde des Sceaux expliquer qu'il ne peut pas y avoir d'opération de justice menée par un Etat qui n'existe pas et que donc ces femmes doivent être rapatriées", a-t-elle déclaré à Reuters.

"J'ai cru comprendre cela, j'espère que j'ai bien compris", a-t-elle ajouté, en souhaitant une "position claire et définitive" du gouvernement et de l'Elysée sur ce sujet.

Son collègue Martin Pradel, également interrogé par Reuters, estime, lui, que "la garde des Sceaux temporise".

(Emmanuel Jarry, avec Caroline Pailliez et Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)