France : Les fonctionnaires élisent leurs délégués syndicaux

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Les fonctionnaires elisent leurs delegues syndicaux[reuters.com]
(Crédits : Pool New)

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - Les 5,2 millions d'agents de la Fonction publique ont commencé jeudi à élire leurs délégués syndicaux, un scrutin qui fixera le rapport de force avec le gouvernement à quelques mois d'une réforme d'ampleur de leur métier voulue par Emmanuel Macron.

En 2014, date des dernières élections, la CGT avait conservé sa première place dans les trois versants de la Fonction publique confondus (Etat, territoriale et hospitalière), mais subi de lourdes pertes (-2,3 points), notamment dans la Fonction publique d'Etat où elle est passée de la deuxième à la cinquième place. Les résultats seront connus le 11 décembre.

Sa déconvenue avait profité à Force ouvrière, qui avait conservé sa première place dans la Fonction publique d'Etat, ainsi qu'à l'Unsa, qui avait le plus fortement progressé tous collèges confondus. La CFDT avait maintenu sa deuxième place sans connaître de réels changement dans son audience.

Cette année, les cartes sont rebattues. FO espère limiter les pertes, après la démission fracassante de son secrétaire général Pascal Pavageau à la mi-octobre et les révélations sur des fichiers injurieux envers ses cadres.

La CFDT, qui est devenue numéro un dans le privé en 2017, s'est donné pour objectif de dépasser la CGT secteurs public et privé confondus. Il faudrait pour cela qu'elle rattrape un écart combiné de 20.000 voix : "ambitieux mais pas impossible", selon la secrétaire générale de la fédération, Mylène Jacquot.

"Est-ce que les organisations plutôt réformistes vont prendre le dessus sur les organisations non réformistes? C'est très difficile aujourd'hui à dire", analyse Raymond Soubie, directeur du cabinet de conseil Alixio et ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy.

Mais si la CFDT atteignait son objectif, ce mouvement ne traduirait "pas tant la progression de la CFDT que la décroissance de la CGT", ajoute-t-il, en s'appuyant sur l'exemple du secteur privé.

La CGT a pourtant maintenu son influence lors des élections professionnelles de la SNCF la semaine dernière, alors qu'elle perdait des voix depuis une quinzaine d'années.

UNE PARTICIPATION EN BERNE

Pour ce qui est de FO, les questionnements sont entiers. "Cette affaire affecte surtout les militants", dit à Reuters le secrétaire général adjoint de FO-Fonctionnaires, Claude Simoneau. "Mais on n'a pas eu de défections ou de départs en nombre de ces derniers. Nous sommes assez confiants."

La baisse de la représentativité de la CGT aux dernières élections avait coïncidé avec les révélations sur le train de vie du secrétaire général de la centrale de l'époque, Thierry Lepaon, contraint à la démission en janvier 2015.

Les syndicats souhaitent également asseoir leur légitimité face au gouvernement, à quelque mois d'une réforme cruciale qui prévoit un recours accru aux contractuels, une rémunération au mérite, la fusion de certaines instances de représentation, ou encore une mobilité facilitée - la mise en place d'un plan de départs volontaires pour les hauts fonctionnaires, par exemple.

Le gouvernement a déjà annoncé qu'il comptait supprimer 120.000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat, dont 50.000 dans la fonction publique d'Etat.

Or, la participation est en baisse dans le public, ce qui pose la question de la représentativité des organisations syndicales. Elle était de 52,8% en 2014, contre 54,6% en 2011.

Si la participation devait passer sous "la barre fatidique et symbolique des 50%", "on ne s'exonèrera pas", dit Jean-Marc Canon, secrétaire général de l'Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT.

DEUX TYPES DE SYNDICALISME

Rien pour l'instant ne lui permet de penser que ce sera le cas. Mais le mouvement de colère des "Gilets jaunes" contre la hausse du prix des carburants a traduit la désaffection des Français pour les syndicats, en montrant que des anonymes pouvaient mobiliser davantage par Internet que des organisations structurées.

"Est-ce que la politique effrénée d'Emmanuel Macron et du gouvernement sur la Fonction publique depuis un an (...) aura pour effet de canaliser le mécontentement du personnel ?" se demande Jean-Marc Canon.

"Ou est-ce qu'au contraire, ça va avoir un effet de fatalité (...), des salariés qui disent: 'à quoi bon me prononcer, seules les éventuelles actions de type 'Gilets jaunes' peuvent avoir une influence'?"

Pour la CFDT, c'est l'occasion d'appeler à "un changement de syndicalisme" avec "davantage de négociation, davantage de dialogue social de proximité" et sortir d'une "culture du conflit". "Le conflit, ça n'amène pas à grand-chose, on est souvent dans la réaction", dit Mylène Jacquot.

Le syndicalisme revendicateur a encore toute sa place, rétorquent FO et la CGT. "Pour négocier il faut être à deux. La négociation c'est la confrontation des idées et des visions différentes, avec un interlocuteur qui vous écoute", dit Claude Simoneau.

"Quand les gouvernements successifs, quelle que soit leur couleur politique, ne prennent pas en compte suffisamment ce que nous disons (...) on appelle à l'action sans avoir de remord", ajoute Jean-Marc Canon.

Certaines organisations regrettent un "émiettement" de la scène syndicale qui affaiblit, selon elles, leur voix face au gouvernement. Neuf organisations siègent en effet au Conseil commun de la Fonction publique (CCFP) qui négocie les accords relatifs à l'ensemble des versants.

(Edité par Yves Clarisse)