L'année 2024 commence mal pour le nouveau gouvernement Attal. Une semaine après sa prise de fonction à Matignon, le nouveau Premier ministre doit affronter les récriminations sévères de la Cour des comptes. Lors de ses vœux adressés à la presse ce jeudi 18 janvier, le président de la juridiction financière, Pierre Moscovici, n'a pas mâché ses mots pour cette nouvelle année. « Notre niveau d'endettement atteint des sommets, et la trajectoire de désendettement prévue par le gouvernement est non seulement fragile, elle est aussi peu ambitieuse », a tancé l'ancien ministre de l'Économie.
Pour rappel, la dette publique tricolore s'élevait à 112% du produit intérieur brut fin 2023. L'Hexagone se classait ainsi à la troisième marche du podium derrière la Grèce (166%) et l'Italie (142%) selon de récentes données d'Eurostat. « Le retour sous 3 points de PIB du déficit public est prévu uniquement pour 2027, ce qui est singulièrement tardif par rapport à nos voisins européens, et nous place en queue de peloton par rapport à nos principaux partenaires », a poursuivi le spécialiste des finances publiques.
Le grand retour des règles budgétaires européennes depuis le premier janvier 2024 devrait changer la donne sur le Vieux continent. En France, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'est félicité « d'un accord historique » après deux années d'âpres négociations entre les pays du Nord dits « frugaux » et les pays du Sud. Mais cette réforme pourrait pousser la France à faire encore plus d'économies que les 12 milliards d'euros par an avancés par l'exécutif. Une gageure au moment où la France et l'Europe doivent engager une montagne d'investissements pour doper la transition écologique et respecter ses engagements en matière de neutralité carbone.
Une prévision de croissance 2024 jugée optimiste
Le gouvernement est aussi de plus en plus critiqué pour ses prévisions de croissance jugées «optimistes ». Dans le projet de loi de finances 2024 présenté en septembre 2023, l'exécutif a prévu une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,4% en 2024. Pour 2023, l'activité devrait accélérer en 0,8% et 0,9% selon les différents instituts de prévision. De son côté, le gouvernement a maintenu jusqu'à maintenant son chiffre de 1,4%. Mais le ministre de l'Économie n'a pas du tout évoqué cette projection lors de sa longue allocution de vœux aux acteurs de l'économie le 8 janvier dernier.
« La prévision du gouvernement s'écarte de celle du consensus. Le gouvernement devrait réfléchir à sa prévision de croissance par rapport à l'état de l'économie », a prévenu Pierre Moscovici dans son allocution. « Nous ne sommes pas à la veille des "30 glorieuses". Il ne faut pas s'attendre à des merveilles dans les années à venir » a ajouté le magistrat. « Le gouvernement doit revenir avec une prévision de croissance réaliste », confie à La Tribune, Pierre Moscovici.
L'économie tricolore a certes évité la récession en 2023. Mais de nombreux nuages continuent de planer au dessus de l'économie. Pressés par la hausse des taux, les entreprises et les ménages sont à la peine. « Depuis six mois le moral des entreprises a changé. Les carnets de commande se vident », expliquait mercredi à La Tribune, Eric Heyer, directeur des prévisions à l'OFCE. « La demande est devenue le principal frein à l'activité des entreprises. La consommation des ménages est faible. Le pouvoir d'achat des salariés est en baisse. Aujourd'hui, il y a un vrai problème de demande », poursuit l'économiste. « La croissance du PIB devrait augmenter de 0,9% en 2023 et 0,8% en 2024. La croissance serait assez maigre en 2025 », a abondé Bertrand Pluyaud, économiste à l'OCDE en charge de la France auditionné ce mercredi par la Commission des finances de l'Assemblée nationale.
La mise en garde de la Cour sur les baisses d'impôts non financées
Autre sujet sur la table : la fiscalité dans l'Hexagone. Lors de la conférence de presse donnée dans la salle des fêtes de l'Elysée mardi dernier, Emmanuel Macron a confirmé la baisse d'impôts pour les classes moyennes et précisé le calendrier. « On aura entre autres, dans notre trajectoire financière, deux milliards de baisses d'impôts sur nos compatriotes qui sont dans ces catégories en 2025», a-t-il annoncé devant 200 journalistes indiquant que « le gouvernement reviendrait sur le détail de la mesure ».
En attendant les précisions de l'exécutif, la Cour des comptes a mis en garde contre les baisses d'impôts non financées. « Sur les mesures d'impôts, nous n'avons pas de problème de financement de la dette. En revanche, s'il y a ce geste de 2 milliards d'euros, il devra être financé soit par la croissance, soit par davantage d'économies. Tout cela restera à préciser », a indiqué Pierre Moscovici. « Les deux milliards d'euros sont prévus dans la trajectoire du gouvernement mais on ne sait pas comment cette mesure sera financée. C'est au gouvernement de le dire », a-t-il ajouté. Gabriel Attal est prévenu.