
Article publié jeudi 28 septembre à 00h10, mis à jour à 6h25
Et voici le premier 49.3 de la saison parlementaire, le douzième pour Elisabeth Borne. En utilisant à nouveau cette arme constitutionnelle, la cheffe du gouvernement à engagé mercredi devant l'Assemblée nationale la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de programmation des finances publiques.
« Aucun groupe n'est prêt à voter ce texte essentiel à notre pays. Ce texte a déjà été rejeté en première lecture. Nous avons besoin de cette loi de programmation de nos finances publiques. Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque », s'est justifiée la Première ministre, qui a parlé d'un texte de « responsabilité », peu avant minuit, après des débats démarrés à 21h30.
Cet article, régulièrement brocardé par les oppositions de quinquennat en quinquennat qui estime qu'il permet de prendre « en otage » les parlementaires, permet d'adopter un texte sans vote. A moins qu'une motion de censure vienne en retour faire tomber le gouvernement, sachant qu'il ne dispose que d'une majorité relative. La gauche a d'ailleurs aussitôt annoncé qu'elle allait déposer une motion de censure. La plupart des députés d'opposition, à gauche et à droite, avaient prévu de voter contre ce texte. Le Rassemblement national (RN) avait lui laissé planer la possibilité d'une abstention.
Le Haut conseil des finances publiques étrille les prévisions budgétaires
Rejeté par l'Assemblée il y a un an, le texte de programmation des finances publiques prévoit notamment de ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7% en 2027, soit en-dessous de l'objectif européen de 3%, dans un contexte où la charge de la dette explose. Dans ce scénario, la dette publique diminuerait d'un peu moins de quatre points par rapport à aujourd'hui à 108,1% du PIB, encore bien au-dessus de la limite européenne de 60%. Une trajectoire « peu ambitieuse » et basée sur des hypothèses de croissance « optimistes », s'est de nouveau agacé le Haut conseil des finances publiques (HCFP) lundi.
L'exécutif tient absolument au texte, arguant que son rejet menacerait le versement par Bruxelles à la France de 17,8 milliards d'euros sur la période 2023-2024. L'argument ne convainc pas les oppositions, qui ont déjà affiché leur opposition au projet de loi. « Cela reste une hypothèse, je ne la nie pas, mais ce n'est en aucun cas une certitude telle qu'elle est présentée », a pointé le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI) avant l'adoption du texte en commission.
Le patron des LR à l'Assemblée Olivier Marleix a lui aussi fermé la porte à tout soutien au texte : « il ne faut pas qu'ils comptent sur nous pour cogérer aujourd'hui la situation calamiteuse dans laquelle se trouve le pays ». Le Rassemblement national a lui choisi de s'abstenir et n'a pas exclu de répéter ce geste dans l'hémicycle. « Nous ne croyons pas à la crédibilité de votre loi de programmation », a affirmé le RN Jean-Philippe Tanguy. Mais il a aussi annoncé que le « RN fera un choix de conscience et de responsabilité » sur la question des milliards potentiellement menacés, suscitant les critiques de la gauche.
Le texte étant examiné en session extraordinaire, le gouvernement disposera toujours d'une cartouche de 49.3 pour la session ordinaire qui doit démarrer lundi prochain. Le gouvernement ne peut en effet dégainer le 49.3 que sur un seul texte par session ordinaire, hors budgets de l'Etat et budget de la sécurité sociale, sur lesquels il peut engager sa responsabilité autant de fois qu'il le souhaite. Sur ces deux textes présentés mercredi en conseil des ministres et qui seront examinés à partir d'octobre à l'Assemblée nationale puis au Sénat, le gouvernement pourrait donc devoir recourir à l'article 49.3 pour les faire adopter.