Jacques Toubon dénonce un recul des libertés

reuters.com  |   |  649  mots
Toubon denonce un recul des libertes[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Le Défenseur des droits dénonce dans son rapport annuel d'activité, dévoilé mardi, un "recul des libertés fondamentales" et une "logique sécuritaire" croissante, un constat déjà formulé les années précédentes mais rendu plus pertinent encore, selon lui, par la gestion de la crise des "Gilets jaunes".

Jacques Toubon plaide en conséquence pour un "aggiornamento" des méthodes de maintien de l'ordre, comme l'ont fait dans le passé l'Allemagne ou le Royaume-Uni, passant par l'interdiction des armes intermédiaires controversées, le lanceur de balle de défense (LBD) et les grenades explosives de modèle GLI-F4.

"Telle une pilule empoisonnée, le régime d'exception de l'état d'urgence, en place durant près de deux ans, est venu contaminer progressivement le droit commun, fragilisant l'État de droit ainsi que les droits et libertés sur lesquels il repose", écrit Jacques Toubon dans son rapport.

"La diffusion de cette logique (...) a contribué à poser les bases d'un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion, au sein duquel les droits et libertés fondamentales connaissent une certaine forme d'affaissement, fragilisés par des mesures sécuritaires", ajoute l'ex-ministre RPR, chargé de jouer les vigies des libertés fondamentales depuis 2014.

Selon lui, le mouvement des "Gilets jaunes", qui s'est traduit depuis le 17 novembre par des manifestations hebdomadaires, des violences inédites dans l'histoire récente et des milliers d'interpellations, en a offert un nouvel exemple.

"Le nombre 'jamais vu' d'interpellations et de gardes à vue intervenues 'de manière préventive', par exemple entre les 7 et 8 décembre, interpelle le Défenseur des droits sur le dispositif d'ordre public mis en place, le cadre juridique de ces interventions et les directives données qui semblent s'inscrire dans la continuité des mesures de l'état d'urgence", écrit-il.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé le 8 décembre avoir procédé à plus de 1.000 interpellations ce week-end-là.

"ÉVÉNEMENTS GRAVES"

Ces dernières semaines, l'attention médiatique s'est focalisée sur l'usage des LBD, des armes que le défenseur des droits a déjà préconisé de retirer de l'arsenal de la police dans un précédent rapport, publié en janvier 2018.

"Les événements graves intervenus notamment lors de l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et des manifestations des 'Gilets jaunes' à la fin de l'année 2018 ont malheureusement confirmé l'actualité de nos constats et l'urgence de nos préconisations", lit-on dans le rapport annuel.

Les grenades explosives GLI-F4 présentent pour leur part "des risques disproportionnés dans la gestion des manifestations" et leur interdiction "doit intervenir avant qu'une nouvelle actualité dramatique ne l'impose".

Les autorités policières jugent indispensable le recours à ces équipements, qui permettent selon elles de maintenir les manifestants violents à bonne distance.

La gestion des "Gilets jaunes" a valu à la France des messages d'avertissement de la Haut commissaire de l'Onu aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, qui a réclamé que toute la lumière soit faite sur les éventuels cas de violences policières, et du Conseil de l'Europe, favorable à un retrait immédiat des LBD.

Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a regretté que Jacques Toubon occulte selon lui "l'essentiel" de sa mission en se focalisant sur les questions de sécurité, "comme si l'essentiel de la menace pour les droits en France était lié à la police."

"Or, quand on lit avec intérêt le rapport, on s'aperçoit que seules 1,5% des 95.800 saisines dont il a fait l'objet relèvent de questions de déontologie de la police", a-t-il réagi en marge d'un déplacement à Vélizy-Villacoublay (Yvelines).

"Sur la totalité de ces 1,5%, seuls 10% des faits font l'objet de remarques et de mises en cause de la part du Défenseur des droits [qui] oublie l'essentiel, l'essentiel des droits sur lesquels il est saisi."

(Simon Carraud, édité par Sophie Louet)