Chemin périlleux pour Macron après l'échec de la négociation chômage

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Modef meeting at elysee palace in paris[reuters.com]
(Crédits : Pool)

par Jean-Baptiste Vey et Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - L'échec de la négociation sur l'assurance chômage place Emmanuel Macron et Edouard Philippe dans une situation délicate en les poussant à clarifier leur politique, au risque d'attiser les tensions et de fragiliser leur programme de réformes.

Les organisations patronales et syndicales ont interrompu mercredi leurs discussions après une ultime séance, faute d'avoir pu s'entendre sur la mise en place d'un bonus-malus censé pénaliser le recours aux contrats courts.

L'Elysée et Matignon leur avaient demandé de résoudre une équation explosive politiquement : réaliser 3 à 3,9 milliards d'euros d'économies sur trois ans, ce qui suppose de réduire certains droits des salariés, et créer un mécanisme anti-contrats courts farouchement rejeté par les entreprises.

Les partenaires sociaux ayant jeté l'éponge, l'exécutif devra seul assumer des choix qu'il sait impopulaires mais qu'une partie au moins de ses équipes juge indispensables.

"Les trois grandes réformes de cette année - assurance chômage, fonction publique et retraites - sont à faire, les trois seront faites", assure une source au sein de l'exécutif.

"Notre problème économique fondamental, c'est ce chômage structurel qui fait qu'on n'a pas assez de croissance, qu'on ne peut pas redistribuer de pouvoir d'achat, qu'on ne peut pas financer suffisamment bien les services publics", ajoutait-elle.

Pour y remédier, l'Elysée et Matignon estiment qu'il faudra durcir certaines règles de l'indemnisation du chômage, pour générer des économies et surtout pour accroître les incitations à reprendre un emploi et à travailler davantage.

Dans leur ligne de mire en particulier : des modifications des règles d'indemnisation intervenues ces dernières années, qui ont rendu plus attractive la "permittence" - les allers-retours entre périodes d'emploi et de chômage indemnisé.

"On a des règles qui favorisent le recours au travail précaire, tant du côté des employeurs, que des demandeurs d'emplois. C'est absurde", a dénoncé la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, mercredi matin, sur BFM TV.

DOUBLE RISQUE

Alors que la crise des "Gilets jaunes" perdure, l'exécutif s'expose à un double risque : accroître la colère de ceux qui peinent à vivre dignement et marginaliser encore un peu plus les partenaires sociaux, médiateurs des revendications des salariés et des chefs d'entreprise, nombreux dans les manifestations.

Muriel Pénicaud, qui s'exprimait quelques heures avant l'échec des négociations, avait confirmé sur BFM TV que le gouvernement reprendrait la main sur la réforme de l'assurance chômage si les discussions étaient interrompues.

L'Elysée avait précisé lundi qu'en cas d'échec, l'exécutif tenterait de maintenir les partenaires sociaux dans la boucle.

"Le gouvernement ne fera pas seul, les partenaires sociaux auront un rôle à jouer" même si l'exécutif modifie les règles de l'assurance chômage par décret, avait dit une source.

"Le ministère du Travail a bien l'intention de concerter l'ensemble des acteurs concernés", avait-elle ajouté.

Le patronat et la CFDT ont appelé à une réunion tripartite sur la suite du processus avec le ministère du Travail. Ce dernier n'a pas encore dit quand se tiendraient ces discussions.

Selon plusieurs sources, l'exécutif aurait préféré un accord des partenaires sociaux, à condition cependant qu'il soit ambitieux, ce qui explique l'irruption d'Emmanuel Macron dans le processus de négociation pour défendre le bonus-malus.

La date des décisions de l'exécutif n'est pas connue, alors que le "grand débat national" lancé par le président pour tenter de sortir de la crise des "Gilets jaunes" s'achèvera mi-mars.

"Dans la situation que nous connaissons, éliminer les partenaires sociaux est dangereux", prévenait Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du cabinet de conseil Alixio, avant l'échec des négociations.

Selon lui, la crise des "Gilets jaunes" reflète notamment "l'affaiblissement des échelons politiques et l'affaiblissement des corps intermédiaires" et l'exécutif doit se méfier de la tentation d'établir partout un rapport direct avec les citoyens.

"C'est très difficile pratiquement et ça peut aboutir à une absence de démocratie. Au nom de la démocratie directe, ça peut aboutir à une absence de démocratie", ajoutait-il.

(Edité par Yves Clarisse)