Depuis la réforme de l'apprentissage en 2018, jamais le nombre de contrats n'a été aussi élevé en France. 370.000 en 2019, 520.000 en 2020, près de 720.000 en 2021, et probablement 900.000 cette année. En supprimant certaines rigidités - administratives notamment -, en soutenant financièrement ces contrats, et en laissant aussi plus de pouvoir aux entreprises, cette reforme a donné un élan à ce dispositif. Il permet à des jeunes de 16 à 29 ans d'alterner des cours théoriques dans un centre de formation en apprentissage (CFA) ou dans un établissement du supérieur et une formation pratique en entreprise.
L'apprentissage est une solution pour les jeunes qui cherchent à s'insérer dans le monde professionnel. Il a contribué à faire baisser le chômage des jeunes - évalué à 15,9 % à la fin de 2021, soit un niveau qui n'a pas été aussi bas depuis 1981. Un bilan qu'Emmanuel Macron, en campagne pour un second mandat, entend bien mettre en avant, notamment ce lundi en déplacement à Dijon.
Selon les calculs des experts de l'OFCE, la France dépenserait entre 3 et 5 milliards d'euros par an pour financer ce dispositif. Ces contrats d'apprentissage sont donc largement aidés. Autrement dit, ils subventionnent l'inversion de la courbe. Ainsi l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) souligne-t-il, dans une note en date du 17 mars, que "la très forte baisse du taux de chômage des jeunes reposerait donc sur une contribution très importante de l'apprentissage, dopée par un niveau de subvention atypique".
Mais au-delà de ces bons résultats d'insertion professionnelle des jeunes, les dispositifs d'aide à l'apprentissage ont en réalité grandement participé à la baisse générale du chômage depuis deux ans. Selon les experts de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFDE), "plus de la moitié des emplois totaux créés en France de fin 2019 à fin 2021 sont des contrats d'apprentissage", affirment-ils à La Tribune.
Un système largement subventionné
De quoi ainsi justifier les larges subventions accordées à l'apprentissage. L'exécutif s'est en effet montré généreux afin de soutenir les embauches de jeunes par les entreprises pendant la crise. Il a distribué des primes aux sociétés, quelle que soit leur taille et leur secteur : 5.000 euros pour l'embauche d'un apprenti de moins de 18 ans, 8.000 pour un jeune majeur. Comme les contrats d'apprentis bénéficient par ailleurs des exonérations de cotisations patronales et salariales, l'embauche d'un apprenti la première année est quasiment gratuite pour l'entreprise. Et pour ne pas prendre le risque de casser la croissance, le gouvernement n'a eu de cesse de prolonger ces aides... qui courent jusqu'à la fin du mois de juin 2022.
Mais ces dispositifs suscitent des critiques. Des chercheurs, comme Bruno Coquet, s'inquiètent en effet que cette subvention concerne notamment les jeunes les plus diplômés, ceux de l'enseignement supérieur, qui entrent en apprentissage. Dans un billet de blog, ce chercheur associé à l'OFCE note en effet que ces "aides exceptionnelles ont provoqué une hausse de +167% des entrées en apprentissage de Bac +2, mais de seulement + 37% des nouveaux contrats d'apprentis préparant un niveau Bac."
Selon une analyse de la Cour des comptes, publiée en décembre dernier, "l'essentiel des nouvelles places créées en apprentissage ont profité aux élèves capables de suivre un cursus long, et a finalement peu bénéficié aux publics les plus vulnérables".
Quel est alors l'effet de substitution à de "vraies" embauches ? Alors que la reprise a boosté les besoins en main d'œuvre, combien d'entreprises se sont tournées vers l'apprentissage pour bénéficier des aides alors qu'elles auraient pu recruter des jeunes en CDD ou CDI classiques ? Difficile de répondre clairement à la question. Mais selon l'OFCE, ce serait massif.
Un coût ou un investissement d'avenir ?
Outre l'effet d'éviction par rapport au chômage, le coût de l'apprentissage pour les finances publiques est donc très élevé. Pour financer ces primes - distribuées sans limite - l'Etat a puisé dans le fameux "quoi qu'il en coute". Mais aussi dans le plan de relance ou encore dans les budgets du plan "un jeune, une solution".
