Macron cherche le dialogue face à la défiance des agriculteurs

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Macron au salon de l'agriculture pour une journee marathon[reuters.com]
(Crédits : Pool New)

PARIS (Reuters) - Pour sa première visite au Salon de l'agriculture en tant que président, Emmanuel Macron s'est efforcé samedi de répondre aux multiples inquiétudes des producteurs, éprouvés par des crises chroniques et préoccupés par les bouleversements à venir, sans échapper par deux fois à des salves de sifflets.

Politique agricole commune (PAC), négociations commerciales avec la grande distribution et les industriels, tractations entre l'Union européenne et l'Amérique du Sud, interdiction future du glyphosate : les exploitants agricoles ont dressé devant lui l'inventaire de leurs craintes.

De manière générale, sa promesse d'un "printemps" de l'agriculture française peine à convaincre dans le monde rural.

"Je sais l'importance qu'a notre agriculture, je sais les attentes, les angoisses et la souffrance sur le terrain", a assuré le président français lors d'une table ronde avec des représentants syndicaux organisée à son arrivée à la porte de Versailles, à Paris.

Mais, a-t-il ajouté, "je suis convaincu qu'il y a un avenir certain pour notre agriculture, mais à inventer ensemble. Il y a des décisions difficiles à prendre dans certains secteurs."

Emmanuel Macron a ensuite déambulé dans les allées du Salon, point de rendez-vous rituel entre agriculteurs et dirigeants politiques, en multipliant les conciliabules dans une atmosphère tantôt chaleureuse, tantôt électrique.

Son tour du Salon, qui a débuté avant l'ouverture au public et s'est poursuivi au-delà de la fermeture, a duré au total plus de douze heures, avec des étapes auprès de toutes filières.

"VOUS VOUS CALMEZ"

Essuyant dans la matinée des sifflets, il a modifié son itinéraire pour engager le dialogue avec des céréaliers, qui protestaient à la fois contre la perspective d'un accord de libre-échange avec le Mercosur, le marché commun d'Amérique du Sud, et contre l'interdiction programmée du glyphosate.

Cet échange a démarré dans des conditions houleuses, Emmanuel Macron défendant sur un ton vif le bannissement d'ici trois ans de cet herbicide aux effets potentiellement néfastes sur la santé.

"On est calme, vous vous calmez s'il vous plaît", lui a rétorqué l'un de ses deux interlocuteurs.

"Vous êtes calmes ? (...) Vous m'avez sifflé dans le dos depuis tout à l'heure. Donc (...) le calme, ce n'est pas vous qui le donnez", leur a répondu le président, avant que la discussion ne reprenne pendant une dizaine de minutes.

Les exploitants redoutent les effets du possible accord UE-Mercosur, qui risque selon eux de se traduire par des importations massives de denrées sud-américaines et de mettre par conséquent en péril des milliers de fermes en France.

Les producteurs craignent en particulier une concurrence déloyale de la part de leurs homologues, de l'autre côté de l'Atlantique, qui ne sont pas soumis aux mêmes normes.

"On a mis des lignes rouges sur certains points, dans la viande, dans l'éthanol, dans le sucre", a dit Emmanuel Macron aux deux céréaliers face à lui. "Le social et l'environnemental, que je vous demande de respecter en France, je demanderai qu'ils soient respectés pour les non-Européens."

Au nombre des motifs d'inquiétude pour les producteurs figurent également les négociations commerciales, censées s'achever la semaine prochaine, qui se passent "très mal" selon la FNSEA, premier syndicat du monde agricole.

OEUF

Autre point épineux : le devenir de la PAC une fois que la Grande-Bertagne, contributeur net au budget européen, aura rompu les amarres.

"Il ne faut pas que la PAC diminue plus que la part britannique", a déclaré Emmanuel Macron, interrogé sur la question.

Le Salon, auquel les chefs d'Etat successifs ont pris l'habitude de consacrer des journées marathon, n'est pas sans risque pour leur image, à plus forte raison pour un Emmanuel Macron dépeint par l'opposition en président des villes.

L'édition 2008 avait été marquée par l'insulte de Nicolas Sarkozy - "Casse-toi pauvre con" - adressée à un homme qui refusait de lui serrer la main.

Pendant la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron a lui-même reçu un oeuf sur la tête, un incident qu'il avait qualifié de "folklore" avant de se féliciter de "l'accueil chaleureux reçu par ailleurs".

En amont du Salon de cette année, qui se tient jusqu'au 4 mars, l'ex-ministre de l'Economie s'était efforcé d'en minimiser l'enjeu, jeudi, lors d'une rencontre avec la "génération Y" de l'agriculture réunie à l'Elysée.

"Je vais être très clair avec vous, je ne construis pas l'ambiance de samedi prochain, je m'en moque totalement, je construis le visage de la France agricole des prochaines années, il n'y a que ça qui m'importe", avait-il alors déclaré au millier de jeunes agriculteurs invités à l'Elysée.

(Marine Pennetier et Simon Carraud, édité par Pierre Sérisier)