Djihadistes : L'Europe temporise face aux pressions de Trump et des Kurdes

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Djihadistes: l'europe temporise face aux pressions de trump et des kurdes[reuters.com]
(Crédits : Carlos Barria)

BRUXELLES/BEYROUTH (Reuters) - La France, l'Allemagne et plusieurs autres pays européens ont temporisé lundi face aux pressions de Donald Trump et des Kurdes syriens qui les exhortent à organiser le rapatriement collectif de leurs djihadistes capturés en Syrie.

Ces détenus sont une "bombe à retardement" et les pays dont ils sont originaires doivent en assumer la responsabilité, a averti lundi un haut responsable de la région autonome kurde dans le nord de la Syrie tandis que samedi soir, Donald Trump a sommé ses alliés européens de les reprendre pour les traduire en justice. "L'alternative n'est pas bonne, car nous serons obligés de les relâcher", a prévenu le président américain.

Avec l'aide des Etats-Unis, les Forces démocratiques syriennes, dominées par les combattants kurdes, sont sur le point de réduire la dernière poche du groupe Etat islamique dans l'est de la Syrie.

Abdulkarim Omar, co-responsable des relations internationales du Rojava, a déclaré que les combattants de l'Etat islamique (EI) détenus par les Kurdes étaient pour l'instant au nombre d'environ 800, auxquels s'ajoutent quelque 700 femmes et 1.500 enfants dans des camps pour déplacés, mais que des dizaines d'autres détenus et leurs proches arrivent chaque jour.

Une cinquantaine de nationalités sont représentées parmi ces djihadistes, a précisé le responsable kurde.

"Nous ne les relâcherons pas. Jamais nous ne pourrions faire cela", a affirmé Abdulkarim Omar.

Mais, a-t-il ajouté, ces prisonniers sont une "bombe à retardement" et pourraient s'évader à la faveur d'un assaut de la Turquie contre la zone autonome. Ankara considère les YPG (Unités de protection du peuple), les milices kurdes du nord de la Syrie, comme un groupe terroriste et menace régulièrement de les attaquer.

"Il semble que la plupart des pays ont décidé qu'ils en avaient fini avec eux et de les laisser là. Mais c'est une très grave erreur", a souligné le responsable kurde.

"LA FRANCE NE RÉPOND PAS AUX INJONCTIONS"

Depuis que Donald Trump a annoncé le retrait des troupes américaines de Syrie en décembre dernier, les alliés européens de Washington ont engagé des discussions urgentes avec les Etats-Unis pour gérer ce problème des djihadistes capturés.

Mais, dit un haut responsable européen de la sécurité, le tweet envoyé samedi soir par le président américain a "changé la donne".

Si les djihadistes détenteurs de passeports de pays membres de l'UE ont le droit de faire appel aux services consulaires pour regagner leur pays, même si cela signifie qu'ils seront traduits en justice, la plupart des pays estiment pour l'heure qu'ils n'ont pas le pouvoir d'agir dans le nord de la Syrie, une zone grise juridique où les détenus sont contrôlés par des forces non étatiques.

"A ce stade, la France ne répond pas aux injonctions et garde la politique qu'elle avait, c'est-à-dire un accueil au cas par cas", a déclaré la ministre française de la Justice, Nicole Belloubet, lundi matin sur France 2.

"Lorsque des personnes de retour des terrains de combat arrivent, nous les judiciarisons", a-t-elle ajouté. "Pour le moment nous restons sur cette politique-là."

On estime de sources françaises à environ 150 le nombre de ressortissants français, dont une cinquantaine d'adultes, détenus ou retenus dans le nord-est de la Syrie par les FDS.

"PAS AUSSI SIMPLE"

En Allemagne, un porte-parole du ministère de l'Intérieur a déclaré que "tous les citoyens allemands, y compris ceux qui sont soupçonnés d'avoir été membres de l'Etat islamique, ont le droit fondamental" de revenir en Allemagne.

"Ce n'est clairement pas aussi simple que ne l'affirment les Etats-Unis", a cependant déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, lors d'une réunion avec ses homologues de l'UE à Bruxelles. "Ces personnes pourront venir en Allemagne uniquement si nous pouvons garantir qu'elles seront immédiatement placées en détention. La façon dont tout cela sera garanti n'est pas claire à mes yeux."

"Nous faisons tout notre possible pour enfermer ces personnes. Je ne peux pas comprendre cette annonce de Trump", a réagi la ministre autrichienne des Affaires étrangères, Karin Kneissel.

Le ministre belge de la Justice, Koen Geens, a plaidé dimanche pour une approche européenne de la question.

Sur les plus de 5.000 Européens - majoritairement originaires de Grande-Bretagne, France, Allemagne et Belgique - qui ont rejoint les rangs de l'EI en Irak et en Syrie, environ 1.500 ont regagné leur pays, selon les estimations d'Europol.

(Ellen Francis à Beyrouth, Philip Blenkinsop à Bruxelles, Caroline Pailliez à Paris; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)