
Le marathon budgétaire de l'automne s'accélère. Entre les réunions de préparation et les derniers arbitrages, les services de Bercy sont sur le pied de guerre pour boucler le budget 2024. A deux semaines de la présentation du texte prévue le 27 septembre prochain, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et celui des Comptes publics Thomas Cazenave ont dévoilé des prévisions de croissance moins optimistes que prévu pour 2024 lors d'une réunion téléphonique avec des journalistes ce jeudi 14 septembre. « La récession en Allemagne, les difficultés en Chine et la persistance des taux élevés auront un impact sur la croissance de 2024. Nous révisons la croissance de 1,6% à 1,4% pour 2024 », a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
S'agissant de 2023, l'exécutif n'a pas changé son chiffre de croissance du PIB de 1%. Récemment, l'Insee a revu à la hausse sa projection pour cette année de 0,6% à 0,9% à la faveur d'un second trimestre tiré par des chiffres du commerce extérieur favorables. De son côté, la Banque de France devrait mettre à jour ses projections macroéconomique le lundi 18 septembre prochain pour 2023 et 2024. Quant à l'inflation, Bercy table sur une hausse de 2,6% en 2024 contre 4,9% en 2023.
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« Accélérer le désendettement »
Concernant le déficit public, le gouvernement n'a pas apporté de précision pour 2024. Il a rappelé qu'il voulait accélérer le désendettement d'ici à 2027. Au lieu de 2,9% d'ici 2027, le déficit rapporté au PIB devrait atteindre 2,7%. Quant à la dette publique, elle sera ramenée à 108,1% au lieu de 110,9%. L'exécutif n'a pas hésité à agiter l'épouvantail de la charge de la dette qui « atteindra 74 milliards d'euros en 2027 » pour justifier l'accélération de ce désendettement.
La récente décision de la Banque centrale européenne (BCE) d'augmenter les taux « a conforté cette décision », a ajouté le ministre de l'Economie. Au total, l'exécutif espère faire baisser le ratio de dépenses publiques de 4 points d'ici 2027 en passant de 57,7% en 2022 à 53,8% en 2027.
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La baisse des impôts ou le difficile pari du gouvernement
Lors de leurs interventions, les deux ministres ont également insisté sur les baisses d'impôts pour les années à venir. Bruno Le Maire a notamment rappelé l'étalement de la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée) sur quatre ans au lieu de deux et la baisse de l'impôt sur le revenu de deux milliards d'euros prévue pour 2025. « Je voudrais tordre le cou à une fable selon laquelle les impôts augmenteraient en France », a déclaré le ministre. Face à l'immense défi du financement de la transition écologique, l'exécutif a dû revoir son calendrier de baisse des impôts de production.
En effet, le réchauffement climatique va obliger l'Etat à financer une partie de la montagne d'investissements nécessaire à la transition et à la décarbonation de l'économie. La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé une enveloppe supplémentaire de 7 milliards d'euros pour accélérer les investissements dans la rénovation énergétique, la décarbonation de l'industrie, le verdissement de la mobilité. Mais beaucoup d'experts et d'économistes s'accordent à dire que ce montant sera insuffisant au regard des besoins.
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Un coup de rabot à 16 milliards d'euros pour 2024
Le gouvernement entend poursuivre sa politique du rabot sur les dépenses. S'agissant de 2024, il espère au total réaliser 16 milliards d'euros d'économies. Dans le détail, 10 milliards d'euros doivent provenir de la fin du bouclier tarifaire, 4,4 milliards d'euros sur les aides exceptionnelles aux entreprises, 1 milliard d'euros sur les politiques de l'emploi et 700 millions d'euros sur l'assurance-chômage.
En face de ces économies, l'exécutif assure qu'il « protège massivement les Français contre l'inflation pour près de 25 milliards d'euros » avec l'indexation des prestations sociales et des minimas sociaux (4,5 milliards d'euros), l'indexation des retraites (14,5 milliards d'euros) ou encore l'indexation de l'impôt sur le revenu (6 milliards d'euros).
En parallèle, beaucoup de salariés ont enregistré depuis deux ans des hausses de salaires inférieures à l'inflation. Résultat, les salaires réels corrigés de l'indice des prix ont stagné, voire reculé pour la plupart des catégories professionnelles. Les mauvais chiffres de la consommation ces derniers trimestres et le cri d'alarme des associations alimentaires il y a quelques jours ont montré que l'inflation a frappé une grande partie des Français au porte-monnaie.
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Fiscalité verte : un tournant ?
Concernant le verdissement de la fiscalité, le gouvernement veut basculer les recettes des avantages fiscaux sur les énergies fossiles vers les énergies vertes. C'est par exemple le cas pour la fin de la niche fiscale sur le gazole non routier (GNR) pour les agriculteurs et les entreprises du BTP. Cette semaine, Bercy a trouvé un accord avec les professionnels. « Concrètement, les agriculteurs verront la fiscalité du GNR augmenter de 2,85 centimes par litre de carburant en 2024 et les entrepreneurs de travaux publics de 5,99 centimes. Nous voulons avec ces recettes favoriser l'accès de ces professions aux biocarburants en consolidant la filière », a précisé Bruno Le Maire. En revanche, l'exécutif ne s'est pas attaqué au GNR des transporteurs routiers redoutant de vives contestations.
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Le gouvernement brandit le spectre du 49-3
Après une avalanche de 49-3 lors de la première année de mandature, le gouvernement s'apprête de nouveau à brandir cette arme constitutionnelle. Lors de son intervention, le ministre de l'Economie a multiplié les appels du pied aux députés Les Républicains et LIOT avant la présentation fatidique des textes budgétaires.
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Les ministres de Bercy promettent d'enchaîner les rendez-vous avec les groupes parlementaires « sans exception » pour les convaincre de voter le budget 2024. Mais dans les sphères macronistes comme celles de l'opposition, le spectre du 49-3 se précise. La prochaine réunion des Dialogues de Bercy prévue la semaine prochaine avec différents parlementaires pourrait confirmer cette crainte. Lors de son discours aux journées parlementaires de la majorité ce jeudi, la Première ministre Elisabeth Borne a d'ailleurs évoqué cette option.« A la veille du débat budgétaire, nous sommes lucides : voter un budget marque l'appartenance à une majorité. Nous aurons donc probablement recours à plusieurs 49-3 pour permettre l'adoption de nos textes financiers ».
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