"Mais après 20 ans de chômage de masse des jeunes, que faut-il mieux ?", s'agace un conseiller proche d'Emmanuel Macron. "Laisser ces jeunes dans la difficulté ou les accompagner, même si ça coûte cher, vers l'insertion. L'apprentissage, c'est un investissement d'avenir !". Selon une étude de la Darès de 2019, près de 7 apprentis sur 10 trouvent un job dans le semestre qui suit leur formation.
De leur côté, les économistes de l'OFCE s'interrogent sur la dynamique à venir. Et de dessiner trois scénarios. Soit la hausse des contrats en apprentissage relève d'une effet de "substitution dominant" et dans ce cas le "niveau de l'emploi se maintiendrait". Car des embauches en CDI se substitueraient au surcroît d'entrées en apprentissage observé depuis la mi-2020.
Soit la flambée actuelle des contrats d'apprentissage relève de l'effet d'aubaine. Les entreprises ont alors recruté "gratuitement" ces jeunes grâces aux dispositifs d'aide, mais elles ont déjà prévu de les embaucher définitivement.
Troisième scénario, enfin : celui d'un effet d'opportunité. Ces embauches "gratuites" n'auraient pas eu lieu sans l'aide exceptionnelle, et elles risquent de disparaître sans que ces emplois soient remplacés par d'autres, apprentis ou non". La contribution très positive de l'aide exceptionnelle à l'emploi marchand deviendrait fortement négative avec le retrait de celle-ci", notent les experts de l'OCDE.
Si Emmanuel Macron est élu pour un second mandat, il est probable qu'il prolongera les aides aux entreprises ... au moins jusqu'à la fin de cette année.
Selon une analyse de la Cour des comptes, publiée en décembre dernier, "l'essentiel des nouvelles places créées en apprentissage ont profité aux élèves capables de suivre un cursus long, et a finalement peu bénéficié aux publics les plus vulnérables".
Quel est alors l'effet de substitution à de "vraies" embauches ? Alors que la reprise a boosté les besoins en main d'œuvre, combien d'entreprises se sont tournées vers l'apprentissage pour bénéficier des aides alors qu'elles auraient pu recruter des jeunes en CDD ou CDI classiques ? Difficile de répondre clairement à la question. Mais selon l'OFCE, ce serait massif.
Un coût ou un investissement d'avenir ?
Outre l'effet d'éviction par rapport au chômage, le coût de l'apprentissage pour les finances publiques est donc très élevé. Pour financer ces primes - distribuées sans limite - l'Etat a puisé dans le fameux "quoi qu'il en coute". Mais aussi dans le plan de relance ou encore dans les budgets du plan "un jeune, une solution".
"Mais après 20 ans de chômage de masse des jeunes, que faut-il mieux ?", s'agace un conseiller proche d'Emmanuel Macron. "Laisser ces jeunes dans la difficulté ou les accompagner, même si ça coûte cher, vers l'insertion. L'apprentissage, c'est un investissement d'avenir !". Selon une étude de la Darès de 2019, près de 7 apprentis sur 10 trouvent un job dans le semestre qui suit leur formation.
De leur côté, les économistes de l'OFCE s'interrogent sur la dynamique à venir. Et de dessiner trois scénarios. Soit la hausse des contrats en apprentissage relève d'une effet de "substitution dominant" et dans ce cas le "niveau de l'emploi se maintiendrait". Car des embauches en CDI se substitueraient au surcroît d'entrées en apprentissage observé depuis la mi-2020.
Soit la flambée actuelle des contrats d'apprentissage relève de l'effet d'aubaine. Les entreprises ont alors recruté "gratuitement" ces jeunes grâces aux dispositifs d'aide, mais elles ont déjà prévu de les embaucher définitivement.
Troisième scénario, enfin : celui d'un effet d'opportunité. Ces embauches "gratuites" n'auraient pas eu lieu sans l'aide exceptionnelle, et elles risquent de disparaître sans que ces emplois soient remplacés par d'autres, apprentis ou non". La contribution très positive de l'aide exceptionnelle à l'emploi marchand deviendrait fortement négative avec le retrait de celle-ci", notent les experts de l'OCDE.
Si Emmanuel Macron est élu pour un second mandat, il est probable qu'il prolongera les aides aux entreprises ... au moins jusqu'à la fin de cette année.