Paris donne des armes à Bangui, favorable à une levée de l'embargo

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Rca: la france favorable a la levee de l'embargo[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

par Paul Lorgerie

BANGUI-PARIS (Reuters) - La France, qui a fourni mardi 1.400 fusils d'assaut à l'armée centrafricaine, n'a pas d'opposition de principe à la levée sous conditions de l'embargo de l'Onu sur les armements en vigueur depuis 2013 en RCA, a déclaré Florence Parly à Bangui.

A l'approche d'un vote déterminant au Conseil de sécurité de l'Onu pour le renouvellement du mandat des Casques bleus dans l'ancienne colonie française, la ministre des Armées a en outre modéré son discours à l'égard de Moscou, qui ne cesse d'étendre son influence, en saluant sa "contribution positive".

Florence Parly, qui s'est entretenue avec le président centrafricain Faustin Archange Touadéraé, élu en 2016, et son homologue Marie-Noëlle Koyara, a rappelé toutefois la primauté de l'Union africaine (UA) dans le processus de paix en cours, concurrencé par une initiative russe.

La ministre a présidé à la fourniture des fusils d'assaut et d'équipements amphibies pour les 7.000 membres des FACA, qui bénéficient depuis près d'un an d'un appui militaire russe d'ampleur.

Paris a obtenu en février une dérogation du comité des sanctions du Conseil de sécurité de l'Onu pour donner ces armes, saisies en mars 2016 par la marine française au large de l'île yéménite de Socotra, dans le nord de l'océan Indien, en vertu de la résolution onusienne interdisant le trafic d'armes vers la Somalie, a-t-on précisé dans l'entourage de Florence Parly.

Le Kremlin a été exempté pour sa part en décembre 2017 pour un don d'armements à la Centrafrique, en proie à des violences intercommunautaires depuis le renversement en 2013 du président François Bozizé par les milices musulmanes de la Séléka.

L'embargo sur la fourniture, vente ou transferts directs ou indirects d'armements et sur tout appui technique ou de formation en lien avec des activités militaires a été prorogé d'un an le 31 janvier dernier sous l'impulsion de la France qui invoquait la permanence de l'instabilité sécuritaire.

"Il n'y a aucun obstacle de principe du côté de la France pour que cet embargo soit levé", a précisé Florence Parly lors d'un point de presse.

TRACTATIONS À L'ONU

"Ce qui est important, c'est que ces armes, dès lors qu'elles seront livrées aux forces armées centrafricaines, puissent être identifiées, stockées, tracées. Dès lors que ces conditions sont réunies, il n'y a aucune raison à ce que l'embargo ne puisse être levé", a-t-elle ajouté.

La France est intervenue en décembre 2013 en Centrafrique, dans le cadre de l'opération "Sangaris" sous mandat de l'Onu, au plus fort de la guerre civile entre combattants de l'ex-Séléka et miliciens chrétiens anti-Balaka. L'opération s'est achevée trois ans plus tard sans que le pays retrouve la paix.

Paris maintient depuis quelque 200 militaires, au sein notamment de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies (Minusca), déployée dans le pays depuis 2014, et de la Mission de formation de l'Union européenne (EUTM), alors que la présence russe se fait de plus en plus marquée.

Florence Parly a récemment porté des jugements sévères sur le positionnement russe, estimant que "toute manipulation intéressée de puissances opportunistes serait inepte, indigne". La stratégie d'influence de Moscou le dispute de fait à son intérêt pour les ressources minières (or, uranium, diamants) de ce pays parmi les plus pauvres du monde.

Mardi, le ton a changé, alors que Russes, Français et Américains négocient à New York les termes d'une résolution pour prolonger d'un an le mandat de la Minusca, qui expire samedi.

La Russie et les Etats-Unis se sont opposés à un projet de texte français affirmant la centralité de l'Union africaine dans le processus de paix et évoquant "un soutien supplémentaire" des Casques bleus de l'Onu aux forces armées centrafricaines.

"Il est important (...) que cette contribution positive qu'un certain nombre de pays, parmi lesquels la Russie, apportent, puisse s'inscrire dans l'initiative africaine de paix", a dit Florence Parly.

L'Union africaine, qui s'efforce depuis juillet 2017 de parvenir à un règlement de paix entre gouvernement et groupes armés, se heurte à l'activisme de la Russie, qui a supervisé en août dernier avec le Soudan la signature d'une "déclaration d'entente" à Khartoum.

(Sophie Louet avec John Irish à Paris, édité par Yves Clarisse)