Après le Grand débat, un « petit soir fiscal » ?

Édouard Philippe a annoncé « des mesures puissantes et concrètes ». De nombreuses options fiscales sont sur la table.
Grégoire Normand
Nous devons baisser les impôts, a confirmé Edouard Philippe mais Gérald Darmanin est réticent à diminuer la TVA.
"Nous devons baisser les impôts", a confirmé Edouard Philippe mais Gérald Darmanin est réticent à diminuer la TVA. (Crédits : Benoit Tessier)

Après le « ras-le-bol fiscal », le mot passé à la postérité lancé en 2013 par l'ancien ministre des Finances Pierre Moscovici, place à l'« exaspération fiscale » comme l'a pointé le Premier ministre, Édouard Philippe, en conclusion du Grand débat sous la nef du Grand Palais lundi 8 avril. Preuve que, si les années passent, la fiscalité alimente toujours le mécontentement des Français. Pour tenter d'apaiser cette colère, « nous devons baisser, et baisser plus vite, les impôts, a-t-il clamé. Les Français ont aussi compris avec beaucoup de maturité, beaucoup plus en tout cas que certains acteurs institutionnels du débat politique, qu'on ne peut pas baisser les impôts si on ne baisse pas la dépense publique », a-t-il ajouté. Dans un contexte de ralentissement économique, cette promesse pourrait s'avérer difficilement tenable pour le gouvernement, qui table désormais sur une croissance de seulement 1,4 % jusqu'en 2022, contre 1,7 % précédemment.

Plus de cinq mois après la première mobilisation des « gilets jaunes » contre la taxe carbone, le chef du gouvernement a livré devant un parterre de 500 personnes les premiers résultats de l'immense consultation entamée le 15 janvier. Il a profité de cette restitution pour esquisser plusieurs axes de travail autour de la fiscalité, l'écologie ou la démocratie. Ce moment attendu comme le début de l'acte II de la présidence Macron pourrait s'avérer décisif au moment où le mouvement des « gilets jaunes » perd du terrain, selon les récents chiffres du ministère de l'Intérieur. S'il n'a pas annoncé de véritable « big bang fiscal », Édouard Philippe a promis que « les annonces du président de la République seront puissantes et concrètes ».

Des pistes à confirmer

Sans surprise, les contributions indiquent avant tout que les impôts et taxes sont trop élevés. Les résultats rapportés par le cabinet Roland Berger signalent également que « l'effort fiscal est mal réparti, il pèse sur les classes moyennes et le travail ». Viennent ensuite « la fraude et l'évasion fiscales qui sont des scandales inacceptables, le niveau élevé des dépenses publiques, l'endettement du pays [...]. En matière de fiscalité, il est normal que ceux qui ont plus payent plus ». Cette demande de justice fiscale est « la mère de toutes les batailles » avait répété le dirigeant de la CFDT, Laurent Berger, en décembre dernier, réclamant « une vaste réforme fiscale ».

Lire aussi : Grand débat national : « Rien ne sera comme avant » (Sibeth Ndiaye)

Parmi les mesures proposées dans le cadre du Grand débat, la baisse de la TVA est celle qui obtient le plus de résultats favorables. 28,2 % des participants souhaitent une diminution de cette taxe sur la consommation et plus particulièrement la TVA sur les produits de première nécessité. Mais cette idée ne semble pas avoir séduit le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin. Une telle baisse « n'est pas l'idée la plus facile à mettre en oeuvre, ni le meilleur moyen de soutenir le pouvoir d'achat [...] La difficulté avec la TVA, c'est que la baisse ne se répercute pas au profit du consommateur. » Une récente note de l'institut des politiques publiques (IPP) montrait que la baisse de la TVA dans la restauration mise en oeuvre sous le mandat de Nicolas Sarkozy « a essentiellement profité aux restaurateurs ».

> Lire aussi : Grand débat national : l'heure de la conclusion

Une refonte de l'impôt sur le revenu figure aussi parmi les priorités : 18,8 % des participants jugent qu'il faut réduire cet impôt. « L'entrée dans l'impôt sur le revenu est brutale et peut décourager les Français de reprendre un travail. Cette question pourrait être discutée en sortie du grand débat », a expliqué récemment le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. « Si le choix du Parlement est de baisser l'impôt sur le revenu, cela se verra plus rapidement [avec le prélèvement à la source, ndlr] » souligne de son côté Gérald Darmanin. La création de tranches supplémentaires permettrait de rendre cette fiscalité plus progressive et de lisser les effets de seuil. Actuellement, il existe cinq tranches d'impôts sur le revenu en France (0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 %).

Haro sur les niches fiscales

Comment financer cette baisse de l'IR : 11,8 % des contributeurs ont estimé qu'il fallait supprimer les niches fiscales, donnant raison au ministre des Comptes publics qui a plusieurs fois remis en cause ce maquis fiscal (il y en aurait plus de 470) avant de se faire retoquer par le président de la République. Dans une récente interview au Journal du Dimanche, Darmanin a expliqué que « ce qui mine la progressivité de l'impôt sur le revenu, c'est l'optimisation fiscale que la multiplicité des niches fiscales rend possible. Or, elles ne sont pas toutes utiles ni justes ». La multiplication des niches a également diminué le rendement de l'impôt sur les sociétés (IS). Même si le taux de l'IS est amené à baisser de 33 à 25 % d'ici la fin du quinquennat comme l'a encore confirmé Bruno Le Maire, la suppression de certains dispositifs permettrait d'améliorer le rendement de cette fiscalité.

