Le Sénat saisit la justice dans l'enquête sur les sociétés de conseil

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Le senat saisit la justice dans l'enquete sur les societes de conseil[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Le Sénat a indiqué vendredi avoir saisi la justice pour suspicion de faux témoignage dans le cadre d'une commission d'enquête sur l'influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques.

La chambre haute du Parlement français indique dans un communiqué qu'au cours d'une audition sous serment devant la commission d'enquête, un directeur associé de McKinsey a déclaré en janvier dernier que le cabinet payait l'impôt sur les sociétés en France.

Mais selon le Sénat, une enquête menée par des sénateurs a montré que le cabinet de conseil "n'a pas payé d'impôts sur les sociétés en France depuis au moins 10 ans".

"Ces faits ont été étayés par deux contrôles sur pièces et sur place menés au ministère de l'Economie et des Finances", ajoute la chambre haute.

"Dans le respect de la séparation des pouvoirs, il appartient désormais à la justice de statuer sur ce signalement", poursuit le Sénat.

Sollicité par Reuters, McKinsey n'a pas commenté dans l'immédiat la décision du Sénat de saisir la justice.

Un porte-parole du cabinet a renvoyé à un communiqué diffusé la semaine dernière dans lequel McKinsey déclare avoir payé "de l'ordre de 422 millions d'euros d'impôts et de charges sociales" entre 2011 et 2020.

"Le cabinet est assujetti à l'impôt sur les sociétés en France, et a payé cet impôt les années où le cabinet a réalisé des bénéfices en France", a indiqué McKinsey.

"S'agissant des prix de transferts, McKinsey a une approche qui n'est pas spécifique à la France et qui s'applique aux différents pays où il est présent. Cette approche est connue de l'administration fiscale française", poursuit le cabinet, qui dit se tenir à la disposition de la commission d'enquête du Sénat pour toute précision.

Interrogé sur franceinfo, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a déclaré que le recours à des cabinets de conseil était fréquent dans la sphère publique, tout en indiquant qu'une enquête judiciaire visant McKinsey était en cours, sans donner plus de détails.

"Il y a toujours eu un recours aux cabinets de conseil. (...) Et effectivement, il y a une augmentation des cabinets d'experts auxquels l'Etat a eu recours pendant la crise sanitaire pour accompagner le déploiement de la campagne de vaccination, notamment", a dit Gabriel Attal.

"Est-ce que ça veut dire qu'on considère que le recours à des experts peut ou doit se faire sans cadre? Evidemment non. Et le PR (président de la République, NDLR) a eu l'occasion de le rappeler: il faut que ce soit fait avec parcimonie", a ajouté le porte-parole du gouvernement.

Dans un rapport rendu public le 16 mars dernier, le Sénat a fait savoir que l'Etat français avait dépensé l'an dernier plus d'un milliard d'euros en prestations de conseil.

"Ces dépenses ont plus que doublé depuis 2018, ce qui interroge à la fois notre vision de l'État et de sa souveraineté face à des cabinets privés et la bonne utilisation de nos deniers publics", souligne la commission d'enquête sénatoriale.

"Des pans entiers des politiques publiques ont été sous-traités à des cabinets privés: crise sanitaire, réforme de l'aide juridictionnelle, radars routiers, évaluation de la stratégie nationale de santé", poursuit-elle.

"Le recours aux consultants est ainsi devenu un réflexe pour un État qui donne parfois l'impression qu'il 'ne sait plus faire', malgré le dévouement de ses propres agents", peut-on encore lire.

(Reportage Sarah Morland, Tassilo Hummel, Matthieu Protard et Nicolas Delame, édité par Jean-Michel Bélot)