Un juge de Pennsylvanie rejette le recours déposé par le camp Trump

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Un juge de pennsylvanie rejette le recours depose par le camp trump[reuters.com]
(Crédits : Carlos Barria)

par Jan Wolfe et Andy Sullivan

WASHINGTON (Reuters) - Un juge fédéral a rejeté samedi un recours déposé par Donald Trump cherchant à invalider des millions de vote par correspondance en Pennsylvanie, où la victoire a été attribuée à Joe Biden.

Qualifiant la plainte de "monstre de Frankenstein", le juge Matthew Brann a estimé que les avocats du président sortant avaient présenté "un argument juridique sans fondement et des accusations spéculatives".

Le juge, en poste à Williamsport, a ajouté qu'il n'avait "pas le pouvoir de retirer le droit de vote à une seule personne, et encore moins à des millions de citoyens".

Longue à se dessiner du fait d'un recours massif au vote par correspondance qui a freiné les opérations de dépouillement, la victoire de Joe Biden en Pennsylvanie, qui désigne 20 des 538 grands électeurs du Collège électoral chargé d'élire le président des Etats-Unis, a fait basculer l'issue du scrutin du 3 novembre.

D'après les projections des grands réseaux de la télévision américaine et de l'institut Edison Research, le candidat démocrate est assuré de devenir le 46e président des Etats-Unis avec 306 voix au Collège électoral contre 232 pour son adversaire républicain (exactement l'inverse de l'élection présidentielle de 2016).

L'ancien vice-président de Barack Obama et son équipe continuent pour leur part de préparer la future administration.

Ron Klain, qui sera le chef de cabinet du futur président, a déclaré dimanche sur ABC que Biden dévoirait ce mardi le nom du premier des membres de son gouvernement. Il n'a pas indiqué quel ministère serait concerné par cette annonce.

Mais le camp Trump conteste toujours la défaite du président républicain et cherche à faire annuler les résultats dans plusieurs Etats décisifs, dont la Pennsylvanie et le Michigan, également remporté par Biden.

A ce jour, le président et ses avocats n'ont remporté que deux succès: dans le Nevada où la justice a prolongé les heures d'ouverture de certains bureaux de vote le 3 novembre et en Pennsylvanie, où quelques bulletins de vote provisoires ont été écartés (sans modifier l'issue du scrutin, Biden comptant plus de 80.000 voix d'avance en Pennsylvanie).

GIULIANI VEUT ALLER DEVANT LA COUR SUPRÊME

La plainte rejetée samedi par le juge Brann avait été déposée le 9 novembre. Elle alléguait de différences de traitement dans la comptabilisation des bulletins de vote par correspondance et en concluait à des incohérences.

"Cette plainte, comme le monstre de Frankenstein, a été assemblée sans cohérence", écrit le juge Brann, un républicain nommé par Barack Obama.

Dans un communiqué, Rudy Giuliani, l'avocat de Trump, a annoncé qu'il ferait appel devant la cour de Philadelphie, dont une majorité des juges ont été nommés par des présidents républicains (pas moins de quatre sont en poste sur décision de Trump).

"Il s'avère que la décision rendue ce jour nous aide dans notre stratégie d'aller rapidement devant la Cour suprême des Etats-Unis", ajoute l'ancien maire de New York.

Mais les résultats du scrutin présidentiel devraient être certifiés lundi en Pennsylvanie, et pour les avocats qui se sont opposés à la plainte Trump, l'appel n'aboutira pas.

"Cela devrait planter le dernier clou dans le cercueil des tentatives du président Trump d'utiliser les tribunaux fédéraux pour réécrire l'issue de l'élection 2020", a commenté Kristen Clarke, présidente du Lawyers' Committee for Civil Rights Under Law, le Comité des avocats pour les droits civiques.

La Pennsylvanie, où il s'était imposé il y a quatre ans face à Hillary Clinton, est une pièce essentielle de la stratégie inédite mise en branle par Donald Trump pour tenter d'annuler le vote populaire et de se maintenir pour un second mandat à la Maison blanche.

Son camp vise aussi la Georgie, l'Arizona et le Michigan, mais sans succès à ce stade.

TRUMP: "FAIRE CE QUI DOIT ÊTRE FAIT POUR ASSURER L'INTÉGRITÉ DE NOS ÉLECTIONS ET DES ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE EUX-MÊMES"

Après avoir tablé en vain sur des nouveaux décomptes des bulletins de vote et sur des recours devant les tribunaux, Trump et son camp en appellent désormais très directement aux instances législatives d'Etats clefs contrôlés par le Parti républicain, qu'ils tentent de convaincre d'annuler le vote populaire et de désigner elles-mêmes les grands électeurs attribués représentant leur Etat au Collège électoral.

"Espérons que les tribunaux et/ou les législatures auront le COURAGE de faire ce qui doit être fait pour assurer l'intégrité de nos élections et des Etats-Unis d'Amérique eux-mêmes", a écrit Trump sur Twitter après le verdict du juge Brann.

Dimanche, il a rajouté: "Luttez avec acharnement, républicains ! Ne les laissez pas détruire les preuves."

Les responsables chargés des élections à travers le pays ont dit n'avoir aucune preuve d'une fraude électorale significative et l'Agence fédérale de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA), créée en 2018 par l'administration Trump, a certifié que le scrutin avait été "le plus sûr de l'histoire américaine" (son patron, Chris Krebs, a été limogé depuis par Donald Trump)

Mais en refusant depuis quinze jours désormais de reconnaître sa défaite, Donald Trump alimente un climat de doute et de suspicion parmi la base de ses électeurs quant à l'intégrité du processus électoral.

Interrogé sur cette situation par la presse dans son QG de Wilmington, dans le Delaware, Joe Biden a estimé jeudi que les Américains "étaient les témoins d'une incroyable irresponsabilité, de messages incroyablement préjudiciables envoyés au reste du monde sur la façon dont fonctionne une démocratie et (...) je ne connais pas ses motifs mais je pense que c'est totalement irresponsable".

Le Collège électoral doit élire le futur occupant de la Maison blanche le 14 décembre.

(avec Doina Chiacu à Washington; version française Camille Raynaud et Henri-Pierre André)