Outre les niches, Gérald Darmanin a évoqué la suppression de la redevance audiovisuelle, qui serait logique si la taxe d'habitation, à laquelle elle est rattachée, est supprimée. Là encore, la remise en cause de cette taxe a déjà soulevé la colère des professionnels et syndicats de l'audiovisuel public. En effet, les groupes publics dépendent en grande partie de cette ressource pour se financer. Elle rapporte environ 3,2 milliards par an à l'État. La suppression totale de la taxe d'habitation fait partie des impôts à baisser en priorité pour 8,3 % des répondants. Gérald Darmanin l'a confirmée pour l'ensemble des ménages d'ici 2022. Mais cette suppression pourrait représenter un fort manque à gagner pour les communes.

Lors de son discours au Grand Palais et devant les députés le lendemain, le Premier ministre n'a pas évoqué de calendrier précis. Il a simplement mentionné « cet agenda des solutions [qui] obéira forcément à plusieurs échelles de temps ». Sur la méthode, il a précisé que des concertations allaient être organisées après les annonces d'Emmanuel Macron attendues à la mi-avril. Ces échanges devraient avoir lieu « avec les élus locaux quand il s'agit de l'avenir de nos territoires, avec les organisations syndicales et patronales quand il s'agit de faire vivre la démocratie sociale, et avec les associations dont le Grand débat a rappelé le rôle essentiel dans notre vie citoyenne » . En attendant l'intervention du président, Édouard Philippe a lancé une forme d'avertissement. « Le besoin de changement est si radical, que tout conservatisme, toute frilosité, serait à mes yeux impardonnables. »

Grégoire Normand
Commentaires 17
à écrit le 15/04/2019 à 7:46
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Attendre quelque chose de cette "consultation "? Naifs ou stupides. Micron doit executer les ordres venus de Bruxelles. Les francais seront decus, comme d'habitude....

à écrit le 13/04/2019 à 15:37
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Il a fait du bruit avec la bouche, et..... rien? On sait qu'il n'est qu'un collabo-orateur de Macron et qu'il n'a aucune prise sur ce qui est décidé et mis en oeuvre. Sait t'il même ce qui a déjà été décidé? On se demande même si au bout de 5 ...

à écrit le 13/04/2019 à 9:41
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"puissantes et concrètes" selon LREM , une débacle concrète par un matraquage puissant des Français qui se lèvent tôt pour gagne la misère les rentiers vont continuer à se gaver, les locaux vacants ne seront pas taxés, leurs friches vont contin...

le 13/04/2019 à 13:31
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C'est faux, Macron n'a globalement pas augmenté les prélèvements sur les revenus du travail: la hausse de la CSG (entièrement déductible) à été un peu plus que compensée par la baisse des cotisations sociales, et il a sensiblement augmenté la prime ...

à écrit le 13/04/2019 à 8:19
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"puissantes et concrètes" selon LREM , broutilles d'enfumage selon le pays : on prend le pari ?

à écrit le 12/04/2019 à 21:38
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Retraite par capitalisation, sécu facultative, net proche du brut, limitation de l'état sur ses tâches régaliennes? non? Dans se cas je vois pas se qui va changer. Il manque 80 milliards / an dans les caisses... 60 ans de hausse des prélèvements, j'a...

le 13/04/2019 à 8:21
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60 ans de hausses pour une gestion en déficit constant : OU passe le budget de l'état ?

à écrit le 12/04/2019 à 15:21
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Après la restitution de la consultation lancée pour répondre aux "gilets jaunes", les documents de synthèse montrent que le nombre de contributeurs a été surestimé, et que plus de la moitié des contributions n'ont pas pu être prises en compte.il n,y ...

le 13/04/2019 à 8:21
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...pas au virage : aux élections !

à écrit le 12/04/2019 à 14:28
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Pole Emploi annonçait hier que les intentions d'embauche sont au plus haut. grâce aux réformes, entre autres.

à écrit le 12/04/2019 à 13:36
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On n'est passé d'un monde où nous étions des êtres libres qui participaient librement a notre collectif suivant nos moyens, a un prélèvement obligatoire qui nous donne "droit" a un monde privatisé!

le 13/04/2019 à 8:23
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....peut-etre sommes nous un peu responsables par nos votes erratiques !

à écrit le 12/04/2019 à 13:33
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Faisant partie de la soi-disant classe moyenne supérieure je m'attends au pire...

à écrit le 12/04/2019 à 10:37
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Aucune baisse des depenses publiques n'etant prevue, c'est donc dans le meilleur cas du pipo, dans le pire des cas du bonneteau fiscal ( du genre de celui qui a mis les gilets jaunes dehors)

à écrit le 12/04/2019 à 9:03
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On va probablement accouché d'une souris pourtant, la pression fiscale et les prélèvements obligatoires sont devenus ingérables pour des millions de français. Les politiques nous rabattent les oreilles en prétendant que baisser les impôts est imposs...

à écrit le 12/04/2019 à 8:17
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Est-il acceptable que ce soit le gouvernement qui fasse la "restitution " de ce grand débat, et non le ou les organismes qui ont fait la synthèse des contributions ?

le 12/04/2019 à 15:00
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Il y a déja près d'un mois : Les Français vont-ils devoir travailler plus longtemps avant de pouvoir partir à la retraite ? La question est toujours brûlante dès qu'abordée par un gouvernement, peu importe sa couleur. Mais selon Agnès Buzyn, cett...

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